Le paiement d’une avance de frais par un mineur non accompagné
Décision de la commission administrative du Tribunal fédéral, 16.10.2017, 12T_2/2016*
La pratique prévalant au sein du Tribunal administratif fédéral qui consiste à demander aux requérants d’asile mineurs non accompagnés des avances de frais restreint de manière inadmissible l’accès à la justice.
Faits
Un citoyen érythréen de 15 ans non accompagné fait une demande d’asile. Il fonde sa requête sur le risque d’être enrôlé de force dans l’armée nationale et sur la circonstance qu’il avait auparavant été détenu deux mois au motif qu’il avait été soupçonné de vouloir quitter le pays sans autorisation. Le Secrétariat d’État aux migrations rejette sa demande.
Contre cette décision, le demandeur d’asile de 15 ans recourt au Tribunal administratif fédéral et demande à titre préalable l’octroi de l’assistance juridique sous la forme d’une dispense d’avance de frais. Par décision incidente, le juge instructeur rejette la requête d’assistance judiciaire au motif que le recours était dénué de toute chance de succès et fixe un délai au demandeur d’asile pour verser une avance de frais de CHF 900. Ne s’étant pas acquitté de ce montant, le demandeur d’asile de 15 ans voit son recours déclaré irrecevable.
La Fondation suisse du service social international adresse alors, au nom du demandeur d’asile de 15 ans, une dénonciation à l’encontre de la décision incidente au Tribunal fédéral en sa qualité d’autorité de surveillance administrative du Tribunal administratif fédéral.
La commission administrative du Tribunal fédéral (la Commission) se saisit de la cause et est amenée à déterminer si la pratique du Tribunal administratif fédéral qui consiste à demander à des mineurs non accompagnés des avances de frais est conforme au droit.
Droit
La Commission rappelle d’abord que l’art. 63 al. 4 PA prévoit que l’autorité de recours perçoit du recourant une avance de frais équivalent aux frais de procédure présumés. Elle lui impartit pour le versement de cette créance un délai raisonnable en l’avertissant qu’à défaut de paiement elle n’entrera pas en matière. Si des motifs particuliers le justifient, elle peut renoncer à percevoir la totalité ou une partie de l’avance de frais. La Commission se pose donc la question de savoir si la situation des mineurs non accompagnés déboutés relève d’une manière générale des motifs particuliers auxquels se réfère l’art. 63 al. 4 PA.
Elle commence par relever que le droit interne prévoit toute une série de dispositions de protection des mineurs puis mentionne, parmi d’autres, quelques traités internationaux consacrant le besoin particulier de protection des mineurs. Elle explique ensuite que le fait qu’un traité international ne soit pas d’application directe n’implique nullement que le juge puisse simplement ignorer son existence. Il en va spécialement ainsi dans les matières relatives aux droits de l’homme, qui plus est dans un domaine où l’on a affaire à des personnes en état de faiblesse, par exemple au regard de leur âge.
Forte de ces constats, la Commission expose sa position dans un considérant d’une telle pertinence que, de peur d’en altérer le contenu, nous avons décidé de le retranscrire verbatim : «[l]a procédure d’asile ne relève pas de mécanismes portant sur des bagatelles. Les enjeux qui en résultent ont trait au respect de l’intégrité physique et psychique des personnes concernées, respectivement à leur droit à la dignité, voire même à la vie. Dans un tel contexte, exiger des avances de frais de mineurs non accompagnés, même en procédure de recours, se révèle une mesure restreignant de manière démesurée l’accès à la justice de personnes en situation de grande vulnérabilité».
Dans de telles circonstances, la Commission estime que la pratique prévalant au sein du Tribunal administratif fédéral restreint de manière inadmissible l’accès à la justice des mineurs non accompagnés. Ainsi, sous réserve de situations spéciales, notamment en présence de mineurs disposant de fortune personnelle ou d’autres ressources avérées, il conviendra à l’avenir de renoncer à percevoir de telles avances de frais.
Le Tribunal administratif fédéral est donc enjoint à l’avenir de modifier sa pratique dans ce sens.
Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, Le paiement d’une avance de frais par un mineur non accompagné, in: https://lawinside.ch/525/