Entrées par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

La publication d’une sanction considérée comme une sanction en soi

ATF 143 I 352 | TF, 11.07.2017, 2C_1062/2016*

Faits

Par décision du 3 mai 2016, le Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud inflige à un psychiatre un blâme et une amende pour avoir eu des relations sexuelles avec une de ses patientes après la fin de la thérapie. Il ordonne par ailleurs la publication de la sanction dans la Feuille d’avis officielle du canton de Vaud.

Le psychiatre recourt contre la décision du 3 mai 2016 en tant qu’elle ordonnait la publication de la sanction prononcée. La Cour cantonale ayant rejeté le recours, le psychiatre saisit le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public. Celui-ci doit examiner si le Département était en droit d’ordonner la publication de la sanction.

Droit

Le Tribunal fédéral remarque d’abord qu’il existe une superposition entre la loi cantonale vaudoise (LSP/VD) et la loi fédérale (LPMéd) en matière de mesure disciplinaire infligée à un membre d’une profession libérale.

La LPMéd a pour but d’unifier le droit disciplinaire notamment quant aux mesures prévues en cas de violation des obligations professionnelles. Son art. 43 LPMéd contient une liste exhaustive des mesures disciplinaires pouvant être prononcées que les cantons ne peuvent pas modifier.… Lire la suite

Les justes motifs et le délai pour résilier un contrat de travail

ATF 143 III 290 | TF, 11.05.2017, 4A_662/2016*

Faits

Deux associés fondent une société active dans le domaine dentaire et y sont actifs à la fois comme membres de la direction et comme employés (voyageurs de commerce). Vingt ans plus tard, ils vendent leurs participations dans la société dentaire à une holding et concluent simultanément avec la société dentaire un contrat de travail de durée indéterminée mais résiliable après cinq ans. Désormais employés de la société dentaire, ils doivent assumer auprès d’elle notamment la tâche de membres du conseil d’administration et assurer la présidence du comité de direction.

Entre 1997 et 1998, la holding acquiert quatre autres sociétés actives dans le domaine dentaire. Dans ce prolongement, la société dentaire entame une réorganisation qui implique une série de changements pour les deux employés en termes de tâches, d’influence et de compétences. Les deux employés sont mis au courant de ces changements au printemps 1998. Ils reçoivent notamment un courrier en mai 1998 leur indiquant qu’à compter du 1er janvier 1999 ils n’auront plus que le statut de voyageurs de commerce. Par courrier du 15 octobre 1998, les deux employés sont conviés à une séance du conseil d’administration de la société dentaire devant se tenir le 28 octobre 1998 et au terme de laquelle les changements du groupe seront discutés puis mis en place à compter du 1er janvier 1999.… Lire la suite

Les devoirs de vérification de la banque face à un document falsifié

TF, 15.06.2017, 4A_379/2016

Faits

Une cliente dépose environ 1,8 millions d’avoirs auprès d’une banque (execution only) et les fait gérer par un gestionnaire externe. Durant plusieurs années, la cliente procède de manière générale à des retraits allant de CHF 1’000 à CHF 15’000.

L’art. 2 des conditions générales qui lient la cliente à la banque prévoit que « le dommage résultant de défauts de légitimation ou de faux non décelés est à la charge du Client, sauf en cas de faute grave de la Banque ».

Entre 2006 et 2010, le gestionnaire externe a détourné à l’insu de la cliente environ 1,3 millions de francs. Il a notamment adressé à la banque deux ordres de transferts de respectivement CHF 500’000 et CHF 550’000 pour l’acquisition de métaux précieux. Ces deux ordres comportaient une signature falsifiée de la cliente. L’employé de la banque qui a reçu ces deux ordres a considéré qu’ils sortaient de l’ordinaire si bien qu’il a procédé à des contrôles. À cet effet, il a téléphoné au gérant externe pour lui demander si l’opération portait bien sur l’acquisition de métaux précieux ce que le gérant externe a évidemment immédiatement confirmé. Sur la base des dires du gérant, l’employé a procédé au transfert.… Lire la suite

La reconnaissance d’une décision consulaire en changement de sexe

ATF 143 III 284 | TF, 17.05.2017, 5A_390/2016*

Faits

Une personne binationale Suisse et Espagnole obtient l’autorisation de l’Etat de Genève de changer son prénom masculin en un prénom féminin. Elle reçoit quelque temps plus tard une carte d’identité suisse qui porte sous la rubrique « sexe » la mention « F ».

Sur la base de l’autorisation de l’Etat de Genève, de sa carte d’identité suisse, et d’un certificat médical attestant l’existence d’une dysphorie de genre stable et persistante, elle requiert du Consulat général d’Espagne à Genève l’inscription de son changement de prénom ainsi que la modification de l’indication relative à son sexe dans les registres de l’Etat civil espagnol. Par décret, le Consulat général autorise la rectification demandée afin que l’intéressée y figure comme étant de sexe féminin.

Quelques années plus tard, au moment de demander un renouvellement de sa carte d’identité suisse, l’intéressée se voit refuser la délivrance d’une carte portant la mention du sexe féminin au motif que les registres de l’Etat civil suisse indiquent qu’elle était de sexe masculin. Les autorités genevoises indiquent alors qu’un changement de sexe ne peut être inscrit que sur la base d’une décision. La décision du Consulat général d’Espagne ne pouvant être reconnue en Suisse, l’autorité invite l’intéressée à faire prononcer son changement de sexe en Suisse au moyen d’une procédure judiciaire.… Lire la suite

Un message publicitaire UDC constitutif d’une discrimination raciale

ATF 143 IV 193 | TF, 13.04.2017, 6B_610/2016*

Faits

Dans le contexte de la campagne de l’UDC pour « stopper l’immigration de masse », le parti politique publie sur son site internet et dans certains journaux une annonce publicitaire intitulée « voici les conséquences d’une immigration de masse incontrôlée ». En dessous du titre, en grandes lettres blanches sur fond noir, le message principal indique que « des Kosovars poignardent un Suisse » et que « quiconque ne le souhaite pas signe l’initiative populaire contre l’immigration de masse ». L’affiche décrit en outre un incident saurvenu avec des Kosovars : « Deux compagnons de lutte suisse, Roland (38) et Kari (45), sont assis le lundi 15 août sur une terrasse à Interlaken. Soudain, un taxi s’arrête devant eux et deux Kosovars (33 et 31 ans) en sortent. “Suisses de merde ! Salauds” disent-ils. Kari, douze fois titré en lutte suisse, répond alors “à quoi cela mène-t-il ?”. Un des deux Kosovars sort un couteau et le plante dans la gorge de Kari ».

Le Tribunal régional de Berne-Mittelland a reconnu le secrétaire général de l’UDC au moment de la publication de l’annonce, ainsi que sa suppléante, coupables de discrimination raciale (art. 261bis CP). La Cour d’appel du canton de Berne a confirmé les verdicts de culpabilité.… Lire la suite