Les autorisations de l’aménagement du territoire à obtenir pour les exploitants de réseau de télécommunication
L’art. 35 LTC garantit une procédure simple et rapide afin d’obtenir une autorisation d’usage accru du sol ; en revanche, la disposition n’exempte pas les exploitants de réseau de télécommunication de l’exigence d’une autorisation de construire conformément au droit de l’aménagement du territoire.
Faits
Une société exploite un réseau de télécommunication dans un village. Pour parer aux risques d’interruption de réseau, la société souhaite construire une ligne de raccordement supplémentaire. Le service de la construction de la commune en question invite alors la société à déposer une demande de permis de construire.
La société demande à la commune d’autoriser l’installation d’une ligne de raccordement souterraine, toutefois sans ouvrir de procédure formelle d’autorisation de construire ; elle se fonde sur l’art. 35 de la Loi fédérale sur les communications (LTC).
La commune rejette la demande. Sur appel, le Regierungsrat du canton d’Obwald rejette également la demande de la société. Cette dernière forme alors recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est amené à interpréter la portée de l’art. 35 LTC en lien avec les exigences de l’aménagement du territoire.
Droit
L’art. 22 LAT pose le principe de l’autorisation de construire à l’égard des installations et constructions à créer ou transformer. Ce régime s’applique aux constructions et installations qui, selon le cours ordinaire des choses, génèrent des conséquences spatiales importantes ; en effet, pour ces dernières, le public et les voisins disposent d’un intérêt à vérifier si le projet respecte les législations et réglementations de l’aménagement du territoire (ATF 139 II 134, consid. 5.2). L’art. 35 al. 1 LTC oblige quant à lui le propriétaire d’un terrain qui fait partie du domaine public à autoriser l’installation et l’exploitation des lignes et postes téléphoniques ; cette procédure doit se dérouler de manière simple et rapide (art. 35 al. 4 LTC).
Le recourant estime que l’art. 35 LTC constitue une lex specialis par rapport à l’art. 22 LAT. Cela le dispenserait de requérir une autorisation de construire. En revanche, les autorités estiment que l’art. 35 LTC ne règle que la question de l’utilisation du sol à des fins d’utilité publique ; cela n’exempterait en aucun cas la société à obtenir un permis de construire selon les exigences de la LAT.
L’interprétation littérale ne permet pas de trancher la question ; l’art. 35 LTC n’explicite pas si, en plus d’une autorisation d’usage accru du sol, il faut obtenir un permis de construire. Du point de vue historique, une intervention parlementaire mentionne que l’autorisation simple et rapide prévue par l’art. 35 al. 4 LTC ne s’apparente pas à « une autorisation de construire au sens propre, mais plutôt à une autorisation de police pour utilisation accrue du sol à des fins d’utilité publique » (cf. BO 1997, p. 98 s). Du point de vue systématique, les lois fédérales qui régissent la construction d’installations militaires et ferroviaires dispensent expressément les intéressés d’obtenir les autorisations cantonales de construire ; le silence de la LTC à ce sujet suggère, a contrario, que construire des installations de télécommunications nécessite d’obtenir une autorisation de construire cantonale.
De plus, de nombreuses réglementations fédérales imposent des exigences en lien avec l’environnement et la nature lorsqu’il en va de construction hors de la zone à bâtir. Le principe veut que cette dérogation soit délivrée par une autorité techniquement compétente et supérieure aux communes, afin de garantir une appréciation uniforme et l’égalité de traitement des demandes (ATF 128 I 254, consid. 3.5 et 8.4). Ce constat s’oppose à ce que l’autorisation d’usage accru du sol accordée par la commune suffise à poser des lignes de télécommunications en dehors de la zone à bâtir. Ainsi, l’art. 35 LTC ne dispense pas les fournisseurs de télécommunications d’obtenir une autorisation de construire cantonale au sens de l’art. 22 LAT. Le régime de la LTC se distingue ainsi dans une certaine mesure de celui de l’ancienne Loi fédérale concernant les installations électriques à faible et fort courant, qui – selon plusieurs arrêts du Tribunal fédéral antérieurs à l’entrée en vigueur de la LAT (cf. ATF 97 I 524, consid. 4b ; 99 Ia 247, consid. 5c ; 103 Ib 247, consid. 3) – dispensait les Postes, Téléphones et Télégraphes (PTT, précurseur de la Poste et de Swisscom) des autorisations exigées par le droit cantonal de l’aménagement du territoire.
Enfin, dans un dernier grief, la société fait valoir qu’une procédure ordinaire d’autorisation de construire ne satisferait pas à l’exigence d’une procédure simple et rapide, pourtant garantie par l’art. 35 LTC. Le Tribunal fédéral précise que l’exigence de procédure simple et rapide ne concerne que l’octroi d’une autorisation d’usage accru du sol ; elle n’a pas d’influence sur les autres procédures en lien avec l’aménagement du territoire. La société ne peut donc pas s’en prévaloir pour être dispensée d’autorisation de construire.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Arnaud Lambelet, Les autorisations de l’aménagement du territoire à obtenir pour les exploitants de réseau de télécommunication, in: https://lawinside.ch/1461/