La notification d’un commandement de payer et l’infraction de contrainte (art. 181 CP)

TF, 15.12.2016, 6B_378/2016

Faits

Un locataire conclut avec un bailleur un contrat de bail d’une durée de 10 ans. Environ deux mois après la conclusion du contrat, le locataire résilie le bail. Le bailleur indique au locataire qu’il ne peut pas dénoncer le bail de manière anticipée et lui propose de régler amiablement le litige moyennant paiement par le locataire de 20’000 francs. Le bailleur indique au locataire qu’en cas de refus de son offre, il intenterait à son encontre des poursuites ainsi que diverses autres mesures judiciaires, telles que par exemple un séquestre ou une saisie de salaire en mains de l’employeur.

Le bailleur adresse peu de temps après un commandement de payer de 610’000 francs au locataire, représentant les loyers des 10 ans de bail. Le locataire forme opposition au commandement de payer, dont le bailleur demande la mainlevée, qui lui est refusée.

Les instances cantonales reconnaissent le bailleur coupable de tentative de contrainte.

Le bailleur interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la notification du commandement de payer constitue en l’espèce une tentative de contrainte (art. 181 CP).

Droit

Se rend coupable de contrainte selon l’art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, ne pas faire ou à laisser faire un acte.… Lire la suite

L’interruption du délai de prescription en droit pénal des mineurs

ATF 143 IV 49 | TF, 03.01.17, 6B_646/2016*

Faits

Un mineur commet plusieurs abus sexuels sur une fille de 17 ans en 2005 notamment. En 2008, le tribunal d’arrondissement condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 3.5 ans. Il s’ensuit 3 recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En 2015, le Tribunal cantonal retient en substance que le prévenu a commis plusieurs actes sexuels en 2005. Le prévenu saisit une nouvelle fois le Tribunal fédéral en invoquant la prescription de 5 ans prévue par l’art. 36 al. 1 lit. a DPMin. En effet, l’art. 1 al. 2 lit. j DPMin renvoie à l’art. 98, 99 al. 2, 100 et 101 al. 1 CP, mais non à l’art. 97 al. 3 CP qui prévoit l’interruption de la prescription de l’action pénale lors du prononcé d’un jugement de première instance. Le Tribunal fédéral doit dès lors se déterminer sur l’interruption de la prescription en droit pénal des mineurs.

Droit

Après avoir rappelé les règles d’interprétation de la loi, le Tribunal fédéral constate que dans un arrêt non publié (TF, 07.10.09, 6B_771/2009), il  avait conclu que l’interruption de la prescription de l’art.Lire la suite

Le remplacement d’une peine par une mesure (art. 63b al. 5 CP)

ATF 143 IV 1 | TF, 28.11.16, 6B_68/2016*

Faits

Un prévenu est condamné pour de multiples infractions contre l’intégrité sexuelle d’enfants à une peine privative de liberté de plus de 3 ans sans sursis et à une mesure ambulatoire. Après une année de traitement, le Service de la justice estime que la mesure ambulatoire est vouée à l’échec. A la place de la mesure ambulatoire, il recommande une mesure institutionnelle (art. 63b al. 5 CP) en sus de la peine privative de liberté restante qui se termine en mars 2015. Le tribunal de première instance requiert une expertise et ordonne une mesure institutionnelle en octobre 2015. Le condamné recourt au Tribunal cantonal, puis au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur l’interprétation de l’art. 63b al. 5 CP.

Droit

Aux termes de l’art. 63b al. 5 CP, « le juge peut remplacer l’exécution de la peine par une mesure thérapeutique institutionnelle prévue aux art. 59 à 61 s’il est à prévoir que cette mesure détournera l’auteur de nouveaux crimes ou de nouveaux délits en relation avec son état ».

Dans son premier argument, le recourant estime que cette disposition ne s’applique que s’il reste encore une peine privative de liberté à purger.… Lire la suite

La contreprestation exigée dans l’usure (art. 157 CP)

ATF 142 IV 341 | TF, 29.09.16, 6B_895/2015*

Faits

Une propriétaire souhaite léguer sa maison à sa locataire afin qu’elle puisse y rester après sa mort. La locataire lui déconseille cette solution en raison du fait que la propriétaire a des héritiers réservataires. La locataire propose alors que son fils rachète la maison pour le prix de 200’000 francs (évaluée pourtant à 650’000 francs) et que celui-ci accorde ensuite un bail à loyer à la propriétaire et à elle-même. Le produit de la vente est quasiment entièrement utilisé pour procéder à des travaux dans la maison. En échange, le fils ne perçoit aucun loyer de l’ancienne propriétaire.

Par la suite, les relations entre les parties se détériorent et l’ancienne propriétaire dépose plainte pénale. Une expertise psychiatrique met en évidence un trouble mixte de la personnalité de l’ancienne propriétaire à traits anxieux et dépendants. Le tribunal de première instance, puis la Cour d’appel estiment que la mère et le fils se sont rendus coupables d’usure à l’encontre de l’ancienne propriétaire. Les accusés font alors recours au Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de l’usure.

Droit

Aux termes de l’art. 157 CP, commet une usure celui qui exploite la dépendance d’une personne en se faisant accorder par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d’une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec cette prestation sur le plan économique.… Lire la suite

La responsabilité pénale de l’entreprise (art. 102 CP) et le blanchiment d’argent (art. 305bis CP)

ATF 142 IV 333 | TF, 11.10.2016, 6B_124/2016*

Faits

Une société reçoit sur son compte postal de l’argent qui provient d’un crime. En février 2005, l’administrateur unique de cette société appelle un office postal et demande de retirer en espèces 4’600’000 francs sur ce compte. L’employé de la poste contacte le département compliance qui vérifie uniquement s’il y a assez d’argent sur le compte postal de la société. L’employé compliance ne procède cependant a aucune autre vérification. L’administrateur retire alors cette somme et est condamné en 2013 pour blanchiment d’argent (art. 305bis CP).

Une procédure pénale est ouverte à l’encontre de l’employé qui a exécuté le paiement en espèces à l’administrateur, mais cette procédure est ensuite suspendue en 2008. Aucune procédure n’est ouverte en revanche vis-à-vis de l’employé compliance de la poste.

En parallèle, le Ministère public de Soleure ouvre une procédure à l’encontre de la poste suisse pour blanchiment d’argent (art. 305bis CP). L’Amtsgericht la reconnait coupable, mais, sur appel, l’Obergericht la libère de toute charge. Le Ministère public de Soleure exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de la responsabilité pénale de l’entreprise (art.Lire la suite