Agression ou rixe ? La défense excessive ne profite pas aux agresseurs
Le simple fait que la victime se défende, même de manière excessive, n’exclut pas la condamnation pour agression plutôt que pour rixe. Lorsque l’attaque initiale présente un caractère clairement unilatéral, ses auteurs demeurent punissables au titre de l’art. 134 CP.
Faits
En août 2017, une altercation éclate à Thoune entre deux groupes. A la suite d’une première confrontation, le groupe du prévenu décide d’organiser une vengeance planifiée. Environ 25 personnes sont recrutées, se munissent d’objets dangereux et se rendent sur les lieux afin d’attaquer le groupe adverse par surprise.
Sur place, les membres du groupe du prévenu encerclent leurs opposants et les rouent de coups. La plupart des victimes restent totalement passives, tandis qu’au moins deux d’entre elles ripostent pour se défendre. Plusieurs personnes agressées subissent des lésions corporelles.
Le prévenu, considéré comme l’un des principaux organisateurs de cette expédition punitive, est condamné pour agression (art. 134 CP) et expulsé pour une durée de cinq ans. Le Tribunal cantonal confirme cette qualification ainsi que l’expulsion. Le prévenu recourt alors au Tribunal fédéral, soutenant notamment que son comportement doit être qualifié de rixe (art. 133 CP).
Droit
Selon l’art. 134 CP, est punissable quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l’une d’entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle. L’art. 133 CP réprime quant à lui la participation à une rixe entraînant la mort d’une personne ou une lésion corporelle.
L’agression constitue un crime, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 134 cum art. 10 al. 2 CP). La rixe, en revanche, est un délit, passible d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 133 al. 1 cum art. 10 al. 3 CP).
L’agression se caractérise par un usage unilatéral de la force, exercé par au moins deux personnes contre autrui. A l’inverse, la rixe suppose une altercation réciproque impliquant au moins trois personnes.
Le Tribunal fédéral souligne que les auteurs d’une agression demeurent punissables au sens de l’art. 134 CP, même si la réaction de la victime dépasse, par son intensité et sa durée, les limites de la légitime défenses ou de l’état de nécessité (art. 15-17 cum art. 133 al. 2 CP), et remplit elle-même les conditions de la rixe. En pareille occurence, le juge peut ainsi retenir l’agression à l’encontre de ceux qui ont clairement pris l’initiative de l’attaque, et la rixe contre la personne agressée qui s’est défendue de manière disproportionnée.
L’opinion doctrinale contraire, selon laquelle les auteurs ne sont punissables que pour rixe lorsque la victime ne reste pas totalement passive, est rejetée par le Tribunal fédéral. Celui-ci souligne qu’il n’y a aucune raison de punir plus légèrement – c’est-à-dire pour rixe – ceux qui étaient initialement des agresseurs, clairement identifiables comme tels, au seul motif que la victime se défend, fût-ce de manière excessive. Le comportement de la personne agressée peut toutefois être pris en compte dans la fixation de la peine.
Dans le cas d’espèce, le fait que certaines personnes agressées aient riposté pour se défendre n’est donc pas pertinent du point de vue de la qualification de l’infraction reprochée au prévenu. Par ailleurs, les provocations imputées par le prévenu au groupe adverse ne sont pas non plus pertinentes faute d’immédiateté, sans quoi les actes de représailles seraient toujours qualifiés de rixe.
Le Tribunal fédéral confirme dès lors la qualification d’agression (art. 134 CP). Il rejette le recours après avoir également écarté les griefs du recourant relatifs à son expulsion.
Proposition de citation : Timothée Pellouchoud, Agression ou rixe ? La défense excessive ne profite pas aux agresseurs, in: https://lawinside.ch/1655/






