Publications par Tobias Sievert

La nullité de la taxation d’office

TF, 19.08.2024, 9C_673/2023*

Une taxation d’office qui est augmentée d’année en année et dans des proportions de plus en plus massives, sans rapport avec la capacité économique du contribuable, peut être entachée de nullité. Tel est en particulier le cas lorsque la taxation d’office s’écarte délibérément et arbitrairement de la capacité économique du contribuable, respectivement lorsqu’elle revêt un caractère essentiellement punitif.

Faits

Des époux retraités ne déposent pas leurs déclarations fiscales, raison pour laquelle l’administration fiscale bernoise procède à leur taxation d’office pour les périodes 2005 à 2012. Les taxations entrent en force. Par la suite, l’administration fiscale procède au recouvrement partiel des impôts. Plusieurs saisies sont exécutées entre 2005 et 2010.

En 2012, les époux déposent leurs déclarations fiscales. En parallèle, ils forment une réclamation contre les taxations 2006 à 2012 et demandent également une reconsidération. L’administration fiscale reconsidère les taxations pour la période 2010 à 2012 en faveur des contribuables. Elle refuse toutefois de reconsidérer la période 2006 à 2009.

Les contribuables déposent un recours à la Commission des recours en matière fiscale du canton de Berne en concluant à la nullité des taxations 2006 à 2009. Celle-ci rejette le recours pour la période 2006 à 2009 et constate en outre la nullité des nouvelles taxations de l’administration fiscale pour la période 2010 à 2012.… Lire la suite

L’évaluation des atteintes à l’environnement d’un projet routier cantonal et fédéral

ATF 150 II 547 | TF, 04.06.2024, 1C_99/2023*

La construction d’une route cantonale et d’une jonction autoroutière doit faire l’objet d’une évaluation globale des atteintes à l’environnement (art. 8 LPE), et ce même si chacun de ces projets fait l’objet d’une procédure d’approbation des plans qui relève de compétences différentes.

Faits

Le canton d’Uri prévoit le concept global de trafic régional « Unteres Reusstal ». Ce projet comprend l’établissement d’une nouvelle route cantonale de liaison ainsi que la construction d’une nouvelle jonction à l’autoroute A2 « Altdorf Sud ».

Le canton d’Uri approuve la route cantonale. Par la suite, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) accorde l’approbation des plans pour la jonction autoroutière. Chacun de ces projets fait l’objet d’une étude de l’impact sur l’environnement.

La commune d’Attinghausen recourt sans succès contre la décision du DETEC au Tribunal administratif fédéral.

Elle forme alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur l’évaluation des atteintes à l’environnement et sur la qualification du projet au regard de la limitation des émissions.

Droit

L’autorité compétente doit examiner la compatibilité d’un projet avec les dispositions en matière d’environnement (art.Lire la suite

L’imposition privilégiée des réserves latentes à la suite d’une réévaluation comptable (art. 37b LIFD)

ATF 150 II 265 | TF, 24.04.2024, 9C_680/2022*

Le bénéfice de liquidation issu d’une réévaluation comptable d’actifs immobilisés peut être soumis à l’imposition privilégiée au sens de l’art. 37b al. 1 LIFD.

Faits

Deux associés exploitent, dans une activité lucrative indépendante, une société en nom collectif. Les associés décident de cesser leur activité d’indépendant et transforment leur société en société anonyme. Avant cette transformation, des actifs immobilisés font l’objet d’une réévaluation comptable, ce qui génère un bénéfice d’environ CHF 175’000.

Chacun des associés demande, dans sa déclaration fiscale, une imposition séparée du bénéfice de liquidation (imposition privilégiée) en raison de la cessation de son activité d’indépendant engendrée par la transformation en société anonyme.

L’Office d’impôt refuse d’inclure le montant résultant de la réévaluation comptable dans le bénéfice de liquidation. Il taxe ainsi ce montant en tant que revenu ordinaire. Sur réclamation, l’Administration cantonale des impôts admet la qualification des montants en tant que bénéfice de liquidation soumise à l’imposition privilégiée. Le Tribunal cantonal vaudois confirme cette décision.

L’Administration fédérale des contributions (AFC) forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le bénéfice issu d’une réévaluation comptable d’actifs immobilisés peut être soumis à l’imposition privilégiée selon l’art.Lire la suite

La procédure de rappel d’impôt dans un rapport intercantonal

ATF 150 II 73 | TF, 21.11.2023, 9C_14/2023*

Le principe posé dans l’ATF 139 I 64 de la déchéance du droit du canton de domicile « secondaire » de procéder, après sa taxation définitive, à un rappel d’impôt sur la base de la taxation principale du canton de domicile « principal » doit être abandonné (revirement de jurisprudence).

Faits

Une société dont le siège est à Zurich dispose d’une succursale à Genève. Entre 2012 et 2015, l’Administration fiscale du canton de Genève (AFC-GE) impose la société aux impôts cantonaux et communaux.

En 2016, l’Administration fiscale du canton de Zurich (AFC-ZH) taxe la société et informe l’AFC-GE qu’elle a procédé à des corrections dans le bénéfice imposable et dans la répartition intercantonale de la contribuable.

Après avoir reçu copie des taxations de l’AFC-ZH, l’AFC-GE ouvre une procédure en rappel d’impôt et soustraction à l’encontre de la société. Par la suite, l’AFC-GE notifie les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende en fixant une nouvelle part du bénéfice et du capital imposable à Genève.

Le Tribunal administratif de première instance rejette le recours de la contribuable. La Cour de justice admet le recours de la contribuable et annule les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende.… Lire la suite

La qualité pour recourir des associations professionnelles contre une décision d’adjudication de gré à gré

ATF 150 I 123 | TF, 07.02.2024, 2C_196/2023*

En matière de marchés publics, une association professionnelle qui souhaite recourir contre une décision d’adjudication de gré à gré, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, doit rendre plausible qu’une majorité ou un grand nombre de ses membres seraient à la fois aptes et disposés à soumissionner pour le marché en cause.

Faits

La Direction générale des immeubles et du patrimoine de l’Etat de Vaud (DGIP) lance un concours de projets pour le Gymnase du Chablais. Les lauréats du concours sont désignés. Par la suite, la DGIP adjuge de gré à gré la construction d’un autre gymnase, à savoir le Gymnase d’Echallens, aux lauréats du concours du Gymnase du Chablais.

Deux associations professionnelles composées d’architectes et d’ingénieurs forment un recours au Tribunal cantonal vaudois contre les décisions d’adjudication de gré à gré de la DGIP. Le Tribunal cantonal déclare le recours irrecevable au motif que les associations n’ont pas la qualité pour recourir. Les associations forment alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la qualité pour recourir des associations professionnelles contre une décision d’adjudication de gré à gré.

Droit

La recevabilité du recours en matière de marchés publics suppose notamment que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (art.Lire la suite