L’effet suspensif du recours de Uber
Faits
En août 2014, Uber informe le Service du commerce du canton de Genève de sa volonté d’offrir ses services dans le canton. Les autorités genevoises mettent d’emblée en garde Uber sur le caractère illégal de ses activités eu égard à la législation cantonale en matière de transport. Malgré cette mise en garde, Uber débute ses activités en septembre 2014.
Par décision du 30 mars 2015, le Service cantonal interdit avec effet immédiat à Uber d’exercer l’activité de transport professionnel de personnes dans le canton de Genève et lui inflige une amende de 35’000 francs. Il déclare la décision comme étant immédiatement exécutoire et retire ainsi l’effet suspensif d’un éventuel recours. Sur recours de Uber, la Cour de justice refuse de restituer l’effet suspensif s’agissant de l’interdiction d’exercer l’activité, mais la restitue quant à l’amende.
Uber saisit alors le Tribunal fédéral en concluant à la restitution de l’effet suspensif de la décision qui lui interdit d’exercer l’activité de transport.
Droit
Ne portant que sur la demande de restitution de l’effet suspensif, la décision querellée est une décision incidente qui ne peut faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral que si elle cause un préjudice irréparable (art. 93 let. a LTF) ou si l’admission du recours permet d’éviter une procédure probatoire longue et couteuse (art. 93 let. b LTF). Le Tribunal fédéral écarte d’emblée la seconde hypothèse (art. 93 let. b LTF).
Uber considère que la décision de retirer l’effet suspensif lui cause un préjudice irréparable (art. 93 let. a LTF), dès lors qu’elle lui empêche d’exercer son activité de transport et de lancer des nouveaux produits. Elle risque aussi de lui faire perdre des parts de marché.
Pour justifier le préjudice irréparable, Uber se fonde notamment sur un arrêt, où le Tribunal fédéral avait admis l’existence d’un préjudice irréparable pour une décision prise à la demande d’une entreprise qui empêchait une autre entreprise concurrente de lancer un nouveau produit (TF, 26.06.2012, 4A_36/2012). Le Tribunal fédéral rejette cet argument. Il refuse d’appliquer cet arrêt par analogie, dès lors que, d’une part, le litige n’oppose pas les recourants à des concurrents directs et, d’autre part, les entreprises de taxis sur sol genevois ne sont pas dans un marché libre.
Uber ne peut pas non plus pas se prévaloir de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle des mesures provisionnelles causent un préjudice irréparable lorsqu’elles ont pour effet d’interdire certaines activités sur lesquelles il n’est plus possible de revenir. En effet, cette jurisprudence suppose que les activités interdites aient fait l’objet d’une autorisation administrative ou qu’elles aient été à tout le moins tolérées, de sorte que l’intéressé puisse se prévaloir d’une situation acquise. Tel était par exemple le cas de l’activité de valet de parking sur le site de l’Aéroport de Genève, où le Tribunal fédéral avait admis la restitution de l’effet suspensif (cf. TF, 27.02.2014, 2C_1161/2013, consid. 1.2).
En l’espèce, Uber n’a jamais bénéficié d’une autorisation d’exercer son activité et ne peut pas se prévaloir d’une quelconque tolérance de son activité de la part des autorités genevoises. Uber a sciemment ignoré la mise en garde des autorités en décidant de mettre celles-ci devant le fait accompli. Si préjudice irréparable il y a, il est de la seule responsabilité de Uber, qui a pris le risque d’exercer son activité sans solliciter une autorisation d’exploitation ou sans faire constater son non-assujettissement à la loi genevoise.
Le recours est irrecevable, dès lors que la décision ne cause pas un préjudice irréparable (art. 93 let. a LTF) et que l’admission du recours ne permet pas d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 let. b LTF).
Proposition de citation : Simone Schürch, L’effet suspensif du recours de Uber, in: https://lawinside.ch/163/