La conversion d’un appel principal en appel joint

ATF 147 IV 36 | TF, 15.09.2020, 6B_895/2019*

Un appel principal ne peut être converti en appel joint que dans le délai de 20 jours prévu à l’art. 400 al. 3 let. b CPP.

L’existence simultanée d’un appel principal et d’un appel joint de la même partie ayant le même objet est exceptionnellement admise lorsque la recevabilité de l’appel principal est douteuse. Il n’est alors tenu compte de l’appel joint que si l’appel principal est déclaré irrecevable.

Faits

Le Tribunal d’arrondissement de Laufenburg (Argovie) condamne un prévenu pour diverses infractions. Celui-ci déclare faire appel de plusieurs points du jugement, tout comme plusieurs parties plaignantes.

Par la suite, le Ministère public argovien déclare un appel joint relatif à l’appel principal du prévenu. Le prévenu, quant à lui, déclare un appel joint – dont les conclusions sont identiques à celles de son appel principal – relatif à l’appel principal des parties plaignantes.

Enfin, le prévenu déclare ultérieurement retirer son appel principal, tout en maintenant l’essentiel de son appel joint. Ce dernier est déclaré recevable par le Tribunal cantonal argovien, qui y fait partiellement droit.

Le Ministère public, considérant que l’appel joint aurait dû être déclaré irrecevable, introduit un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à déterminer les conditions régissant la conversion d’un appel principal en appel joint.

Droit

Les parties peuvent déclarer un appel joint par écrit dans les 20 jours à compter de la réception de la déclaration d’appel (art. 400 al. 3 let. b CPP). Si l’appel principal est retiré ou fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière, l’appel joint est caduc (art. 401 al. 3 CPP).

La doctrine considère qu’une partie ne peut en principe pas introduire un appel et un appel joint ayant le même objet. Cette opinion est approuvée par le Tribunal fédéral, qui avait laissé la question ouverte dans l’ATF 141 II 302 relatif à l’appel joint en matière civile. Par analogie avec l’art. 403 CPP, l’appel joint est donc irrecevable en présence d’un appel principal recevable ayant le même objet.

Le Tribunal fédéral précise que la coexistence d’un appel principal et d’un appel joint ayant le même objet peut malgré tout être exceptionnellement admise lorsqu’il existe un doute quant à la recevabilité de l’appel principal. Dans cette hypothèse, il n’est pas tenu compte de l’appel joint tant que l’appel principal n’a pas été déclaré irrecevable. Un tel cas de figure n’est toutefois pas donné en l’espèce, puisque l’appel principal du prévenu n’a pas été déclaré irrecevable, mais retiré par lui.

La doctrine admet par ailleurs la possibilité de convertir un appel principal en appel joint dans le délai de 20 jours prévu à l’art. 400 al. 3 let. b CPP. Le Tribunal fédéral constate en revanche – contrairement à la position exprimée par le prévenu dans sa réponse au recours – qu’il n’existe aucun intérêt digne de protection à la conversion d’un appel principal en appel joint en dehors de ce délai.

En particulier, ne constitue pas un intérêt digne de protection la possibilité, en application de l’art. 401 al. 3 CPP, de rendre caduc l’appel joint – en l’espèce celui du ministère public – qui était attaché à l’appel principal converti en appel joint. D’une part, le Tribunal fédéral considère qu’il est douteux que l’art. 401 al. 3 CPP s’applique à une telle situation. D’autre part, même si tel était le cas, cela ne fonderait pas un intérêt légitime à la conversion d’un appel principal en appel joint en dehors du délai de l’art. 400 al. 3 let. b CPP.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours du Ministère public en ce sens que l’appel joint du prévenu aurait dû être déclaré irrecevable.

Le Tribunal fédéral souligne toutefois qu’aucune décision de principe relative à cette question n’existait au moment de la procédure devant le Tribunal cantonal. Dans ces conditions, il serait trop formaliste de priver le prévenu de tout appel ; la cause est donc renvoyée à l’instance précédente afin qu’elle invite le prévenu à lui indiquer s’il entendait réellement retirer son appel principal.

Proposition de citation : Quentin Cuendet, La conversion d’un appel principal en appel joint, in: https://lawinside.ch/989/