La violation de l’art. 29 LLCA

TF, 06.11.2024, 2C_144/2024*

Avant d’ouvrir une procédure disciplinaire contre un·e avocat·e ressortissant·e d’un État membre de l’UE ou de l’AELE exerçant de manière permanente en Suisse sous son titre d’origine, l’autorité de surveillance doit informer l’autorité compétente de l’État de provenance en application de l’art. 29 LLCA. La violation de cette disposition n’entraîne toutefois pas la nullité de la décision en cause, mais son annulation.

Faits

Un avocat est inscrit au registre des avocats du Brésil, à celui du Portugal ainsi qu’au tableau genevois des avocats membres de l’UE/AELE.

Suite à une dénonciation, la Commission du barreau prononce un avertissement à l’encontre de l’avocat pour violation de son devoir de diligence. Il ressort de l’instruction que, lors de plusieurs audiences où l’intéressé œuvrait comme défenseur d’office, des magistrats avaient constaté qu’il ne maîtrisait pas suffisamment bien le français.

La Chambre administrative de la Cour de justice genevoise rejette le recours de l’avocat contre la décision de la Commission du barreau.

Par la voie d’un recours en matière de droit public, l’avocat saisit le Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si l’absence d’information de l’autorité compétente de l’État de provenance de l’intéressé avant l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre doit conduire à l’annulabilité ou à la constatation de la nullité de la décision en cause.

Droit

Selon l’art. 29 al. 1 LLCA, avant d’ouvrir une procédure disciplinaire contre un avocat ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE exerçant de manière permanente en Suisse sous son titre d’origine, l’autorité de surveillance informe l’autorité compétente de l’État de provenance. Cette information doit permettre, le cas échéant, à l’autorité en question de déposer des observations (art. 29 al. 2 LLCA).

En l’espèce, il n’est pas contesté que la Commission du barreau a omis de prendre contact avec l’autorité compétente portugaise. Cette dernière n’a donc pas eu l’opportunité de faire des observations en amont de la procédure disciplinaire. La violation de l’art. 29 LLCA n’est donc pas discutée. La question qui se pose est celle de savoir si cette violation est suffisamment grave pour justifier la nullité de la décision attaquée, ou si le régime de l’annulabilité doit prévaloir.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’il n’y a lieu d’admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, que de manière exceptionnelle. Les circonstances doivent être telles que le système d’annulabilité n’est manifestement pas à apte à protéger les intérêts en cause. Le vice en question doit donc être particulièrement grave et manifeste (ou du moins facilement décelable). Par ailleurs, la constatation de la nullité ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit.

L’information à l’autorité compétente de l’État de provenance afin qu’elle puisse déposer des observations ne possède qu’un caractère formel, selon le Message du 28 avril 1999 concernant la LLCA. En effet, l’autorité étrangère n’endosse alors qu’un rôle consultatif. L’absence d’information ne constitue ainsi pas un vice suffisamment grave pour que la décision en cause soit nulle. En revanche, elle doit être annulée.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours, annule l’arrêt entrepris et renvoie la cause à la Commission du barreau (cf. art. 107 al. 2 LTF in fine), afin qu’elle rende une nouvelle décision dans le respect de l’art. 29 LLCA.

Proposition de citation : Camille de Salis, La violation de l’art. 29 LLCA, in: https://lawinside.ch/1526/