La compétence de la commune pour les permis hors zone à bâtir (art. 25 al. 2 LAT)
i. Pour les permis hors zone à bâtir, l’autorité cantonale doit toujours se prononcer sur le fond s’agissant de la conformité à la zone ou d’une possible dérogation (art. 24 ss LAT), que l’autorisation soit délivrée par elle-même ou par l’autorité communale avec son approbation (art. 25 al. 2 LAT). L’autorité communale ne peut pas elle-même refuser l’autorisation pour défaut de conformité à la zone.
ii. Si l’autorité cantonale se prononce sur la conformité à la zone ou une éventuelle dérogation (art. 24 ss LAT) et que l’autorité communale se prononce sur les autres aspects, les différentes décisions doivent être matériellement et formellement coordonnées (art. 25a LAT).
Faits
Une personne dépose plusieurs demandes de permis de construire auprès d’une commune grisonne pour la construction d’une halle destinée au stockage et au séchage de chanvre en zone agricole. L’autorité communale compétente en matière de constructions refuse l’octroi du permis de construire en raison notamment de l’incompatibilité du projet avec l’affectation de la zone. Sur recours, le Tribunal cantonal du canton des Grisons confirme la décision communale.
L’intéressé interjette alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la commune était compétente pour refuser le permis de construire.
Droit
L’art. 87 al. 3 de la Loi sur l’aménagement du territoire du canton des Grisons (KRG/GR) prévoit que le service communal des constructions transmet au service spécialisé les demandes de projets de construction en dehors des zones à bâtir pour lesquelles il estime que les conditions d’obtention d’un permis de construire et d’une autorisation cantonale de construire selon l’art. 25 al. 2 LAT sont remplies. Dans le cas contraire, il rejette la demande de son propre chef.
Dans un premier temps, le Tribunal fédéral examine si cette disposition est conforme à l’art. 25 al. 2 LAT, en vertu duquel, pour tous les projets de construction situés hors de la zone à bâtir, l’autorité cantonale compétente décide si ceux-ci sont conformes à l’affectation de la zone ou si une dérogation peut être accordée.
L’interprétation littérale de cette disposition est claire : l’autorité cantonale doit statuer sur toutes les demandes, peu importe que l’autorité communale les préavise favorablement ou défavorablement. L’interprétation historique ne la contredit pas : malgré les diverses révisions de cet article, le but a toujours été d’assurer une application uniforme et une garantie de l’égalité de traitement en matière de permis de construire hors zone à bâtir. La volonté constante du législateur est d’associer l’autorité cantonale à tous les projets situés dans ces zones. Celle-ci doit être indépendante, à l’abri de toute pression, et pouvoir se prononcer librement. L’anticipation de la décision cantonale par la commune, notamment via un mécanisme de présélection des demandes, est dès lors contraire à cet objectif.
En outre, le Tribunal fédéral constate qu’il se justifie de restreindre l’autonomie organisationnelle des cantons pour assurer une uniformité d’application dans des domaines fondamentaux de l’aménagement du territoire, telles que la réglementation des zones agricoles. Celles-ci constituent une base de l’alimentation nationale et relèvent donc d’un objectif central de la LAT.
Il subsiste toutefois une marge de manœuvre résiduelle pour les cantons, qui peuvent opter pour l’une des deux manières de procéder suivantes : soit une autorité cantonale délivre un permis de construire sur la base d’une demande émanant de l’autorité communale, soit une autorité communale délivre le permis de construire moyennant l’approbation préalable de l’autorité cantonale. Dans les deux cas, l’autorité cantonale se prononce sur le fond. La doctrine précise que la commune ne peut pas décider seule des demandes concernant des projets hors de la zone à bâtir, y compris lorsqu’elle entend les rejeter.
Une dernière configuration envisageable consiste à ce que l’autorité cantonale ne se prononce, pour les projets hors zone à bâtir, que sur les questions régies par le droit fédéral, à savoir la conformité à la zone et la possibilité d’une dérogation. Les autres prescriptions relevant du droit cantonal ou communal en matière de construction seraient examinées par l’autorité communale compétente pour délivrer le permis de construire. Une telle répartition n’est admissible qu’à condition que la coordination formelle et matérielle soit respectée (art. 25a LAT).
Ce constat conduit le Tribunal fédéral à examiner la seconde question posée dans cet arrêt : le respect de l’exigence de coordination telle que prévue à l’art. 25a LAT.
Dans un système tel que celui du canton des Grisons (art. 87 al. 3 KRG/GR), qui prévoit une compétence partagée entre deux autorités, leurs décisions doivent être coordonnées sur le fond.
Les autorités compétentes – cantonales, et le cas échéant communales – doivent d’abord coordonner matériellement leur application du droit lors de la procédure de première instance. Cela signifie que, lorsqu’un projet de construction est soumis à plusieurs normes matérielles, celles-ci ne peuvent être appliquées séparément et de manière indépendante. Elles doivent ensuite se coordonner formellement de manière à permettre un recours unifié contre les différentes décisions, afin d’éviter les décisions contradictoires et de permettre une vérification complète de l’application du droit.
En l’espèce, le service cantonal spécialisé est associé à la procédure dans le cadre d’une évaluation préliminaire, laquelle ne confère aucun droit à la personne requérante (art. 41 KRVO/GR). La commune transmet ensuite la demande à l’autorité cantonale si elle estime que les conditions d’octroi du permis de construire sont remplies. Dans le cas contraire, elle statue seule sur le rejet de la demande de permis de construire. Il n’y a pas de coordination matérielle ni formelle. Le Tribunal fédéral constate que l’instance précédente a omis de considérer ce défaut de coordination.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral conclut que la pratique grisonne n’est pas conforme au droit fédéral (art. 25 al. 2 LAT et 25a LAT). La commune n’était pas compétente pour refuser d’office le permis de construire. Partant, il admet le recours.
Proposition de citation : Margaux Collaud, La compétence de la commune pour les permis hors zone à bâtir (art. 25 al. 2 LAT), in: https://lawinside.ch/1581/