Le TAS est-il un tribunal arbitral indépendant ?
ATF 144 III 120 | TF, 20.02.2018, 4A_260/2017*
Le Tribunal arbitral du sport est un tribunal arbitral suffisamment indépendant pour être assimilé à un tribunal étatique.
Faits
Un club de football belge est sanctionné par la Commission de discipline de la FIFA pour avoir conclu des contrats de Third Party Ownership (TPO) en violation des art. 18bis et 18ter du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA. La Commission de recours de la FIFA rejette le recours du Club.
Le Club saisit le Tribunal arbitral du sport (TAS), lequel réduit la sanction mais confirme la décision de la Commission pour le surplus.
Le Club forme alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral en faisant notamment valoir le fait que le TAS ne peut pas être considéré comme un véritable tribunal arbitral du sport. Le Tribunal fédéral est amené à se prononcer sur l’indépendance requise de la part du TAS pour être reconnu comme tribunal arbitral.
Droit
L’art. 75 CC prévoit que tout sociétaire est autorisé de par la loi à attaquer en justice, dans le mois à compter du jour où il en a eu connaissance, les décisions auxquelles il n’a pas adhéré et qui violent des dispositions légales ou statutaires. Cette disposition est de droit impératif : les décisions de l’association doivent ainsi être soumises au contrôle d’un tribunal indépendant. Ce type de litige peut toutefois être soumis à un tribunal arbitral pour autant que ce dernier constitue une véritable autorité judiciaire.
En l’espèce, l’appel au TAS contre la décision de la Commission constitue une action en annulation d’une décision d’une association de droit suisse. Il s’agit donc de vérifier l’indépendance du TAS.
Le Club soutient que la relation de la FIFA avec le TAS n’a jamais été analysée par le Tribunal fédéral. Or, la FIFA serait un « gros client » du TAS ce qui serait susceptible d’influencer les sentences du TAS en faveur de la FIFA. En outre, le Club se prévaut d’un article du mandataire de la FIFA pour souligner le poids prépondérant des organisations sportives dans la nomination des membres du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (ANTONIO RIGOZZI, L’importance du droit suisse de l’arbitrage dans la résolution des litiges sportifs internationaux, in Revue de droit suisse [RSJ/ZSR] 2013 I p. 301 ss).
La FIFA, pour sa part, souligne que l’indépendance du TAS a déjà été analysée dans l’arrêt de principe Lazutina (ATF 129 III 445). De plus, cette jurisprudence a été récemment confirmée par le Bundesgerichtshof allemand dans l’arrêt Pechstein du 7 juin 2016.
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la dépendance du TAS des Fédérations Internationales (FI) olympiques a toujours été moins problématique que celle avec le Comité International Olympique (CIO). Or, dans l’arrêt Lazutina, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que le TAS est suffisamment indépendant du CIO. Depuis lors, l’indépendance du TAS vis-à-vis des diverses FI a été confirmée à maintes reprises par la jurisprudence.
En l’espèce, la FIFA peut être assimilée aux autres FI. Puisqu’il n’existe aucune raison de revenir sur une jurisprudence bien établie, l’indépendance du TAS vis-à-vis de la FIFA doit également être reconnue.
Le Tribunal fédéral souligne encore qu’il ne lui appartient pas de réformer le TAS, mais uniquement de veiller à ce que le TAS atteigne le niveau d’indépendance requis pour pouvoir être assimilé à un tribunal étatique. Or, le Club ne parvient pas à prouver qu’il existe une dépendance structurelle ou financière du TAS par rapport à la FIFA.
Les autres griefs du Club, à savoir la violation de son droit d’être entendu et de l’ordre public matériel, sont également écartés.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Célian Hirsch, Le TAS est-il un tribunal arbitral indépendant ?, in: https://lawinside.ch/579/
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