La compétence ratione materiae du juge de la prévoyance professionnelle (art. 73 LPP)

TF, 24.06.2025, 4A_301/2024*

Lorsqu’un assuré prétend au remboursement de ses primes au titre d’un enrichissement illégitime, pour un contrat d’assurance de prévoyance liée avec libération du paiement des primes en cas d’incapacité de gain par suite de maladie ou d’accident, le tribunal compétent à raison de la matière est défini par l’art. 73 al. 1 let. b LPP. Le fait que les contrats d’assurance de prévoyance liée soient matériellement régis par la LCA et le CO n’a pas d’incidence à cet égard.

Faits

En 2001, un musicien conclut un contrat de prévoyance liée d’une durée de 19 ans. En 2006, il sollicite une modification de sa police d’assurance. Le 26 juin 2006, la société d’assurances fait parvenir à l’assuré un avenant à sa police d’assurance. Celui-ci prévoit la suppression de la garantie complémentaire de libération des primes en cas d’incapacité de travail à compter du 1er mai 2006 et l’abaissement de sa prime. L’assuré ne conteste pas cet avenant et s’acquitte des primes modifiées pendant plus de 10 ans.

En mars 2016, après avoir été informée par l’assuré qu’il bénéficiait d’une rente entière de l’assurance-invalidité depuis le mois de juillet 2003, la société d’assurances refuse de verser une prestation d’incapacité de gain et d’entrer en matière sur la question de la libération des primes. La société d’assurances se réfère à l’avenant du 26 juin 2006. L’assuré invoque alors un vice du consentement. La société d’assurance invoque quant à elle la réticence relativement à la police de prévoyance litigieuse.

L’assuré dépose une demande en paiement auprès du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne, à titre de remboursement des primes acquittées entre le 1er mai 2003 et le 31 décembre 2019 (CHF 64’880). Lors de l’audience de plaidoiries finales, la société d’assurances met en doute la compétence ratione materiae du Tribunal. Ce dernier admet sa compétence, estimant que le fondement de la demande repose davantage sur le droit des obligations, malgré le contrat de prévoyance liée conclu entre les parties. La Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud admet l’appel de la société d’assurance et déclare la demande irrecevable dans la mesure où elle était dirigée contre la société d’assurances.

L’assuré forme alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral, lequel est en particulier amené à déterminer la compétence ratione materiae pour connaître de la demande de l’assuré.

Droit

L’art. 73 al. 1 1ère phrase LPP dispose que chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit.

La compétence des autorités visées par l’art. 73 LPP est d’abord définie quant à la nature du litige. Il faut que celui-ci porte sur des questions propres à la prévoyance professionnelle, telles que les questions relatives aux prestations d’assurance, aux prestations de libre passage ou aux cotisations.

La compétence des autorités visées par l’art. 73 LPP est également définie par les parties pouvant être liées à la contestation, à savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit. Depuis le 1er janvier 2005, la compétence du tribunal cantonal de dernière instance s’étend également aux contestations avec des institutions lorsque ces contestations résultent de l’application de l’art. 82 al. 2 LPP (art. 73 al. 1 let. b LPP). Ainsi, bien que les contrats de prévoyance liée soient matériellement régis par la LCA et le CO, les contestations résultant de leur application, et qui opposent les ayants droit, les établissements d’assurance ou les fondations bancaires, relèvent de la compétence matérielle des tribunaux de la prévoyance professionnelle.

Le litige qui oppose le recourant et la société d’assurances porte sur un contrat d’assurance de prévoyance liée se rattachant au pilier 3a, à savoir une autre forme de prévoyance au sens de l’art. 82 LPP. Or, le législateur a précisément étendu la compétence de l’autorité cantonale aux contestations relatives à la prévoyance liée et à ses participants à l’art. 73 al. 1 let. b LPP, qui renvoie directement à l’art. 82 al. 2 LPP. Le fait que les contrats d’assurance de prévoyance liée soient matériellement régis par la LCA et le CO n’a donc aucune incidence à cet égard.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral relève que, bien que le présent litige concerne le remboursement de primes que l’assuré estime avoir payées à tort (art. 62 ss CO) et non pas le versement de rentes ou d’un capital auxquels l’assuré estime avoir droit (art. 3 OPP 3), le fait générateur de la prétention du recourant réside dans un contrat d’assurance liée. En effet, l’issue du litige dépend de la validité du contrat.

Au regard de ces éléments, les juges cantonaux n’ont pas violé le droit fédéral en considérant que le présent litige relevait de l’art. 73 al. 1 let. b LPP. C’est donc à bon droit qu’ils ont déclaré la demande du recourant irrecevable.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, La compétence ratione materiae du juge de la prévoyance professionnelle (art. 73 LPP), in: https://lawinside.ch/1651/