Le conflit de compétence entre le Ministère public et le Tribunal des mineurs

ATF 145 IV 228TF, 04.03.19, 1B_517/2018*

Les règles relatives à la compétence et au déroulement de la procédure de contestation d’un for s’appliquent également en cas de conflit de compétence matérielle. Puisqu’un Procureur général est institué dans le canton de Vaud, il lui appartient de statuer sur un recours formé contre le refus du Ministère public vaudois de se dessaisir en faveur de la juridiction des mineurs (cf. art. 40 al. 1 CPP). La Chambre des recours pénale n’est pas compétente dans cette hypothèse et doit, le cas échéant, transmettre le recours à l’autorité compétente (art. 91 al. 4 CPP).

Faits

En juin 2016, le Tribunal des mineurs vaudois débute l’instruction d’une enquête contre un mineur né en octobre 1998 pour notamment vol et violation de domicile. Le mineur est renvoyé en jugement devant le Tribunal des mineurs.

En mai 2018, le Ministère public vaudois ouvre deux instructions à l’encontre du même prévenu – entre autres – à la suite de brigandages commis durant le même mois et de cambriolages en 2018, les deux causes étant ensuite jointes. Le défenseur d’office nommé par le Ministère public demande le déssaisissement du Ministère public en faveur de la juridiction des mineurs dans l’une des deux causes, au vu de la procédure susmentionnée, encore pendante devant cette juridiction.… Lire la suite

La transmission spontanée de données personnelles relevant d’une procédure pénale

ATF 145 IV 80TF, 27.12.2018, 6B_91/2018*

L’art. 96 CPP permet la transmission spontanée par l’autorité pénale de données personnelles issues de la procédure pénale aux autorités administratives ou civiles dans les limites de l’art. 101 al. 2 CPP, c’est-à-dire lorsqu’aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s’y oppose.

Faits

Lors d’une enquête pénale, le Ministère public met sous séquestre CHF 7’000 que le prévenu a gagné deux jours avant au casino. Constatant que le registre des poursuites du prévenu contient plusieurs actes de défaut de biens, le Ministère public informe l’Office des poursuites de l’argent séquestré. Sur demande de celui-ci, le Ministère public transfère l’argent séquestré à l’Office qui l’inclut dans la procédure de saisie concernant le prévenu.

Contre cette décision du Ministère public de transférer l’argent à l’Office des poursuites, le prévenu recourt auprès de l’Obergericht de Zurich, recours qui est rejeté (pour la décision cantonale, voir Beschluss des Obergerichts vom 5. Dezember 2017, UH170287-O/U/TSA). Par la suite, le prévenu recourt au Tribunal fédéral et demande le transfert des CHF 7’000 à son avocat.

Le Tribunal fédéral est amené à trancher la question de savoir si le droit de divulguer des données personnelles pour permettre leur utilisation dans une « autre procédure pendante » prévu à l’art.Lire la suite

Données Falciani : demande d’entraide internationale en matière pénale formulée par la Grèce

TPF, 17.07.2018, RR.2017.338

En matière d’entraide internationale pénale, un État adopte un comportement contraire au principe de la bonne foi s’il formule une demande d’entraide sur le fondement de données volées en Suisse ou à l’étranger. En la présence de motifs fondés qui laissent soupçonner que la demande d’entraide se base sur des données volées, l’autorité requise est tenue de les dissiper. À défaut, l’entraide doit être rejetée.

Faits

Les autorités pénales grecques mènent une enquête pour corruption d’agents publics. Dans ce cadre, elles sollicitent de la Suisse l’entraide internationale en matière pénale et demandent la communication de renseignements relatifs à un compte ouvert auprès d’une banque genevoise. En effet, un pot-de-vin aurait été versé sur ce compte.

Le détenteur du compte soulève que la demande d’entraide grecque serait fondée sur les données bancaires volées par Hervé Falciani et que la demande devrait, dès lors, être rejetée. Il s’avère en effet que l’identité du détenteur du compte se trouve parmi les données Falciani sur la « Liste Lagarde ».

Nonobstant ce fait, le Ministère public de la Confédération (MPC), qui estime que la demande grecque ne serait pas fondée sur les données Falciani, accorde l’entraide aux autorités grecques.… Lire la suite

L’inexploitabilité de la vidéosurveillance d’employés par la police

ATF 145 IV 42 | TF, 20.12.2018, 6B_181/2018*

La mise en place d’une vidéosurveillance par la police constitue une mesure de contrainte qui aurait dû être ordonnée par le ministère public avec l’aval du tribunal de mesure de contrainte. L’accord de l’employeur, qui désire surveiller ses employés suspectés de vol, ne constitue pas un consentement à la mise en place d’une telle mesure. Dès lors que la police a installé la vidéosurveillance sans respecter ces exigences légales, les informations recueillies sont absolument inexploitables et doivent être détruites. 

Faits

Un gérant d’une Sàrl dépose une plainte pénale contre inconnu en raison de soupçons de vol d’argent liquide dans la caisse de son entreprise. La police installe une vidéosurveillance dans les locaux de l’entreprise avec l’accord des deux gérants de la société, mais sans en informer les employés.

Grâce à cette vidéosurveillance, le Ministère public du canton de Soleure dresse un acte d’accusation contre le voleur visible sur les vidéos. Alors que le tribunal de première instance l’acquitte, l’Obergericht le condamne. En effet, selon la seconde instance cantonale, la vidéosurveillance installée par la police ne constitue pas une mesure de contrainte au sens de l’art. 280 CPP en raison de l’accord des gérants.… Lire la suite

Le prévenu irresponsable et la réduction ou le refus de son indemnité au sens de l’art. 429 CPP

ATF 145 IV 94TF, 07.12.2018, 6B_822/2018*

L’indemnité due au prévenu au sens de l’art. 429 CPP peut être réduite ou refusée en application analogique de l’art. 419 CPP lorsque le prévenu irresponsable supporte en partie ou en totalité les frais de procédure.

Faits

Un prévenu réalise les conditions objectives de plusieurs infractions et est reconnu pénalement irresponsable pour celles-ci par le tribunal compétent ainsi que par l’instance d’appel. Ayant déclaré le prévenu irresponsable dans la commission de ces infractions, les juges cantonaux mettent une partie des frais à sa charge en application de l’art. 419 CPP. Ils lui refusent en outre une indemnité au sens de l’art. 429 CPP au motif qu’il n’est pas acquitté (pour la décision du Tribunal cantonal, voir jugement de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 juin 2018 (n° 189 PE15.014821-CMS/SOS)).

Le prévenu recourt au Tribunal fédéral, qui est amené à trancher la question de savoir si l’indemnité prévue à l’art. 429 CPP peut, à certaines conditions, être refusée ou réduite lorsque le prévenu est irresponsable.

Droit

L’art. 429 CPP prévoit qu’en cas d’acquittement total ou partiel ou d’ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale ainsi que pour la réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité.… Lire la suite