La hausse de loyer admissible suite à la rénovation d’un appartement
La nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le rendement net admissible des fonds propres s’applique au rendement admissible pour le calcul d’une hausse de loyer motivée par des investissements à plus-value. Partant, le calcul du rendement de l’investissement à plus-value se fonde sur un rendement de 2% en sus du taux hypothécaire de référence (si celui-ci est inférieur ou égal à 2%).
Faits
En 1983, les parties concluent un contrat de bail portant sur un appartement de 5 pièces à Genève. Quelques années plus tard, la bailleresse indexe le loyer en se réservant le droit d’augmenter le loyer en cours de bail en cas de prestations supplémentaires de sa part. Les locataires ne s’opposent pas.
En 2015, la bailleresse rénove entièrement l’appartement. En 2019, elle adresse un avis de majoration de loyer en raison des prestations supplémentaires qu’elle a fournies. Le loyer passe de CHF 905 à CHF 1’420 par mois.
Les locataires contestent l’augmentation de loyer en commission de conciliation et demandent simultanément une réduction de loyer en raison de la baisse du taux hypothécaire de référence. Non conciliée, la cause est portée devant le Tribunal des baux et loyers de Genève.
Le Tribunal des baux et loyers fixe le loyer mensuel à CHF 1’117. Les locataires font appel à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève et la bailleresse dépose un appel joint. La Chambre des baux et loyers réduit le loyer mensuel à CHF 985.
La bailleresse interjette alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur : (i.) le calcul du rendement des fonds investis pour les rénovations d’un appartement, (ii.) la réduction d’un loyer indexé fondée sur la baisse du taux hypothécaire.
Droit
En premier lieu, la recourante invoque que le calcul du rendement des fonds investis pour les rénovations doit se fonder sur la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de rendement net (art. 269 CO) (ATF 147 III 4). A ses yeux, la Cour cantonale aurait ainsi dû appliquer un taux de 2 %, et non de 0,5 %, en sus du taux hypothécaire de référence de 1,5 %.
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que, conformément à l’art. 269a lit. b CO, le loyer n’est pas abusif s’il est justifié par des prestations supplémentaires du bailleur. L’art. 14 al. 1 1ère phrase OBLF définit les prestations complémentaires comme des investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values. L’art. 14 al. 3 OBLF ajoute que seule la part qui excède le coût du rétablissement ou du maintien de l’état initial de la chose louée est considérée comme prestation supplémentaire. Lorsque le propriétaire effectue des gros travaux de rénovation, il peut être difficile de déterminer cette part. L’art. 14 al. 1 2ème phrase OBLF établit une règle générale selon laquelle les frais causés par d’importantes réparations sont considérés à raison de 50 à 70 % comme des investissements créant des plus-values.
L’art. 14 al. 4 OBLF complète ces règles et prévoit que les hausses de loyers fondées sur des investissements créant des plus-values sont réputées non abusives lorsqu’elles ne servent qu’à couvrir équitablement les frais d’intérêts, d’amortissement et d’entretien résultant de l’investissement. En l’espèce, les parties ne remettent pas en cause les frais d’amortissement et d’entretien. Le point litigieux est la répercussion sur les loyers des intérêts du capital créateur de plus-value, et plus précisément, le taux du rendement applicable.
Dans le contexte du contrôle du loyer initial, le taux de rendement admissible des fonds propres correspond au taux hypothécaire de référence augmenté d’un pourcentage établi. L’ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral prévoyait une augmentation de 0.5 %. La nouvelle jurisprudence retient que lorsque le taux hypothécaire de référence est égal ou inférieur à 2 %, une augmentation de 2 % est autorisée (ATF 147 III 4).
Le Tribunal fédéral constate qu’aucun motif ne s’oppose à la transposition de cette jurisprudence au rendement du capital créateur de plus-value (cf. art. 14 al. 4 OBLF) ; sous l’empire de l’ancienne jurisprudence, il y avait déjà un parallélisme sur ce point entre le calcul du rendement admissible des fonds propres et de l’investissement à la plus-value, malgré les divergences que ces calculs peuvent présenter par ailleurs. Sur le fond, le but visé par le législateur aux art. 269a lit. b CO et 14 OBLF est d’encourager le propriétaire à rénover son bien. Une augmentation du rendement va dans le sens de ce but et reste modérée (0.5 % à 2 %).
Le Tribunal fédéral admet le recours sur ce point. Il procède au calcul de la hausse de loyer en intégrant sa nouvelle jurisprudence, soit sur la base d’un rendement de 3.5 % (1.5 % (taux hypothécaire de référence) majoré de 2 %).
En second lieu, la recourante soutient que les locataires ne peuvent pas obtenir une réduction du loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire de référence dans le cadre d’un bail à loyer indexé.
Le Tribunal fédéral rappelle que dans un bail indexé, le loyer dépend de la variation de l’ISPC. Les parties peuvent prévoir que le loyer peut être augmenté en cas de prestations supplémentaires du bailleur, tels que des travaux à plus-value (art. 269a let. b CO). Cette exception n’équivaut toutefois pas à une brèche ; lors d’une augmentation sur cette base, les locataires ne peuvent pas invoquer en réaction des facteurs relatifs tels que l’évolution du taux hypothécaire de référence. Les locataires n’ont cette possibilité qu’à l’expiration du bail à loyer indexé.
En l’espèce, les locataires ne peuvent donc pas compenser la hausse du loyer intervenant en cours de bail avec une réduction du loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire. Le Tribunal fédéral juge le recours fondé sur ce point.
Le Tribunal fédéral admet le recours dans son intégralité et fixe le loyer à CHF 1’117 (charges non comprises).
Proposition de citation : Margaux Collaud, La hausse de loyer admissible suite à la rénovation d’un appartement, in: https://lawinside.ch/1522/