Publications par Quentin Cuendet

L’accès aux informations relatives à un produit défectueux

ATF 146 II 265 | TF, 07.04.2020, 1C_299/2019*

Les art. 10 al. 4 et 12 de la Loi sur la sécurité des produits (LSPro) ne constituent pas des dispositions spéciales au sens de l’art. 4 LTrans. Ils ne font donc pas obstacle à ce que l’autorité fournisse à un particulier, sur demande, des informations relatives à un produit défectueux n’ayant pas fait l’objet d’un avertissement.

Faits

Un particulier sollicite auprès du Bureau de prévention des accidents (BPA) l’accès aux résultats d’un contrôle des règles de sécurité portant sur des tables à langer. Les informations relatives à des produits gravement défectueux pour lesquels un avertissement avait été émis par le Bureau fédéral de la consommation lui sont transmises dans leur intégralité. En revanche, malgré les recommandations du Préposé fédéral à la protection des données faisant suite à une procédure de conciliation, le BPA se refuse à fournir une version non caviardée des informations relatives à cinq produits défectueux, mais n’ayant pas fait l’objet d’un avertissement.

Son recours au Tribunal administratif fédéral ayant été rejeté (arrêt A-5623/2017 du 2 mai 2019), le particulier dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la Loi sur la sécurité des produits (LSPro) – applicable au contrôle des produits par l’administration – permet de restreindre le droit d’accès aux informations litigieuses fondé sur la LTrans.… Lire la suite

La validité de l’autorisation de procéder délivrée par une autorité de conciliation incompétente à raison du lieu

ATF 146 III 265TF, 17.03.2020, 4A_400/2019*

Le défendeur qui participe à la procédure de conciliation sans remettre en question la compétence ratione loci de l’autorité de conciliation ne peut plus invoquer par la suite la question de l’incompétence de cette autorité. En revanche, lorsque le défendeur fait défaut lors de la conciliation ou conteste, dans le cadre de celle-ci, la compétence ratione loci de l’autorité de conciliation, il peut contester la validité de l’autorisation de procéder lors de la procédure au fond et exiger que la conciliation soit répétée. 

Faits

Après une tentative de conciliation infructueuse, une société dépose une demande en paiement dirigée contre une deuxième société devant un tribunal neuchâtelois en se fondant sur une clause de prorogation de for. Une troisième société est appelée en cause.

Le tribunal neuchâtelois se déclare incompétent à raison du lieu, de sorte qu’une nouvelle demande est déposée devant un tribunal bernois. Par décision incidente, ce dernier la déclare recevable malgré l’absence d’autorisation de procéder délivrée par une autorité compétente. La Cour suprême du canton de Berne ayant admis l’appel formé contre cette décision incidente par la défenderesse et l’appelée en cause, la société demanderesse recourt auprès du Tribunal fédéral, concluant à ce que son action devant le tribunal bernois soit déclarée recevable.… Lire la suite

Le signalement dans le SIS ordonné pour la première fois en appel

ATF 146 IV 172TF, 08.04.2020, 6B_572/2019*

Le signalement d’une expulsion dans le Système d’information Schengen (SIS) ordonné pour la première fois en appel ne viole pas l’interdiction de la reformatio in pejus. Le tribunal d’appel doit toutefois indiquer au prévenu qu’il envisage d’ordonner un tel signalement. À défaut, il viole son droit d’être entendu.

Faits

Une expulsion fondée sur l’art. 66a CP est prononcée en première instance contre un prévenu. Le jugement est attaqué devant le Tribunal cantonal du canton de Soleure, qui rejette l’appel et ordonne en sus que l’expulsion soit signalée dans le Système d’information Schengen (SIS). Le prévenu recourt devant le Tribunal fédéral, qui est notamment amené à examiner si le signalement dans le SIS ordonné en appel viole l’interdiction de la reformatio in pejus.

Droit

Après avoir rejeté les griefs du prévenu relatifs à la fixation de la peine, le Tribunal fédéral aborde la question du signalement dans le SIS.

L’art. 24 du Règlement (CE) No 1987/2006 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (Règlement SIS II) énumère les hypothèses dans lesquelles un signalement peut être introduit dans le SIS. Un tel signalement est notamment possible lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers – comme en l’espèce le prévenu – a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, de renvoi ou d’expulsion qui n’a pas été abrogée ni suspendue, et qui comporte ou est assortie d’une interdiction d’entrée ou de séjour (art.Lire la suite

La détention pour des motifs de sûreté en vue d’une décision judiciaire ultérieure indépendante

ATF 146 I 115TF, 31.03.2020, 1B_111/2020*

Nonobstant l’arrêt CourEDH, 03.12.19, Affaire I.L. c. Suisse (requête no. 72939/16), le Tribunal fédéral considère que l’application par analogie des art. 221 et 229 ss CPP pour ordonner une détention pour des motifs de sûreté en vue d’une décision judiciaire ultérieure indépendante est conforme à l’art. 5 par. 1 CEDH.

Faits

Une personne est condamnée à une mesure thérapeutique institutionnelle. Dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure indépendante (art. 363 ss CPP), le service valaisan compétent demande la prolongation de cette mesure auprès du Tribunal d’application des peines et mesures. Ce dernier sollicite et obtient du Tribunal des mesures de contrainte la mise en détention du condamné pour des motifs de sûreté.

Cette ordonnance ayant été confirmée par le Tribunal cantonal valaisan, le condamné dépose un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel est essentiellement amené à examiner la conformité de cette détention avec l’art. 5 par. 1 CEDH.

Droit

À défaut de base légale expresse, la détention pour des motifs de sûreté ne peut être ordonnée dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure indépendante que par application analogique des art. 221 et 229 ss CPP.… Lire la suite

L’effet suspensif du recours dirigé contre une ordonnance de disjonction

TF, 26.03.2020, 1B_54/2020

Le refus d’octroyer l’effet suspensif à un recours cantonal dirigé contre une ordonnance de disjonction n’est pas susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF. En cas d’admission du recours cantonal, le prévenu conserve en effet la possibilité d’invoquer l’art. 147 al. 4 CPP pour faire valoir la violation de ses droits de participation.

Faits

Dans le but de mettre en œuvre une procédure simplifiée, le Ministère public du canton de Genève disjoint la procédure instruite contre un prévenu de celle dirigée contre d’autres prévenus. L’un d’eux conteste cette ordonnance auprès de la Chambre pénale de recours du canton de Genève, laquelle refuse d’octroyer l’effet suspensif. Ce refus fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral, qui est amené à se pencher sur la question du risque de préjudice irréparable.

Droit

La décision refusant l’octroi de l’effet suspensif a une nature incidente et ne peut faire l’objet d’un recours que si elle est susceptible de causer un dommage irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). En matière pénale, il doit s’agir d’un préjudice de nature juridique ne pouvant pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 143 IV 175, résumé in LawInside.ch/398/Lire la suite