L’assistance judiciaire en faveur d’une personne morale
ATF 143 I 328 | TF, 22.05.17, 4A_75/2017*
Une personne morale ne peut bénéficier de l’assistance judiciaire que si le procès concerne ses seuls actifs et que ses participants économiques sont indigents. L’assistance judiciaire est toutefois exclue si le procès en cours ne permet pas de garantir la survie de la personne morale.
Faits
Une société est expulsée du local qu’elle loue et le tribunal ordonne son évacuation. La société ne s’exécute pas et le bailleur vend les objets se trouvant dans le local. En parallèle, la société est dissoute en raison de l’absence d’un domicile (cf. art. 153b ORC). La société se retourne ensuite contre le bailleur sur la base de l’art. 41 CO et réclame le remboursement des objets qu’il a vendus. A cette occasion, elle sollicite l’assistance judiciaire. Le tribunal de première instance, puis le Tribunal cantonal rejettent cette requête. La société saisit alors le Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de l’assistance judiciaire en faveur d’une personne morale.
Droit
Pour autant que la cause ne soit pas dépourvue de chances de succès, l’art. 29 al. 3 Cst. confère un droit à l’assistance judiciaire pour les personnes indigentes. Cette règlementation vise les personnes physiques. En effet, une personne morale n’est pas indigente; elle est uniquement solvable ou non, voire endettée. En principe, les personnes morales ne disposent donc pas d’un droit à l’assistance judiciaire. Par exception, le Tribunal fédéral a cependant considéré qu’une personne morale peut prétendre à l’assistance judiciaire si ses seuls actifs sont impliqués dans le procès et que ses participants financiers sont indigents.
Le Tribunal fédéral confirme cette jurisprudence en laissant toutefois ouverte la question de savoir si l’octroi de l’assistance judiciaire en faveur d’une personne morale doit en plus poursuivre un intérêt public, comme une partie de la doctrine le soutient. Par contre, il précise que l’affaire pour laquelle la personne morale requiert l’assistance judiciaire doit permettre d’assurer son existence (Weiterexistenz). Dans le cas contraire, la personne morale n’a pas le droit à l’assistance judiciaire.
En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que la décision de l’office du commerce de dissoudre la société ne possédant plus de siège après le délai de 3 mois de l’art. 153b al. 3 ORC est irrévocable. Cette dissolution est également indépendante de la situation financière de la société ; seule importe l’absence de domicile. Dès lors, l’éventuel gain du procès dans la procédure en cours (action en dommages-intérêts) ne peut plus rien changer à l’existence même de la société.
Dans cette mesure, c’est à bon droit que l’instance précédente a rejeté l’assistance judiciaire de la société recourante.
Proposition de citation : Julien Francey, L’assistance judiciaire en faveur d’une personne morale, in: https://lawinside.ch/503/