L’assistance administrative en matière fiscale à l’égard d’un contribuable défunt (art. 18a LAAF)

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TF, 15.03.2024, 2C_795/2022

L’art. 18a LAAF s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les procédures d’assistance administrative en matière fiscale en cours, et ce indépendamment de la date à laquelle les demandes ont été formulées, de la date du décès du contribuable concerné ou des périodes fiscales visées.

Faits

En mai 2016, la Direction générale des finances publiques française (DGFP) adresse une demande d’assistance administrative en matière fiscale à l’Administration fédérale des contributions (AFC) sur la base de l’art. 28 CDI CH-FR. La demande vise des informations pour les périodes fiscales 2010 à 2015 à propos d’un compte bancaire détenu par un contribuable avec un code de domicile en France. En octobre 2018, le contribuable visé par la demande décède. L’épouse du contribuable est la seule héritière du compte bancaire visé.

En mars 2021, l’AFC accorde l’assistance administrative. Elle estime que les conditions de l’assistance sont réunies nonobstant le fait que la personne visée est décédée en cours de procédure. L’épouse du contribuable défunt forme un recours au Tribunal administratif fédéral, puis au Tribunal fédéral. Ce dernier doit en particulier se prononcer sur l’application dans le temps de l’art. 18a LAAF.

Droit

Le recours au Tribunal fédéral dans le domaine de l’assistance administrative internationale en matière fiscale n’est recevable que dans certains cas, notamment lorsqu’une question juridique de principe se pose (cf. art. 83 let. h et art. 84a LTF). En l’occurrence, l’application de l’art. 18a LAAF – qui prévoit que l’assistance peut être exécutée à l’égard des personnes décédées – soulève deux questions juridiques de principe. La première est de savoir si l’art. 18a LAAF s’applique lorsque la personne est décédée avant l’entrée en vigueur de la disposition le 1er novembre 2019. La seconde consiste à déterminer si l’art. 18a LAAF s’applique aux demandes administratives, respectivement aux périodes fiscales antérieures au 1er novembre 2019. Pour répondre à ces questions, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’art. 18a LAAF est une norme procédurale applicable immédiatement, ou si cette disposition revêt un caractère de droit matériel, dans quel cas elle ne pourrait pas s’appliquer avant son entrée en vigueur le 1er novembre 2019.

L’art. 18a LAAFentré en vigueur le 1er novembre 2019 – prévoit que l’assistance administrative peut être exécutée concernant des personnes décédées. Leurs successeurs en droit se voient conférer le statut de partie.

Le Tribunal fédéral rappelle que l’échange de renseignements fiscaux sur demande intervient dans une collaboration entre États, laquelle ne prévoit pas la participation des personnes qui en font l’objet. Il appartient au droit interne de prévoir des droits procéduraux pour les personnes visées. Lorsque la personne visée décède en cours de procédure, aucune décision ne peut lui être notifiée. Or, les renseignements requis peuvent conserver leur pertinence. C’est la raison pour laquelle l’art. 18a LAAF prévoit l’exécution de l’assistance administrative concernant les personnes décédées et que leurs successeurs en droit se voient conférer le statut de partie. Cette norme fut précisément introduite dans l’arsenal législatif suisse pour donner suite à une recommandation du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales afin d’assurer l’exécution de l’assistance en cas de décès de la personne visée.

Au regard de des explications qui précèdent, l’art. 18a LAAF vise à régler l’exécution en Suisse de l’assistance administrative conformément aux engagements internationaux. Dans ce sens, l’art. 18a LAAF constitue non pas une norme matérielle, mais une norme procédurale. En particulier, l’art. 18a LAAF s’intègre dans la nature procédurale de la LAAF. Par conséquent, l’art. 18a LAAF s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les procédures d’assistance administrative en matière fiscale en cours, et ce indépendamment de la date à laquelle les demandes ont été formulées, de la date du décès du contribuable concerné ou des périodes visées par la demande.

L’octroi de l’assistance ne viole donc ni l’art. 18a LAAF, ni le principe de l’interdiction de la rétroactivité des lois.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, L’assistance administrative en matière fiscale à l’égard d’un contribuable défunt (art. 18a LAAF), in : https://www.lawinside.ch/1454/