Le création de la litispendance en cas d’incompétence du tribunal

ATF 145 III 428 | TF, 20.09.2019, 4A_44/2019*

La production de l’original de l’écriture déclarée irrecevable pour cause d’incompétence ou de mauvaise procédure est indispensable pour que l’art. 63 al. 1 CPC s’applique et que la litispendance soit créée avec effet rétroactif. D’éventuelles modifications formelles de l’écriture doivent être traitées dans un courrier d’accompagnement séparé. 

Faits

Le 28 août 2017, un actionnaire dépose une requête de conciliation tendant à l’annulation d’une décision de l’assemblée générale prise le 27 juin 2017. Le 31 août 2017, l’autorité de conciliation n’entre pas en matière à défaut de compétence matérielle. Le 2 octobre 2017, l’actionnaire dépose une action auprès du Handelsgericht bernois, dans laquelle il formule les mêmes conclusions. Une copie de la requête de conciliation introduite en premier est en outre annexée à la demande. Le juge en charge rend une ordonnance d’instruction constatant la création de la litispendance le 2 octobre 2017 (et non pas le 28 août 2017) au motif que l’actionnaire n’a pas produit l’original de la requête de conciliation. Le document en original est envoyé au tribunal seulement suite à cette décision.

Le Handelsgericht rejette par la suite l’action au motif que l’action n’a pas été introduite dans le délai de péremption de deux mois.… Lire la suite

Le principe de publicité de la justice et les pourparlers transactionnels

ATF 146 I 30 | TF, 24.09.2019, 4A_179/2019*

Le principe de publicité de la justice (art. 6 CEDH, art. 30 al. 3 Cst. et art. 54 CPC) ne s’applique pas aux pourparlers menés en vue d’un règlement amiable du litige, indépendamment du stade de la procédure auquel le juge tente la conciliation.

Faits

Une correspondante judiciaire assiste à des débats principaux devant l’Arbeitsgericht de Zurich dans le cadre d’un litige impliquant une filiale d’une grande banque suisse. Après les débats principaux, les parties tiennent une séance de pourparlers transactionnels en vue d’un règlement amiable. La correspondante judiciaire est exclue de ces pourparlers. Elle recourt sans succès contre la décision de tenir les pourparlers à huis clos auprès de l’Obergericht du canton de Zurich, puis porte le litige devant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral doit déterminer si l’exclusion de la correspondante judiciaire des pourparlers transactionnels était licite au regard du principe de publicité ancré aux art. 30 al. 3 Cst. et 54 CPC.

Droit

Le Tribunal fédéral souligne tout d’abord que le droit cantonal peut prévoir des exceptions au principe de publicité lorsque la protection d’un intérêt public ou privé d’une partie le justifie (art.Lire la suite

Le délai de recours contre une décision relative à une demande de récusation

ATF 145 III 469 | TF, 12.09.2019, 4A_475/2018*

Une procédure de récusation est soumise à la procédure sommaire. Le délai de recours contre une décision relative à une demande de récusation est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). Le délai de recours contre une amende disciplinaire infligée en lien avec la procédure de récusation est également de dix jours.

Faits

Dans le contexte d’un litige contre une ancienne employée, une société demande à deux reprises la récusation de la juge des prud’hommes saisie de la cause. Le Tribunal des prud’hommes du canton de Genève déclare sa demande irrecevable puisque tardive et répétitive et lui inflige une amende disciplinaire de CHF 1000.

Sur recours de la société dans les 30 jours, la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice du canton de Genève déclare le recours irrecevable, au motif que la société aurait dû introduire son recours dans un délai de dix jours dès la notification de la décision dès lors qu’il s’agirait d’une procédure sommaire (art. 321 al. 2 CPC).

La société saisit le Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer quel est le délai de recours contre une décision rendue à l’issue d’une procédure de récusation et contre une décision infligeant une amende disciplinaire.… Lire la suite

Le fardeau de la preuve d’un fait implicite

TF, 17.12.18, 4A_243/2018

Le fardeau de la preuve d’un fait implicite n’incombe à la demanderesse que lorsque sa partie adverse l’a contesté.

Faits

Une société acheteuse et une société venderesse concluent un contrat de vente de marchandise.

Après avoir été informée par courrier de la venderesse que la commande était prête pour la livraison, l’acheteuse émet des doutes quant au respect des prescriptions de sécurité et des normes en vigueur. La venderesse ne fournit pas d’attestations de conformité si bien que l’acheteuse résilie le contrat avec effet immédiat. La venderesse envoie le même jour à l’acheteuse une facture de EUR 71’295 pour le solde du prix de vente.

Saisi par la venderesse, le Tribunal civil de Lausanne condamne l’acheteuse à payer le montant de EUR 71’295 à la venderesse. Sur appel de l’acheteuse, le Tribunal cantonal vaudois réforme ce jugement considérant que la venderesse n’a pas allégué dans ses écritures de première instance avoir effectivement fabriqué les marchandises destinées à être vendues. La venderesse saisit donc le Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si cette dernière a valablement allégué qu’elle avait fabriqué le système de commande.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que selon la maxime des débats (art.Lire la suite

L’action partielle improprement dite et l’action reconventionnelle

ATF 145 III 299 | TF, 10.07.2019, 4A_29/2019*

Le défendeur à une action partielle proprement dite ou improprement dite peut déposer une action reconventionnelle tendant à faire constater l’inexistence de l’ensemble de la dette indépendamment de savoir si l’action reconventionnelle est soumise à la même procédure que l’action partielle.

Faits

Une employée réclame à son employeur le montant d’environ CHF 15’000 pour du travail supplémentaire « sous réserve d’une action ultérieure ». Elle précise qu’il s’agit d’une action partielle qui porte sur des prétentions totales de quelque CHF 50’000 francs découlant des années 2014 à 2016, mais qu’elle se limite dans un premier temps à exiger les indemnités de 2016. L’employeur conclut à titre reconventionnel qu’il soit constaté que l’employée n’a pas du tout effectué du travail supplémentaire.

Le juge unique déclare la prétention reconventionnelle irrecevable en raison de l’existence d’une action partielle improprement dite. L’employeur recourt au tribunal cantonal, puis au Tribunal fédéral qui doit préciser si l’action partielle improprement dite permet une action reconventionnelle qui n’est pas soumise à la même procédure en raison de la valeur litigieuse.

Droit

Aux termes de l’art. 224 al. 1 CPC, le défendeur peut déposer une demande reconventionnelle dans sa réponse si la prétention qu’il invoque est soumise à la même procédure que la demande principale. … Lire la suite