Archive d’étiquettes pour : abus de droit

La qualité pour agir en contestation de la résiliation d’un bail commun portant sur un logement de famille

ATF 145 III 281 | TF, 31.07.2019, 4A_570/2018*

En cas de résiliation d’un bail commun portant sur un logement de famille, chaque époux a la possibilité de contester seul le congé pour autant qu’il assigne aux côtés du bailleur son conjoint qui n’entend pas s’opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir. Une application par analogie de l’art. 273a CO ne se justifie pas en cas de bail commun.

Faits

Dans le contexte d’une procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, un couple décide d’un commun accord d’attribuer le logement familial en location à l’épouse. Les deux époux demeurent cependant parties au contrat de bail.

Une année plus tard, la mère de l’époux, propriétaire du bien loué, résilie le contrat de bail en invoquant un besoin personnel.

Seule l’épouse conteste la résiliation du bail devant le Mietgericht du district de Meilen qui constate le caractère abusif de la résiliation. Sur appel de la propriétaire, l’Obergericht du canton de Zurich – se fondant sur l’ATF 118 II 168 –considère que l’épouse était légitimée à agir seule dès lors qu’une application analogique de l’art. 273a CO se justifie lorsque les deux époux sont parties au contrat de bail.… Lire la suite

Forum running: abus de droit et compétence territoriale

ATF 145 III 303 | TF, 21.05.2019, 4A_446/2018, 4A_448/2018*

L’introduction d’une action en constatation négative aux fins de s’assurer un certain for (forum running) n’est abusive que lorsqu’elle consacre une attitude contradictoire et est ainsi de nature à décevoir des attentes légitimes de la partie adverse, ce qui doit être admis de façon restrictive. 

Le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence antérieure et abandonne l’exigence du lien de proximité nécessaire pour recueillir les preuves et se prononcer sur la cause (« Sach- und Beweisnähe« ) lorsqu’une partie introduit une action en constatation négative sur la base de l’art. 5 ch. 3 CL.

Finalement, pour déterminer le lieu de l’acte, il importe de déterminer quel est l’évènement déterminant dans la chaîne de causalité. Dès lors, même si deux filiales n’ont pas participé à une prise de décision stratégique par la maison mère, le fait qu’elles aient suivi cette stratégie suffit pour retenir le lieu de l’acte à leur égard au siège de la société mère.

Faits

Dans le cadre de l’introduction d’un système de distribution sélective, un groupe horloger suisse met fin à la collaboration avec certains distributeurs qui commercent des montres et des pièces de rechange de ce groupe.… Lire la suite

Le paiement du salaire en euros

TF, 15.01.2019, 4A_215/2017

L’employé, qui accepte contractuellement d’être payé en euros à un taux fixe et qui dans un second temps se prévaut de l’interdiction de discriminer les ressortissants de l’Union européenne pour faire invalider la clause de versement du salaire en euros, commet un abus de droit au sens de l’art. 2 al. 2 CC s’il existe des circonstances particulières.

Faits

Un ressortissant français résidant en France est engagé en janvier 2011 par une entreprise jurassienne. Le contrat de travail prévoit un salaire mensuel de CHF 5’505.

En juin 2011, l’entreprise informe l’ensemble de ses employés que les salaires des travailleurs résidant dans la zone euro seront dorénavant payés en euros afin d’amortir les effets du cours de change suite à la baisse de l’euro et au renforcement du franc suisse. L’employé signe un avenant pour marquer qu’il accepte cette modification de son contrat de travail. Dès le 1er janvier 2012, l’entreprise verse à l’employé un salaire en euros, converti d’après un taux fictif de 1.30 alors que le taux réel était inférieur.

Le contrat de travail prend fin en juin 2015. En janvier 2016, l’(ex-)employé agit en paiement contre l’entreprise pour un montant de près de CHF 20’000, ce qui correspond à la différence entre le salaire effectivement perçu entre 2012 et 2015 et le salaire supérieur qu’il aurait touché si le taux de change réel (systématiquement inférieur à 1.30) avait été appliqué.… Lire la suite

L’abus de droit en lien avec la loi sur les résidences secondaires

ATF 145 II 99 | TF, 03.12.2018, 1C_69/2018*

Les autorités saisies d’une demande de permis de construire doivent analyser d’office s’il existe des indices concrets que la demande est constitutive d’une fraude à la loi. Tel est en particulier le cas lorsqu’il paraît vraisemblable qu’une résidence principale ne pourra pas être commercialisée en tant que telle et que le requérant pourra donc potentiellement demander la suspension de la charge imposant l’utilisation en tant que résidence principale (art. 14 al. 1 let. b LRS).

Faits

Deux requérants déposent une demande de permis pour démolir deux bâtiments et construire trois nouveaux chalets sur la même parcelle, à Saanen. Il est prévu que chacun des chalets comprenne deux appartements de trois pièces et deux appartements de quatre pièces. La construction d’un espace fitness et wellness est également planifiée.

La commune de Saanen octroie le permis et rejette les oppositions des voisins. Suite à l’admission d’un recours intenté par les opposants, l’affaire est renvoyée à la commune pour qu’elle vérifie la conformité avec l’art. 75b Cst. Les requérants déposent alors une version modifiée du projet en prévoyant explicitement que les habitations seront utilisées comme résidences principales. La commune octroie l’autorisation, cette fois sous réserve de l’inscription au registre foncier d’une servitude imposant l’utilisation des habitations en tant que résidences principales.… Lire la suite

Les limites de l’insaisissabilité d’une rente AVS

ATF 144 III 407 | TF, 06.06.2018, 5A_926/2017*

Les rentes AVS sont absolument insaisissables même lorsque, par suite de cumul de plusieurs prestations différentes absolument insaisissables, le minimum vital est dépassé. Ceci vaut également lorsque les prestations sont perçues par deux époux. L’abus de droit est toutefois réservé, par exemple lorsqu’une personne percevant une rente AVS profite du niveau de vie élevé de son conjoint.

Faits

Deux époux séparés de biens bénéficient chacun d’une rente AVS d’un montant de CHF 1’727 (épouse) respectivement CHF 1’638 (époux). Ce dernier perçoit également une rente LPP de CHF 6’406 mensuels. Le couple jouit également d’un usufruit gratuit sur un appartement triplex et le mari est propriétaire d’une voiture.

Une banque entame une procédure de poursuite pour un montant de CHF 57’609.20 à l’encontre de l’épouse. La procédure abouti par la délivrance d’un acte de défaut de bien mentionnant que la poursuivie n’a pour revenu unique que sa rente AVS, insaisissable, et ne possède aucun autre bien saisissable.

La banque porte plainte contre l’acte de défaut de bien et demande que la rente AVS soit saisie à hauteur d’un montant d’au moins CHF 950 par mois. Le Tribunal du district de Sierre admet cette plainte.… Lire la suite