La transmission spontanée de données personnelles relevant d’une procédure pénale
ATF 145 IV 80 | TF, 27.12.2018, 6B_91/2018*
L’art. 96 CPP permet la transmission spontanée par l’autorité pénale de données personnelles issues de la procédure pénale aux autorités administratives ou civiles dans les limites de l’art. 101 al. 2 CPP, c’est-à-dire lorsqu’aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s’y oppose.
Faits
Lors d’une enquête pénale, le Ministère public met sous séquestre CHF 7’000 que le prévenu a gagné deux jours avant au casino. Constatant que le registre des poursuites du prévenu contient plusieurs actes de défaut de biens, le Ministère public informe l’Office des poursuites de l’argent séquestré. Sur demande de celui-ci, le Ministère public transfère l’argent séquestré à l’Office qui l’inclut dans la procédure de saisie concernant le prévenu.
Contre cette décision du Ministère public de transférer l’argent à l’Office des poursuites, le prévenu recourt auprès de l’Obergericht de Zurich, recours qui est rejeté (pour la décision cantonale, voir Beschluss des Obergerichts vom 5. Dezember 2017, UH170287-O/U/TSA). Par la suite, le prévenu recourt au Tribunal fédéral et demande le transfert des CHF 7’000 à son avocat.
Le Tribunal fédéral est amené à trancher la question de savoir si le droit de divulguer des données personnelles pour permettre leur utilisation dans une « autre procédure pendante » prévu à l’art. 96 CPP se réfère uniquement à la transmission de données aux autorités pénales ou aussi aux autorités civiles ou administratives traitant d’une procédure pendante.
Droit
L’art. 96 CPP prévoit que l’autorité pénale peut divulguer des données personnelles relevant d’une procédure pénale pendante pour permettre leur utilisation dans le cadre d’une autre procédure pendante lorsqu’il y a lieu de présumer que ces données contribueront dans une notable mesure à l’élucidation des faits.
Le Tribunal fédéral analyse cette disposition en se référant aux quatre méthodes d’interprétation. Selon la lettre de la loi et les travaux préparatoires, il n’est pas possible d’exclure d’emblée la possibilité de transmettre les informations d’une procédure pénale à des autorités civiles ou administratives. Selon la systématique de la loi, l’art. 96 CPP est à lire en relation avec les autres dispositions du Code de procédure pénale portant sur l’entraide nationale, telles que l’art. 101 al. 2 CPP. Selon cette disposition, d’autres autorités peuvent consulter le dossier lorsqu’elles en ont besoin pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative pendante et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.
Le Code de procédure pénale prévoit donc une ample communication entre les autorités pénales, civiles et administratives – sous réserve d’intérêts de confidentialité prépondérants.
Dès lors, en suivant l’opinion de la doctrine majoritaire, le Tribunal fédéral considère que l’art. 96 CPP permet, d’une part, l’échange de données entre les différentes autorités pénales, et, d’autre part, également leur transfert aux autorités civiles et administratives, à condition que ces données puissent contribuer dans une mesure notable à l’élucidation des faits dans le cadre d’une procédure pendante (pénale, civile ou administrative) et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.
Par conséquent, la transmission spontanée de données personnelles par le Ministère public à l’Office de poursuite est admissible en l’espèce. Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Francesca Borio, La transmission spontanée de données personnelles relevant d’une procédure pénale, in: https://lawinside.ch/718/