L’inscription d’une hypothèque légale indirecte à l’état des charges

TF, 14.04.2025, 5A_742/2024*

Une hypothèque légale indirecte doit être inscrite (au moins de façon provisoire) au registre foncier pour être portée à l’état des charges et réalisée lors d’une procédure de saisie. Cette inscription peut encore avoir lieu après la saisie, mais il faut qu’elle le soit avant l’établissement de l’état des charges.

Cela étant, si un créancier produit une hypothèque légale indirecte, l’office des poursuites doit la porter à l’état des charges même si elle n’est pas inscrite au registre foncier, charge aux autres créanciers de s’y opposer (art. 37 al. 2 ORFI). En revanche, si le créancier produit une prétention en inscription d’une telle hypothèque, cette prétention ne peut être portée à l’état des charges.

Faits

A la suite d’une saisie, l’office des poursuites genevois ordonne la vente aux enchères de la part de deux copropriétaires d’une PPE. L’office des poursuites fixe un délai aux créanciers gagistes et titulaires de charges foncières pour produire leurs droits sur l’immeuble. La PPE produit une créance et fait valoir son droit à l’inscription d’une hypothèque légale au sens de l’art. 712i CC. L’office des poursuites rejette la production de la PPE, faute pour celle-ci d’avoir requis une inscription de gage auprès du registre foncier.

La chambre de surveillance rejette la plainte formée par la PPE contre la décision de l’office des poursuites.

La PPE forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit se déterminer sur la question de savoir si, dans une procédure de saisie, l’office des poursuites doit inscrire à l’état des charges le droit à l’inscription d’une hypothèque légale indirecte (art. 712i CC) produit par un créancier lorsqu’aucune réquisition dans ce sens n’a été déposée au registre foncier.

Droit

En substance, la recourante soutient que le droit à l’inscription d’une hypothèque légale indirecte, telle que l’hypothèque prévue par l’art. 712i CC, doit être porté à l’état des charges par l’office même sans inscription préalable au registre foncier.

Selon l’art. 712i al. 1 CC, la communauté des propriétaires par étages peut requérir l’inscription d’une hypothèque sur la part de chaque copropriétaire actuel pour garantir son droit aux contributions des trois dernières années.

L’hypothèque légale indirecte est un droit réel limité dont le titre d’acquisition est la loi elle-même. Toutefois, elle ne prend pas naissance par le seul effet de la loi. L’hypothèque légale indirecte se limite à conférer au créancier un droit personnel à l’inscription du gage. Il appartient donc au créancier de faire valoir ce droit et de veiller à ce que l’hypothèque soit effectivement constituée. En principe, la créance tendant à la constitution de l’hypothèque est rattachée propter rem à l’immeuble, de sorte que son inscription peut être invoquée à l’égard de tout propriétaire actuel.

Ainsi, le bénéficiaire d’une hypothèque légale indirecte doit la faire inscrire au registre foncier afin de faire réaliser l’objet de son gage et obtenir le paiement de la créance garantie.

L’hypothèque légale indirecte doit être réalisée lors de la vente aux enchères de l’objet du gage, puisque les conditions de vente doivent indiquer que l’immeuble est vendu avec toutes les charges le grevant d’après l’état des charges et que les dettes exigibles garanties par gage immobilier sont payées par préférence sur le produit de la réalisation (art. 135 LP et 45-52 ORFI). Par conséquent, le bénéficiaire doit faire valoir son droit à l’hypothèque, pour laquelle l’inscription au registre foncier est nécessaire. Il ne peut pas y renoncer et obtenir, après la réalisation de l’immeuble, l’inscription de son hypothèque contre l’adjudicataire sous prétexte du caractère propter rem de sa créance. Il ne peut pas non plus faire valoir uniquement un droit à la constitution de l’hypothèque légale.

La constitution formelle du droit de gage par une inscription au registre foncier n’est toutefois pas nécessaire. Une inscription provisoire (art. 961 al. 1er ch. 1 CC) est suffisante pour faire porter la créance à l’état des charges.

Le Tribunal fédéral précise que l’hypothèque provisoire peut être inscrite au registre foncier après la saisie de l’immeuble, mais qu’elle doit intervenir avant que l’office dresse l’état de charges, soit au plus tard dans le délai de production de 20 jours (art. 138 al. 2 ch. 3 cum 140 LP).

Cela étant, le Tribunal fédéral relève que l’office des poursuites n’a pas de pouvoir d’examen sur l’existence des charges. Il doit porter à l’état des charges celles qui ont fait l’objet d’une production, y compris une hypothèque légale indirecte qui ne serait pas inscrite au registre foncier. Il appartient aux intéressés de faire opposition pour faire écarter cette charge, et non à l’office de statuer sur l’existence de celle-ci (art. 37 al. 2 ORFI). Si une opposition est formée et qu’aucun procès n’est déjà pendant sur cet objet, le juge de l’action en épuration de l’état des charges doit statuer sur l’existence de l’hypothèque légale. A défaut, l’état des charges entre en force avec ce droit, censé avoir été reconnu pour la poursuite en cours.

Le Tribunal fédéral distingue toutefois cette hypothèse de celle dans laquelle le créancier ne produit pas une hypothèque légale indirecte non inscrite, mais une simple prétention en constitution du gage. En effet, si l’office des poursuites n’est pas compétent pour examiner des questions de droit matériel relatives aux charges, il peut en revanche vérifier si une prétention est garantie par le droit de gage immobilier invoqué car seules les créances impliquant une charge pour l’immeuble doivent figurer à l’état des charges. Tel n’est pas le cas des prétentions contractuelles en inscription d’un gage puisque, dès lors que le gage n’existe pas (encore), la prétention ne constitue pas une charge pour l’immeuble.

En l’espèce, la recourante a produit uniquement son droit à l’inscription de son hypothèque légale indirecte au sens de l’art. 712i CC. Elle a allégué avoir fait inscrire son droit durant la procédure devant l’autorité de surveillance, mais seulement après l’échéance du délai de plainte. C’est donc sans violer l’art. 140 LP que l’autorité de surveillance a considéré que l’office devait rejeter la production d’une simple prétention en constitution d’un droit réel limité.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, L’inscription d’une hypothèque légale indirecte à l’état des charges, in: https://lawinside.ch/1618/