Le droit de l’assuré de poser des questions en matière d’expertise médicale AI

ATF 141 V 330 | TF, 04.05.2015, 8C_690/2014*

Faits

Lors d’une procédure de révision initiée d’office, l’office AI du canton de Soleure demande à une rentière de se soumettre à une expertise médicale. Il lui joint une liste de questions adressées au médecin. La rentière demande à ce que des questions supplémentaires soient rajoutées à cette liste. L’office AI refuse cette requête, en raison du fait que la liste de questions ne constitue pas une décision, de sorte qu’elle ne peut être attaquée.

Le recours de la rentière est partiellement admis par le Tribunal cantonal en ce qui concerne l’obligation de l’office AI de statuer par voie de décision sur la requête de l’assuré visant à rajouter des questions supplémentaires à adresser au médecin.

L’office AI conteste cet arrêt par la voie du recours en matière de droit public.

Litigieuse est dès lors la question de savoir si l’office AI doit statuer par voie de décision sur une requête de l’assuré tendant à ce que des questions supplémentaires soient rajoutées dans la liste des questions à poser au médecin.

Droit

L’instance cantonale a estimé que la nouvelle jurisprudence fédérale a étendu les droits de participation de l’assuré dans le cadre d’une expertise médicale, ce qui justifie qu’une protection juridique soit garantie également en ce qui concerne une requête tendant à ajouter des questions supplémentaires (cf. ATF 137 V 210).

Le Tribunal fédéral constate que la jurisprudence cantonale est fragmentaire sur la question.

Dans son ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral considérait que le fait d’ordonner à un assuré de se soumettre à une expertise médicale ne constituait pas une décision (ATF 132 V 93), tout comme le refus d’une demande d’adresser des questions supplémentaires au médecin (ATF 133 V 446). L’office AI ne devait répondre par décision (incidente) qu’aux contestations ayant trait au choix de l’expert.

Dans l’ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a changé sa jurisprudence. Désormais, une expertise médicale doit être ordonnée par décision incidente et l’assuré doit avoir la possibilité de poser des questions supplémentaires – ce qui constitue une modalité d’exercice de son droit d’être entendu. En revanche, cet arrêt ne traite pas de la procédure à suivre lorsque l’assuré fait usage de ce droit.

La liste de questions soumise à l’expert constitue une recherche de preuves faite par l’autorité. Lorsque l’assuré demande que des questions supplémentaires soient posées à l’expert, il forme une requête de preuves qui doit être brièvement motivée. En analogie avec la procédure civile et pénale, où les parties peuvent se déterminer au sujet des questions adressées à l’expert et éventuellement également demander à ce qu’elles soient complétées – requête tranchée par décision incidente –, le Tribunal fédéral considère que pareille manière de procéder doit être suivie par l’office AI également. Ainsi, l’office AI doit répondre par décision incidente à une requête de rajouter des questions à poser au médecin.

Une décision incidente ne peut être contestée que lorsqu’elle peut causer un préjudice irréparable (art. 5 al. 2 et 46 al. 1 let a PA). Dans l’ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a retenu qu’en règle générale un tel préjudice existe lorsqu’une partie souhaite contester l’expertise médicale dans son principe (en raison des atteintes physiques, des risques d’une expertise faite en violation des règles de l’art, etc.). Cela étant, dans le cas d’un refus de poser des questions supplémentaires, le besoin de protection juridique de la partie est manifestement moins important que lorsqu’une partie s’oppose au principe même de l’expertise médicale.

Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral conclut que la partie présentant une telle requête doit prouver dans le cas particulier qu’elle subit un préjudice irréparable de par le refus d’adresser des questions supplémentaires.

En l’espèce, dans la mesure où l’office AI ne peux pas se prévaloir d’un tel préjudice (art. 93 al. 1 let. a LTF), son recours est irrecevable.

Proposition de citation : Simone Schürch, Le droit de l’assuré de poser des questions en matière d’expertise médicale AI, in: https://lawinside.ch/50/