Le refus de prolongation de l’autorisation de séjour d’un ressortissant de l’UE devenu inactif

TF, 30.01.2025, 2C_162/2024*

Un ressortissant de l’Union européenne devenu inactif après un accident de travail, qui ne  dispose ni de la qualité de travailleur (art. 6 Annexe I ALCP), ni d’un droit de demeurer après la fin de son activité économique (art. 4 al. 1 Annexe I ALCP), ne peut prétendre à la prolongation de son autorisation de séjour selon l’ALCP.

Faits

Arrivé en Suisse le 1er décembre 2017, un ressortissant français dispose d’un contrat de travail de durée indéterminée à plein temps auprès d’un établissement public lausannois. Sur cette base, il obtient une autorisation de séjour UE/AELE (permis B), valable jusqu’au 30 novembre 2022. Il ne travaille toutefois qu’en janvier 2018 pour l’établissement qui l’avait initialement engagé, avant d’alterner entre diverses activités lucratives et des périodes sans emploi.

En 2019, un accident entraîne un arrêt de travail à 100% pour l’employé, pratiquement ininterrompu entre le 24 août 2019 et le 13 août 2021. Par la suite, l’intéressé connaît de nouvelles périodes d’incapacité de travail entre juin 2022 et janvier 2023, à des degrés variant entre 70% et 100%.

En raison de son incapacité de travail, l’intéressé perçoit une rente AI entière du 1er novembre 2020 au 30 novembre 2021, puis des indemnités de l’assurance-chômage de novembre 2021 à mars 2022. L’Office AI estime qu’à partir du 13 août 2021, il dispose d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée.

En septembre 2022, il demande la prolongation de son autorisation de séjour. Le Service de la population du canton de Vaud refuse la prolongation par décision du 11 avril 2023 et prononce son renvoi de Suisse. Le Service cantonal rejette l’opposition de l’intéressé, qui faisait valoir qu’il avait fait l’objet d’une aide au placement de l’Office AI.

Le Tribunal cantonal vaudois rejette le recours de l’intéressé contre ce prononcé. Celui-ci forme alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est amené à se déterminer sur le refus de prolongation de l’autorisation de séjour UE/AELE du recourant.

Droit

Les ressortissants de l’Union européenne peuvent résider en Suisse en vertu de l’ALCP, en particulier en tant que travailleurs salariés au sens de l’art. 6 al. 1 Annexe I ALCP. Selon cette disposition, le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Il est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.

En l’occurrence, le recourant n’a droit à la prolongation de son autorisation de séjour que s’il parvient à démontrer sa qualité de travailleur ou à déduire un droit de séjour dérivé découlant de l’ALCP.

Selon la jurisprudence de la CJUE, doit être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Cela suppose en particulier l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires.

Le ressortissant français ne dispose pas du statut de travailleur au sens de l’ALCP. Bien que l’octroi d’une mesure de placement par l’Office AI soit une mesure de réadaptation d’ordre professionnel (art. 18 al. 1 LAI), elle ne saurait d’emblée exclure ou confirmer le statut de travailleur. L’intéressé n’a pas fourni la preuve d’avoir occupé un emploi dans le cadre de cette mesure de placement, ce qui exclut également de retenir le statut de travailleur au sens de l’ALCP sur cette base.

Il convient ensuite d’examiner si la qualité de travailleur au sens de l’ALCP peut être reconnue en raison des précédents emplois occupés par le recourant. En effet, par analogie avec l’art. 61a al. 4 LEI, la jurisprudence fédérale retient que lorsqu’un travailleur perd temporairement la capacité d’exercer une activité lucrative en raison d’un accident, la qualité de travailleur s’éteint si l’intéressé n’entreprend pas une telle activité pendant six mois, bien qu’ayant recouvré la capacité d’exercer une activité lucrative adaptée.

En l’espèce, la perception d’indemnités de chômage de novembre 2021 à mars 2022 signifie que l’intéressé était alors apte à reprendre une activité professionnelle. Même s’il avait effectivement la qualité de travailleur au moment de son accident en 2019, l’absence de démarches pour retrouver un emploi suite au recouvrement de sa capacité de travail dans une activité adaptée exclut la qualité de travailleur. Il ne peut donc pas prétendre à la prolongation de son titre de séjour sur la base de l’art. 6 Annexe I ALCP.

Par ailleurs, il n’a aucun droit de demeurer sur le territoire suisse après la fin de son activité économique (art. 4 al. 1 Annexe I ALCP cum art. 2 ch. 1 let. b du Règlement N. 1251/70), dans la mesure où aucune raison de santé ne l’empêche de reprendre une activité lucrative adaptée.

Enfin, si la situation quant à l’assurance-invalidité semble claire et évidente, l’autorité compétente peut statuer sur le droit de séjour avant de connaître l’issue de la procédure en lien avec l’assurance-invalidité (ATF 146 II 89, résumé in LawInside.ch/863). En l’espèce, le recourant reconnaît lui-même être en mesure d’exercer une activité adaptée, puisqu’il cherche à se voir reconnaître la qualité de travailleur. La perception d’indemnités de l’assurance-chômage confirme ce constat.

Pour le surplus, le recourant ne remplit pas les conditions pour demeurer en Suisse en cas de séjour sans activité économique selon l’art. 24 Annexe I ALCP, puisqu’il perçoit des prestations d’aide sociale (art. 16 al. 1 OLCP).

Le Tribunal fédéral rejette donc le recours.

Proposition de citation : Nadia Masson, Le refus de prolongation de l’autorisation de séjour d’un ressortissant de l’UE devenu inactif, in: https://lawinside.ch/1614/