La nécessité d’obtenir l’accord de la FINMA pour divulguer une décision

ATF 141 I 201 TF, 28.08.2015, 2C_1058/2014*

Faits

La FINMA rend une décision à l’encontre d’une banque sur les exigences organisationnelles en lien avec la clientèle américaine. Selon la décision, la banque doit mettre fin aux relations d’affaires entretenues avec une certaine catégorie de clients américains. En outre, la banque a l’interdiction de divulguer la décision à des tiers ou la rendre accessible sans l’accord de la FINMA.

La banque saisit le Tribunal administratif fédéral en limitant l’objet de son recours à l’obligation d’obtenir l’approbation de la FINMA pour divulguer la décision. Le Tribunal administratif fédéral donne raison à la banque en retenant qu’une telle mesure est dénuée de base légale et qu’elle est contraire au principe de proportionnalité. La FINMA forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral est amené à se prononcer sur la question de savoir si la FINMA est en droit d’interdire à une banque soumise à surveillance de divulguer une décision qui lui est adressée sans son accord. En particulier, il convient d’examiner si la nécessité d’obtenir cet accord est fondée sur une base légale.

Droit

Il découle de la liberté de correspondance (art. 13 Cst.) et d’information (art. 16 Cst.) que la banque a en principe le droit de divulguer les décisions prises à son encontre sans avoir à demander une autorisation préalable. Selon l’art. 36 al. 1 Cst., la restriction de cette liberté doit reposer sur une base légale. Plus la restriction est grave, plus la densité normative et le rang de la base légale doivent être élevés. En l’occurrence, une interdiction de divulguer la décision sans limitation de durée est une restriction grave à la liberté d’information et doit par conséquent figurer expressément dans une base légale formelle.

Les art. 14, 22 al. 2 et 4, 40 et 42 al. 2 LFINMA interdisent en principe à la FINMA de divulguer des informations concernant ses propres décisions. La question est de savoir si ces dispositions constituent une base légale suffisante pour permettre à la FINMA d’imposer cette même interdiction à la banque. Selon le Tribunal fédéral, ces dispositions s’adressent au personnel et aux organes de la FINMA et non à la banque. Tel est également le cas de la violation du secret de fonction (art. 320 en lien avec l’art. 110 al. 3 CP) qui constitue un délit propre pur. Il ressort certes du secret de fonction que la FINMA est tenue d’éviter la divulgation de données secrètes. Dans l’hypothèse où la FINMA doit transmettre des informations confidentielles, elle peut y procéder selon l’art. 42 al. 2 LFINMA à la condition que ces informations ne soient pas transmises plus loin, ceci afin de garantir le respect du secret de fonction. Cette disposition concerne cependant l’assistance administrative avec les autorités étrangères et ne constitue pas une base légale suffisante pour imposer à la banque l’obligation de demander l’accord préalable de la FINMA pour divulguer la décision qui lui est adressée.

Selon l’art. 29 al. 1 LFINMA, les assujettis à la surveillance de la FINMA doivent lui fournir les renseignements et les documents nécessaires à l’accomplissement de ses tâches. Ces renseignements peuvent contenir des données personnelles de personnes qui ne sont pas directement soumises à la surveillance de la FINMA ou qui n’ont pas la qualité de partie dans une procédure de surveillance. Sur la base de l’art. 23 al. 1 LFINMA, la FINMA est en droit de travailler avec ces données personnelles et de les prendre en considération dans sa décision. Cependant, si de telles données parviennent au public, la FINMA est tenue responsable du fait que la transmission de ces données a eu lieu sans base légale ni consentement écrit de la personne concernée. La FINMA est aussi tenue de motiver ses décisions, de sorte que le risque existe que des données confidentielles de personnes qui ne sont pas parties à la procédure y figurent. Par conséquent, l’intérêt à la protection des données soumises au secret de fonction dans une décision est en contradiction avec l’intérêt du destinataire de la décision de pouvoir librement la divulguer à des tiers. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral retient qu’il est possible de diminuer l’exigence de motivation de la décision afin de limiter la divulgation des informations. La motivation de la décision peut se limiter aux faits essentiels. Les données confidentielles doivent être contenues dans la décision si elles sont essentielles à la compréhension des motifs de la décision. Dans ce cadre, il n’est pas possible d’interdire au destinataire de la décision de la divulguer sans base légale formelle expresse, et ce, même si des données confidentielles sont dévoilées.

La FINMA prétend que les dispositions légales régissant les marchés financiers, prises dans leur ensemble, codifient un devoir de confidentialité publique. Partant, elles constitueraient une base légale formelle suffisante pour imposer le devoir à la banque de demander l’accord préalable de la FINMA pour divulguer la décision. Le Tribunal fédéral rappelle que ces normes doivent être formulées de manière assez précise pour que le citoyen puisse adapter son comportement et en déterminer les conséquences avec un certain degré de certitude. Or, la FINMA n’a pas démontré dans quelle mesure la personne concernée peut, sur la base de l’ensemble des normes de la LFINMA, reconnaître de manière concrète l’exigence d’un accord de la FINMA pour divulguer une décision. Partant, l’ensemble des normes de la LFINMA n’a pas une densité normative suffisante permettant de justifier la restriction grave des libertés fondamentales de la banque.

Pour l’ensemble de ces raisons, il n’existe pas de base légale permettant à la FINMA d’imposer à un administré soumis à surveillance d’obtenir une autorisation afin divulguer une décision qui lui est adressée. Le recours de la FINMA est ainsi rejeté.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La nécessité d’obtenir l’accord de la FINMA pour divulguer une décision, in: https://lawinside.ch/81/