La fixation de la peine pécuniaire et la lex mitior
ATF 147 IV 241 | TF, 05.05.21, 6B_1308/2020*
L’application de la lex mitior ne peut se faire en combinant l’ancien et le nouveau droit des sanctions. L’art. 2 al. 2 CP ne permet ainsi pas de réduire une peine pécuniaire de 300 jours-amende à 180 jours-amende en application du nouvel art. 34 al. 1 CP.
Faits
En 2019, un chef de chantier est condamné, en lien avec des faits datant de 2015, à une peine pécuniaire de 300 jours-amende pour lésions corporelles graves par négligence et violation des règles de l’art de construire par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne.
Sur appel du prévenu, la Cour d’appel vaudoise le condamne à une peine pécuniaire de 180 jours-amende. Selon la Cour, une peine pécuniaire est suffisante. Toutefois, la peine de 300 jours-amende prononcée par le Tribunal de police devait être ramenée à 180 jours-amende conformément à l’art. 34 al. 1 CP dans sa teneur depuis le 1er janvier 2018, en application de la lex mitior.
Le Ministère public vaudois forme un recours auprès du Tribunal fédéral, estimant que la détermination du genre de la peine devrait advenir après la fixation de sa quotité et que le principe de la lex mitior ne permettrait pas de réduire la peine concernée pour se conformer à l’art. 34 al. 1 CP.
Le Tribunal fédéral se penche alors en particulier sur la question de la fixation de la peine pécuniaire lorsque les faits ont été commis avant l’entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions.
Droit
Tout d’abord, le Ministère public soutient que la détermination du genre de la peine devrait advenir après la fixation de sa quotité. En d’autres termes, le tribunal devrait tout d’abord fixer un nombre d’ »unités pénales« , avant de choisir si celles-ci peuvent ou doivent être traduites en jours-amende ou en jours de privation de liberté.
Le Tribunal fédéral rappelle que, selon la jurisprudence, les critères applicables au choix de la peine sont les mêmes que ceux qui fondent la quotité de celle-ci. Pour déterminer le genre de peine devant sanctionner une infraction selon l’art. 47 CP, il convient de tenir notamment compte de la culpabilité de l’auteur. Lorsque différents genres de peines entrent en considération, la culpabilité ne constitue pas le critère décisif, mais doit être appréciée au côté d’autres critères comme l’adéquation de la peine, ses effets sur l’auteur et sa situation sociale ainsi que son efficacité du point de vue de la prévention. Le Tribunal fédéral rejette alors la détermination d’un quantum d’unités pénales, que le juge n’aurait plus qu’à traduire en jours-amende ou en jours de privation de liberté, selon les limites de la sanction en question. Au contraire, le juge doit déterminer le genre de peine en tenant compte des différents critères précités, ainsi qu’en fixer la quotité.
Le Ministère public fait également valoir une mauvaise application du principe de la lex mitior et notamment d’avoir combiné à tort l’ancien droit avec le nouveau. Selon l’ancien art. 34 al. 1 CP, la peine pécuniaire, sauf disposition contraire de la loi, ne pouvait pas excéder 360 jours-amende. Cette disposition a cependant été modifiée à l’occasion de la réforme du droit des sanctions. À teneur du nouvel art. 34 al. 1 CP, la peine pécuniaire, sauf disposition contraire, ne peut excéder 180 jours-amende.
Le Tribunal fédéral rappelle que, selon l’art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s’applique qu’aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). L’art. 2 al. 2 CP consacre néanmoins l’exception de la lex mitior. Selon celle-ci, une nouvelle loi s’applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d’une part, l’auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d’autre part, elle est plus favorable à l’auteur que l’ancienne. Par conséquent, la loi en vigueur au moment où l’acte a été commis est en principe applicable, sauf si la nouvelle loi est plus favorable à l’auteur.
La réforme du droit des sanctions ne prévoit pas de règles particulières sur le droit transitoire (FF 2012, p. 4385). Pour déterminer quel est le droit le plus favorable, il y a lieu d’examiner l’ancien et le nouveau droit dans leur ensemble et de comparer les résultats auxquels ils conduisent dans le cas concret. Le nouveau droit ne doit être appliqué que s’il conduit effectivement à un résultat plus favorable et l’ancien et le nouveau droit ne peuvent pas être combinés.
Le Tribunal fédéral note qu’il ne s’est pas encore prononcé de manière claire sur l’application du droit le plus favorable dans le cadre de la réforme du droit des sanctions, la jurisprudence étant divisée sur ce point. Dans son message relatif à la réforme du droit des sanctions, le Conseil fédéral avait indiqué que le nouvel art. 34 al. 1 CP vise à réduire le champ d’application de la peine pécuniaire et, par conséquent, à accroître celui de la peine privative de liberté. Cette modification participerait aussi au durcissement général du régime des peines. Enfin, il avait estimé que « si la gravité de la faute commise ne s’accommode pas avec une peine pécuniaire de moins de 180 jours-amende et que les conditions ne sont pas réunies pour accorder un sursis au condamné, la seule option qui s’offrira au juge sera la peine privative de liberté ferme », l’auteur se retrouvant plus sévèrement puni (FF 2012 4385, 4406). Selon le Tribunal fédéral, il ressort de ce qui précède que l’ancien régime des peines était, sous cet angle, en principe moins sévère que celui en vigueur depuis le 1er janvier 2018.
En l’espèce, la cour cantonale n’a pas procédé à une comparaison concrète entre l’ancien et le nouveau droit pour déterminer quel est le droit le plus favorable. Elle a au contraire combiné l’application de l’ancien droit et du nouveau droit en déclarant d’abord qu’une peine pécuniaire de 300 jours-amende était suffisante pour sanctionner le comportement du recourant, puis en appliquant le nouveau droit pour ramener la quotité de cette peine à 180 jours-amende.
Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.
Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, La fixation de la peine pécuniaire et la lex mitior, in: https://lawinside.ch/1060/