Les critères pour la concession d’un monopole d’affichage (art. 2 al. 7 LMI)
ATF 143 II 120 – TF, 06.03.2017, 2C_880/2015, 2C_885/2015*
Faits
La commune de Lausanne lance un appel d’offres pour renouveler une concession portant sur le monopole d’affichage de la commune.
Notamment pour des motifs de politique sociale, la commune octroie par décision la concession à une société zurichoise. Sur recours du soumissionnaire évincé, le Tribunal cantonal annule la décision communale et lui octroie la concession.
La société zurichoise recourt au Tribunal fédéral lequel doit déterminer quels sont les critères pertinents pour la concession d’une activité de monopole.
Droit
Pour répondre à cette question le Tribunal fédéral procède à une interprétation de l’art. 2 al. 7 LMI lequel dispose que « la transmission de l’exploitation d’un monopole cantonal ou communal à des entreprises privées doit faire l’objet d’un appel d’offres et ne peut discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse ».
Il commence par confirmer sa jurisprudence selon laquelle la procédure d’appel d’offres à laquelle l’art. 2 al. 7 LMI fait référence n’a pas pour conséquence de subordonner l’octroi des concessions de monopole à l’ensemble de la réglementation applicable en matière de marchés publics et que ne sont visées par cette disposition que certaines garanties procédurales minimales.
Il confirme cette position en procédant à une analyse historique et constate par ailleurs que cette tendance à limiter à l’essentiel l’application du droit des marchés publics aux concessions de monopole se manifeste également dans la modification du droit des marchés publics actuellement en cours.
Le Tribunal fédéral considère ensuite que la position de l’autorité lors de la passation d’un marché public est fondamentalement différente que lors du transfert d’un monopole. Dans cette seconde hypothèse, l’autorité concédante se trouve dans un rôle « d’offreur » puisqu’elle cède, moyennant une redevance et diverses prestations annexes, le droit d’utiliser le domaine public à des fins commerciales. Il n’y a pas de droit à l’obtention d’une concession de monopole, car la collectivité publique reste libre d’exercer elle-même l’activité en cause. Ces différences justifient de laisser à la collectivité publique une plus grande liberté dans le choix des critères à remplir par le concessionnaire et des conditions qu’elle peut lui imposer dans l’exercice du monopole qu’en matière de marchés publics.
Fort de ces constats, le Tribunal fédéral explique ensuite que l’art. 2 al. 7 LMI impose deux exigences découlant du droit des marchés publics pour la transmission de l’exploitation d’un monopole: un appel d’offres et l’interdiction de discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse.
Dans l’octroi de la concession de monopole, on ne saurait dès lors s’en tenir exclusivement à l’approche économique relevant des marchés publics. En effet, pour choisir le concessionnaire, la collectivité publique doit pouvoir s’écarter du critère de l’offre économiquement la plus favorable pour s’appuyer sur des considérations poursuivant d’autres intérêts publics. Il faut toutefois que les choix opérés respectent les principes de non-discrimination et de transparence.
En l’espèce, la Commune de Lausanne a fondé son choix sur un critère de politique sociale (primes offertes aux employés, prestations de retraite anticipée, meilleure couverture de caisse de pension et occupation des apprentis). Le Tribunal fédéral constate alors que l’arrêt attaqué fait une fausse application de l’art. 2 al. 7 LMI en écartant ce critère. L’autorité publique pouvait en tenir compte sans base légale explicite s’agissant non pas d’un marché public, mais du transfert d’une concession de monopole. Au demeurant, en attribuant la concession au soumissionnaire évincé plutôt qu’à la société zurichoise, le Tribunal cantonal a jugé en opportunité, ne respectant pas la liberté dont jouit la Commune et portant ainsi atteinte à son autonomie.
Partant, le Tribunal fédéral annule la décision cantonale et attribue la concession à la société zurichoise.
Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, Les critères pour la concession d’un monopole d’affichage (art. 2 al. 7 LMI), in: https://lawinside.ch/413/