Les voies de recours lors de la fixation du traitement d’un·e juge cantonal·e
S’agissant de la fixation de son traitement, un·e juge cantonal·e doit bénéficier d’une voie de recours auprès d’une autorité judiciaire sur le plan cantonal (cf. art. 29a Cst.).
Faits
Le secrétaire général (Generalsekretär) du Tribunal cantonal zurichois rend une décision par laquelle il augmente provisoirement le taux d’occupation d’un juge. Ce dernier est dès lors intégré dans une nouvelle classe salariale.
Estimant devoir être intégré dans une classe salariale supérieure, le juge saisit la Verwaltungskommission du Tribunal cantonal, sans succès. Il exerce ensuite un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si les voies de recours cantonales en la matière sont conformes au droit supérieur.
Droit
Selon l’art. 86 al. 2 LTF, les cantons instituent des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral, sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu’une décision d’une autre autorité judiciaire peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Cette disposition concrétise en particulier l’art. 191b Cst. (autorités judiciaires des cantons) ainsi que la garantie de l’accès au juge prévue par l’art. 29a Cst.
L’art. 30 Cst., qui prévoit en particulier que le tribunal doit être établi par la loi, compétent, indépendant et impartial, doit se lire non seulement comme un droit fondamental, mais également comme un principe général de l’organisation des autorités.
Toutefois, dans certaines constellations, les tribunaux agissent dans le cadre de leur propre administration judiciaire, dans le but de créer et de maintenir les conditions matérielles, personnelles et organisationnelles nécessaires à l’exercice de la justice. Il en va ainsi, par exemple, des procédures relatives à l’engagement du personnel ou des questions de rémunération des greffiers et d’autres employés.
Dans ces cas, les tribunaux poursuivent leurs propres intérêts et décident dans leur propre affaire, raison pour laquelle ils ne disposent pas à cet égard de l’indépendance nécessaire au sens de l’art. 30 Cst. La garantie de l’accès au juge prévue par l’art. 29a Cst. exige toutefois que les décisions correspondantes puissent être portées devant une instance judiciaire indépendante.
Le Tribunal fédéral souligne qu’il n’a jamais eu à se pencher spécifiquement sur la question de savoir si les voies de recours zurichoises en la matière sont compatibles avec l’art. 86 al. 2 LTF, en particulier si la Verwaltungskommission doit être considérée comme une autorité inférieure au sens de cette disposition.
Après s’être livré à une analyse de la procédure administrative zurichoise, le Tribunal fédéral souligne que dans le domaine de l’administration judiciaire, les tribunaux supérieurs statuent en tant qu’autorités administratives de recours, et non pas en tant que tribunaux indépendants au sens de l’art. 30 Cst. C’est en particulier le cas lorsqu’ils examinent sur recours des actes d’administration judiciaire de leurs propres organes. Ils ne sont alors pas en mesure de remplir les conditions des art. 29a Cst. et 30 Cst.
En l’espèce, en application du droit cantonal, le recourant a dû porter sa cause par-devant la Verwaltungskommission, laquelle a dû se prononcer sur une décision prise en amont par son propre secrétaire général. La Verwaltungskommission ne dispose pas, dans ce cas de figure, du degré d’indépendance requis par l’art. 30 Cst. du seul fait qu’elle statue en deuxième instance. D’un point de vue fonctionnel, elle reste, en tant qu’organe du tribunal supérieur compétent, une autorité administrative.
Il découle de ce qui précède que les voies de recours prévues par le droit zurichois en matière d’administration judiciaire sont incompatibles avec l’art. 86 al. 2 LTF. Il manque en effet la possibilité de recourir auprès d’une instance judiciaire cantonale indépendante au sens de l’art. 29a Cst.
En conséquence, il n’est pas possible pour le Tribunal fédéral d’entrer en matière sur le recours. Le recourant n’a en effet pas eu accès à une autorité judiciaire sur le plan cantonal, et la condition de recevabilité de l’art. 86 al. 1 lit. d LTF, selon lequel le recours est recevable contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance, n’est pas remplie.
En application par analogie de l’art. 30 al. 2 LTF, selon lequel si la compétence d’une autre autorité [fédérale] paraît vraisemblable, le Tribunal fédéral transmet l’affaire à cette autorité, notre Haute cour transmet donc la cause au Verwaltungsgericht zurichois.
Proposition de citation : Camille de Salis, Les voies de recours lors de la fixation du traitement d’un·e juge cantonal·e, in: https://lawinside.ch/1497/