La renonciation à l’immobilisation des loyers et fermages
ATF 145 III 495 | TF, 09.10.2019, 5A_614/2019*
Sous réserve de la volonté contraire du créancier gagiste, l’indication que « la gérance légale n’est pas requise » dans la réquisition de poursuite en réalisation du gage immobilier n’emporte pas renonciation définitive à l’immobilisation des loyers et fermages.
Faits
Une banque initie une poursuite en réalisation d’un gage immobilier contre son débiteur. Dans la réquisition de poursuite, elle indique que la « gérance légale n’est pas requise ».
Le poursuivi agit en libération de dette. La banque requiert alors l’extension du droit de gage aux loyers et fermage de l’immeuble grevé. L’office des poursuites compétent fait droit à sa demande et informe le poursuivi qu’il encaissera les loyers et fermages jusqu’à l’issue de l’action en libération de dette.
Le débiteur forme plainte contre cet avis. L’instance cantonale compétente rejette sa plainte. Cette décision est confirmée en seconde instance.
Le poursuivi forme recours devant le Tribunal fédéral. Il s’agit de déterminer si, en indiquant dans sa réquisition de poursuite que la gérance légale n’était pas requise, la créancière a définitivement renoncé à l’extension de son droit de gage aux loyers et fermages.
Droit
L’art. 806 al. 1 CC prévoit que le gage grevant un immeuble comprend les loyers ou fermages qui courent depuis le début de la poursuite en réalisation de gage jusqu’à la réalisation de celui-ci. Sur le plan procédural, il appartient au créancier de requérir l’extension du droit de gage aux loyers et fermages (art. 152 al. 2 LP et art. 91 al. 1 ORFI).
Le créancier gagiste peut valablement renoncer à ce que son droit de gage s’étende aux loyers et fermages. Cela étant, à teneur de jurisprudence (ATF 121 III 187), il n’est pas tenu de requérir l’immobilisation des loyers et fermages lors de l’introduction de la poursuite, mais peut le faire ultérieurement (par exemple en requérant la vente de l’immeuble, art. 101 al. 1 ORFI). Partant, une renonciation dans la réquisition de poursuite n’empêche pas le créancier de solliciter ultérieurement l’extension de son droit de gage aux loyers et fermage, sauf si une renonciation définitive correspond à la volonté réelle du créancier.
En l’espèce, l’instance précédente n’a pas constaté qu’en indiquant dans sa réquisition de poursuite ne pas solliciter la gérance légale, la banque aurait voulu renoncer irrévocablement à l’immobilisation des loyers et fermages. Une telle volonté n’est pas manifeste. La banque a requis l’extension du gage aux loyers et fermages lorsqu’elle a appris l’ouverture d’une action en libération de dette par son débiteur, ce qui n’apparaît pas non plus contradictoire au sens d’un abus de droit.
C’est donc à bon droit que l’instance précédente a rejeté la plainte du poursuivi contre l’immobilisation des loyers. Le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La renonciation à l’immobilisation des loyers et fermages, in: https://lawinside.ch/858/