La qualité pour recourir contre une ordonnance de classement concernant un faux témoignage
Faits
Une personne reproche à un témoin d’une enquête parlementaire cantonale d’avoir fait de fausses déclarations à son encontre lors de son audition (art. 307 CP). Elle en informe le Ministère public qui rend une ordonnance de classement après avoir procédé à l’instruction. La personne dépose alors un recours contre cette ordonnance devant le Tribunal cantonal qui le rejette. Elle saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer la qualité pour recourir contre une ordonnance de classement concernant un faux témoignage en justice.
Droit
Selon l’art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Le recourant prétend avoir été atteint dans son honneur à la suite des déclarations du témoin et réclame un montant à titre de tort moral. A cet égard, il se fonde sur l’art. 307 CP.
Cet article protège premièrement l’intérêt public à la bonne administration de la justice mais aussi, dans une certaine mesure, des intérêts privés. Avant d’examiner dans quelle mesure l’honneur est protégé par l’art. 307 CP, il faut se demander si cet article est applicable au cas d’espèce. En cas de réponse négative, l’honneur ne serait de toute façon pas protégé et la décision de classement n’aurait, dès lors, aucune conséquence sur les prétentions civiles du recourant.
L’art. 307 CP vise le faux témoignage en justice. Il vise les affaires civiles et pénales alors que l’art. 309 CP s’applique pour les juridictions administratives. Ces normes ne visent donc que des procédures judiciaires, à l’exclusion d’enquêtes parlementaires qui sont fondées sur la haute surveillance du Parlement et visent avant tout un but politique. D’un point de vue de l’interprétation historique et systématique, le Tribunal fédéral conclut aussi que les enquêtes parlementaires sont exclues du champ d’application de l’art. 307 CP. Par conséquent, le témoin ne s’est pas rendu coupable d’une infraction à l’art. 307 CP.
A titre de droit cantonal supplétif, l’art. 335 al. 2 CP permet aux cantons d’« édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux ». Le canton en cause a précisément fait usage de cette faculté et sanctionne le faux témoignage lors d’une enquête parlementaire par le renvoi aux art. 307 et 309 CP. Cependant, les normes cantonales ne peuvent pas aller plus loin que le respect du droit administratif et des droits de procédure cantonaux. Or, le recourant soulève une violation de son droit à l’honneur qui n’est justement pas protégé par le droit cantonal supplétif. Assisté d’un avocat, il lui appartenait d’invoquer l’art. 173 ou 174 CP (diffamation ou calomnie) pour faire valoir son droit à l’honneur dans une procédure pénale.
Partant, l’art. 307 CP n’est pas applicable au cas d’espèce et le droit cantonal supplétif ne protège pas les intérêts privés. Ainsi, la décision de classement n’a pas d’incidence sur le droit à l’honneur du recourant et donc sur ses prétentions civiles, de sorte que le recours est déclaré irrecevable (art. 81 al. 1 lit. b ch. 5 LTF).
Proposition de citation : Julien Francey, La qualité pour recourir contre une ordonnance de classement concernant un faux témoignage, in: https://lawinside.ch/118/