Le déménagement d’un enfant à l’intérieur de la Suisse en cas d’autorité parentale conjointe
ATF 142 III 502 | TF, 11.08.16, 5A_581/2015*
Faits
Les parents non mariés d’un enfant de 6 ans se séparent. La mère souhaite déménager d’Interlaken à Soleure avec l’enfant. Le père qui possède l’autorité parentale conjointe s’y oppose. L’autorité de protection de l’enfant autorise le déménagement. Le père saisit alors le Tribunal cantonal, puis le Tribunal fédéral qui doit clarifier les conditions pour modifier le lieu de résidence d’un enfant en Suisse.
Droit
Selon l’art. 301a al. 2 lit. b CC, lorsque le déménagement de l’enfant a des conséquences importantes pour l’exercice de l’autorité parentale par l’autre parent et pour les relations personnelles, le parent doit obtenir le consentement de l’autre ou de l’autorité de protection de l’enfant.
Le Tribunal fédéral considère que les conséquences importantes n’ont pas besoin de s’étendre de manière semblable sur toutes les composantes de l’autorité parentale (éducation, formation professionnelle, religion, choix du prénom, traitements médicaux, représentation de l’enfant, administration du patrimoine ou choix du lieu de résidence). Les conséquences importantes doivent uniquement porter sur les aspects qui sont touchés directement par la distance et le déménagement. A cet égard, il faut prendre en compte le modèle de prise en charge de l’enfant pratiqué par les parents. Ainsi, un déménagement de peu de distance peut déjà avoir des conséquences importantes si les deux parents ont la charge de l’enfant et vont le chercher tous les jours à la crèche ou à l’école. En revanche, les autres composantes de l’autorité parentale, comme la représentation de l’enfant ou l’administration de son patrimoine, peuvent aisément s’exercer à distance.
Selon le texte légal, le déménagement doit affecter l’autorité parentale et les relations personnelles (cumulatif). A ce sujet, le Tribunal fédéral précise que le législateur avait à l’idée le cas où un parent a la garde exclusive de l’enfant et où l’autre possède un droit de visite. Dans un tel modèle, l’autorité parentale du parent non gardien se concentre sur les décisions concernant l’enfant, sa représentation et sur l’administration de son patrimoine. Or, le changement du lieu de résidence ne peut pas avoir des conséquences sur ces composantes de l’autorité parentale, de sorte qu’il n’y aurait jamais besoin d’avoir le consentement du parent non gardien. Un tel résultat irait à l’encontre du but du législateur qui souhaitait protéger le parent non gardien. Partant, le Tribunal fédéral procède à une réduction téléologique et considère que l’art. 301a al. 2 lit. b CC doit se lire de la manière suivante : le consentement du parent est requis lorsque le déménagement a des conséquences importantes sur l’autorité parentale ou sur les relations personnelles.
Dans la mesure où le Tribunal cantonal n’a pas examiné l’existence de telles conséquences dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral lui renvoie l’affaire. Il précise encore qu’en cas de conséquences importantes, les critères pour autoriser le déplacement du lieu de résidence de l’enfant en Suisse s’examinent selon les principes développés pour le déménagement à l’étranger (cf. TF, 07.07.16, 5A_945/2015*, www.lawinside.ch/299/; TF, 11.03.16, 5A_450/2015*; www.lawinside.ch/296/). A ce titre, il ne faut pas rechercher les motifs du déménagement du parent, mais uniquement déterminer si le bien de l’enfant est mieux préservé en partant avec lui ou en restant avec l’autre. Là aussi, il faut partir du modèle actuel de prise en charge de l’enfant. Si un parent a la garde exclusive, on partira du principe qu’un déménagement avec lui sauvegarde mieux le bien de l’enfant. Si au contraire, les deux parents s’occupent à parts plus ou moins égales de l’enfant, la situation de départ est neutre et on doit recourir à d’autres critères comme l’âge de l’enfant, la langue parlée, le rapport du parent au nouvel endroit, etc. De même, le Tribunal fédéral rappelle que selon l’art. 301a al. 5 CC, un déplacement du lieu de résidence nécessite en principe un examen de l’adaptation de l’autorité parentale, de la garde, des relations personnelles et des contributions d’entretien, ce que le Tribunal cantonal n’a pourtant pas fait.
Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie l’affaire à l’autorité précédente pour nouvelle décision.
Proposition de citation : Julien Francey, Le déménagement d’un enfant à l’intérieur de la Suisse en cas d’autorité parentale conjointe, in: https://lawinside.ch/323/
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