Archive d’étiquettes pour : ministère public

Le droit du prévenu en détention à communiquer avec son défenseur par téléphone

TF, 19.03.2025, 7B_1295/2024*

L’art. 235 al. 4 CPP confère à la personne détenue un droit à communiquer par téléphone avec son défenseur. Il est admissible de fixer des heures d’appel ou de limiter le nombre et la durée de ceux-ci.

Faits

Le Ministère public de Berne-Mittelland mène une procédure pénale contre un prévenu placé en détention provisoire. Le prévenu requiert à deux reprises du Ministère public une « autorisation permanente de téléphoner » à son défenseur. Cette autorité rejette les deux demandes.

Le prévenu recourt contre ce refus auprès de la Cour suprême du canton de Berne, qui le déboute de ses conclusions. Il interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à déterminer si le Ministère public est compétent pour statuer sur l’autorisation de téléphoner (art. 235 al. 5 CPP) et, le cas échéant, si le refus du Ministère public est conforme au droit fédéral (art. 235 al. 4 CPP).

Droit

Dans le cadre d’une détention avant jugement, la liberté des prévenus ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement (art.Lire la suite

La qualité pour recourir du Ministère public sur la validité d’une plainte pénale

TF, 21.11.2024, 6B_696/2023*

L’art. 81 al. 1 lit. b ch. 3 LTF empêche le Ministère public de recourir par-devant le Tribunal fédéral sans un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt n’est pas donné lorsque le recours du Ministère public porte sur la validité de la plainte pénale.

Faits

En janvier 2020, plusieurs manifestant·e·s pour la cause climatique occupent une succursale d’UBS AG et déversent du charbon dans le hall central. Le charbon s’infiltre dans les stries du marbre blanc, conduisant à d’importants travaux de nettoyage. Par l’intermédiaire de son directeur régional, UBS AG dépose une plainte pénale contre les manifestant·e·s.

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne considère que la plainte pénale n’est pas valable et libère sept personnes prévenues des chefs d’accusation de dommages à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Le Tribunal de police condamne cependant les manifestant·e·s pour d’autres infractions.

Le Ministère public saisit la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, contestant l’acquittement des manifestant·e·s pour les chefs d’accusation de dommages à la propriété et de violation de domicile, au motif que la plainte déposée par UBS AG était valable.… Lire la suite

La reformatio in pejus en cas d’annulation et de renvoi selon l’art. 409 CPP

ATF 149 IV 284 | TF, 18.04.2023, 6B_75/2023*

L’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas dans la procédure de renvoi, lorsque sur appel du prévenu, la juridiction d’appel annule le jugement du tribunal de première instance et lui renvoie la cause pour nouveau jugement (art. 409 CPP), avant même de notifier la déclaration d’appel aux autres parties. 

Faits

Un individu fait l’objet d’une procédure pénale notamment pour incendie volontaire, menaces multiples et lésions corporelles simples.

Il est acquitté de certains chefs d’accusation, mais condamné par le Bezirksgericht de Zofingue à une peine privative de liberté de 18 mois.

Sur appel du prévenu, l’Obergericht du canton d’Argovie annule le jugement en raison de vices importants (art. 409 CPP) et renvoie l’affaire au Bezirksgericht, avant même de notifier la déclaration d’appel aux autres parties.

À l’issue de la procédure de renvoi, le prévenu est condamné par le Bezirksgericht pour des chefs d’accusation dont il a été acquitté auparavant, et sa peine est augmentée à 22 mois avec sursis. Il interjette donc appel contre ce nouveau jugement. Le ministère public forme un appel joint et requiert une augmentation de la peine.

L’Obergericht admet partiellement l’appel du prévenu, rejette celui du ministère public, et maintient l’aggravation de la peine par rapport au premier jugement de première instance.… Lire la suite

La prolongation d’une mesure de surveillance secrète

ATF 149 IV 35 | TF, 29.11.2022, 1B_282/2022*

En matière de mesures de surveillance secrètes, le ministère public doit déposer une demande de prolongation motivée avant l’expiration de la durée autorisée (art. 274 al. 5 CPP). Lorsqu’une demande de prolongation est déposée tardivement, les données enregistrées entre la fin de la durée de surveillance autorisée par le tribunal des mesures de contrainte et la réception de la demande de prolongation par le tribunal des mesures de contrainte sont inexploitables. 

Faits

En automne 2017, le Ministère public du canton de Genève ouvre une instruction contre quatre membres d’une même famille pour soupçon de traite d’êtres humains (art. 182 CP). Il leur est reproché d’exploiter leur personnel de maison.

Afin d’évaluer les conditions de traitement du personnel, le Ministère public ordonne la pose de caméras à l’extérieur de l’habitation, de telle façon que les allées et venues des employés ainsi que leur liberté de mouvement puissent être observées (art. 280 let. b CPP).

Par ordonnance du 17 novembre 2017, le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) autorise cette mesure technique de surveillance secrète jusqu’au 20 février 2018.

Le 21 février 2018, soit un jour après l’expiration de la durée autorisée par le TMC, le Ministère public requiert une nouvelle fois la prolongation de la mesure secrète.… Lire la suite

Affaire Petrobras : la légalité de la créance compensatrice ordonnée à l’encontre de l’intermédiaire (2/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Le juge ordonne, en principe, une confiscation (art. 70 CP), respectivement une créance compensatrice (art. 71 CP) à l’encontre de la personne physique ou morale qui a perçu le produit d’une activité délictuelle. Si une société perçoit ce produit, un Durchgriff sur l’actionnaire unique est possible s’il existe une identité économique entre eux et si l’invocation de l’indépendance juridique de la personne morale paraît abusive. En revanche, le seul fait que l’actionnaire détienne la société ne suffit pas.

Le produit délictueux reste à recouvrer auprès de la société ayant perçu ce montant, même en présence de dépenses effectuées avec des valeurs mélangées, tant que ces dépenses n’excèdent pas la part légale disponible sur le compte (théorie résiduelle ou Bodensatztheorie).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras. Aux termes des négociations, la société Petrobras attribue les contrats auxdites sociétés mandantes.

En 2015, la société Petrobras découvre que, au cours des négociations d’un des contrats, certains de ses directeurs ont perçu des pots-de-vin. Elle résilie alors ledit contrat.… Lire la suite