La scission des débats d’appel et le changement de composition du tribunal

TF, 13.09.2024, 6B_460/2024, 6B_508/2024*

Lorsque la composition du tribunal change entre les deux parties des débats d’appel, les débats doivent en principe être répétés dans leur intégralité.

Faits

Suite à l’acquittement d’un prévenu par le Bezirksgericht de Münchwilen et au classement de certaines des infractions reprochées, tant le Ministère public que le prévenu et la victime interjettent appel. Le prévenu réclame, quant à lui, une indemnité pour tort moral.

Le prévenu demande que les débats d’appel soient scindés en deux (cf. art. 342 CPP), en ce sens que seule la question de la culpabilité ou de l’acquittement soit d’abord débattue et tranchée, avant la question éventuelle de la sanction et de l’expulsion. L’Obergericht thurgovien fait droit à cette demande.

À l’issue de la première audience, l’Obergericht déclare le prévenu coupable de viol. Une année plus tard, après la seconde audience, il fixe la sanction du prévenu, ordonnant notamment son expulsion pour une durée de dix ans. À la seconde audience, l’un des juges qui avait siégé lors de la première audience est absent, étant entretemps devenu juge fédéral.

Par la voie d’un recours en matière pénale contre les deux décisions, l’intéressé saisit le Tribunal fédéral.… Lire la suite

Le travailleur occupé en Suisse au sens de l’art. 1a al. 1 lit. a LAA

TF, 12.08.2024, 8C_75/2024*

Pour admettre qu’un travailleur soit « occupé en Suisse » au sens de l’art. 1a al. 1 lit. a LAA, il ne suffit pas que seul le résultat du travail y ait été obtenu. Ainsi, un travailleur qui n’a jamais exercé son activité en Suisse pour le compte d’une société y ayant son siège n’est pas assuré obligatoirement au sens de la LAA.

Faits

Une société anonyme engage un stagiaire pour l’année 2022. Au mois d’avril, alors qu’il se trouvait en vacances au Sri Lanka, le stagiaire est heurté par une camionnette et subit en particulier un grave traumatisme crânien.

Après avoir, dans un premier temps, reconnu son obligation de verser des prestations, l’assurance-accidents rend une décision dans laquelle elle nie cette obligation. En effet, elle considère que le stagiaire n’est pas obligatoirement assuré, en raison du fait qu’il n’avait pas déployé d’activité en Suisse. Elle maintient cette position par décision sur opposition.

Le Sozialversicherungsgericht zurichois rejette le recours du stagiaire à l’encontre de cette décision. Par la voie du recours en matière de droit public, le stagiaire saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il est conforme au droit de considérer qu’il n’est pas assuré obligatoirement au sens de la LAA.… Lire la suite

L’établissement des faits comme activité typique de l’avocat·e

TF, 06.09.2024, 7B_158/2023*

L’établissement de faits en lien avec des litiges pendants ou imminents relève de l’activité typique de l’avocat·e. Par conséquent, cette activité est couverte par le secret professionnel. En outre, la remise, même volontaire, d’informations à une autorité tierce – in casu la FINMA – en vertu d’une obligation de collaborer, ne saurait faire perdre le caractère secret de celles-ci.

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale pour concurrence déloyale, le Ministère public zurichois soupçonne un employé d’avoir donné aux investisseurs des indications trompeuses, voire inexactes, quant au profil de risque et aux perspectives d’un fonds d’investissement.

Il requiert de la banque la remise d’un rapport d’enquête interne effectuée par une étude d’avocat. Ce rapport porte notamment sur l’employé et a d’ailleurs déjà été communiqué à la FINMA dans le cadre d’une procédure d’enforcement.

La société fournit ces documents au Ministère public et exige leur mise sous scellés. Le Bezirksgericht de Zurich rejette la demande de levée des scellés du Ministère public. Ce dernier recourt contre cette décision au Tribunal fédéral, lequel doit trancher la question de savoir si le rapport d’enquête est couvert par le secret professionnel de l’avocat.

Droit

Afin de déterminer si le rapport d’enquête pouvait être valablement séquestré, deux questions se posent.… Lire la suite

La compétence du juge unique pour le prononcé d’une expulsion et d’une peine pécuniaire (art. 19 al. 2 let. b CPP)

TF, 04.09.2024, 6B_1377/2023*

L’examen du respect de la limite maximale de deux ans de peine privative de liberté s’agissant de la compétence du juge unique (art. 19 al. 2 let. b CPP) ne doit pas se fonder sur l’ensemble des sanctions. La compétence du juge unique dépend uniquement de la durée de la peine privative de liberté requise ou prononcée. Elle s’étend donc également au prononcé d’une expulsion.

Faits

Le juge unique du Tribunal régional de l’Emmental-Haute Argovie condamne une personne à une peine privative de liberté de 23 mois et à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 30 francs, dans les deux cas avec un sursis de deux ans, ainsi qu’à une amende de 700 francs. Il prononce également une expulsion pour une durée de six ans avec inscription dans le Système d’information Schengen. Sur appel du condamné, la Cour suprême du canton de Berne confirme la décision attaquée.

Le condamné forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit se déterminer pour la première fois sur la question de savoir si une peine pécuniaire requise ou prononcée en même temps qu’une peine privative de liberté ainsi qu’une expulsion doivent être prises en compte dans le cadre de la limite supérieure de deux ans prévue à l’art.Lire la suite

La computation des délais exprimés en mois

TF, 13.08.2024, 5A_691/2023*

Les délais exprimés en mois commencent à courir le jour même de leur évènement déclencheur. En particulier, l’art. 142 al. 2 CPC doit être interprété en ce sens que le « jour où [le délai] a commencé à courir » n’est pas déterminé par l’art. 142 al. 1 CPC, mais se réfère au jour de l’élément déclencheur. 

Faits

Dans le cadre d’un litige successoral, l’autorité de conciliation notifie l’autorisation de procéder à l’héritier demandeur le 26 janvier 2022. Ce dernier dépose sa demande à l’égard de ses frères et sœurs le 12 mai 2022. Par décision du 9 février 2023, le tribunal déclare la demande irrecevable, faute d’autorisation de procéder valable rationae temporis.

À la suite de l’appel déposé par l’héritier, l’Obergericht du Canton de Schwytz confirme la décision de première instance. L’héritier interjette alors recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la computation des délais fixés en mois, en particulier le délai de trois mois pour déposer une demande à la suite de l’échec de la conciliation (art. 209 al. 3 CPC).

Droit

Se fondant sur la Convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972 (CECD), le Tribunal cantonal a considéré que le délai devait avoir expiré en principe le 26 avril, dès lors que l’autorisation de procéder avait été notifiée le 26 janvier (art.Lire la suite