La validité d’une clause arbitrale pathologique
Faits
Une fondation de droit néerlandais conclut un contrat avec une société de droit américain. Le contrat contient la clause suivante :
« This agreement shall be interpreted in accordance with and governed in all respects by the provisions and statutes of the International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland and subsidiary by the laws of Germany«Â
À la suite d’un litige, la fondation notifie une requête d’arbitrage au secrétariat de la Cour d’arbitrage de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Un Tribunal arbitral composé de trois arbitres est constitué et se penche sur sa propre compétence. Sur ce point, le Tribunal arbitral considère qu’il n’y a pas de clause arbitrale valable après avoir procédé à une interprétation subjective et objective du contrat. Il considère que cette clause se rapproche d’une élection de droit. Partant, le Tribunal arbitral se déclare incompétent.
La société forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral pour violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Elle soutient que le Tribunal arbitral s’est déclaré à tort incompétent.
Le Tribunal fédéral doit déterminer si la clause litigieuse peut être considérée comme une clause arbitrale valable au regard du droit suisse.
Droit
Pour qu’une clause arbitrale soit valable, l’art. 178 al. 2 LDIP prévoit qu’elle doit satisfaire aux « conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l’objet du litige et notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse » (favor validitatis).
Un des éléments essentiels de la clause arbitrale consiste au fait qu’elle soustrait la compétence d’une juridiction étatique quant à la résolution d’un litige et l’attribue à un tribunal arbitral.
Une clause arbitrale s’interprète selon les règles générales d’interprétation du contrat. Le tribunal doit d’abord rechercher la réelle et commune volonté des parties (interprétation subjective). S’il n’y parvient pas, il doit interpréter le contrat selon le principe de la confiance (interprétation objective). Lorsqu’il est clair que les parties ont souhaité soustraire aux tribunaux étatiques la compétence de résoudre un litige, le principe d’utilité impose de retenir la clause arbitrale pour valable, et ce, même si elle est pathologique, c’est-à -dire incomplète, peu claire ou contradictoire.
En l’espèce, le Tribunal fédéral ne peut interpréter la clause selon la réelle et commune volonté des parties, dès lors qu’il s’agit d’un procédé qui relève du domaine des faits. Quant à l’interprétation objective de la clause, le Tribunal fédéral considère qu’elle ne mène pas à un résultat différent de celui atteint par le Tribunal arbitral. Même si une convention d’arbitrage pourrait être valable sans référence aux termes « arbitrage », « tribunal arbitral, « arbitre ou « clause arbitrale », la clause litigieuse n’attribue pas, même indirectement, la compétence d’un tribunal arbitral pour la résolution d’un litige. D’après le Tribunal fédéral, la seule référence à l' »International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland » ne suffit pas à considérer que la clause constitue une clause arbitrale. Comme le dit le Tribunal arbitral, la clause se rapprocherait plutôt d’une clause d’élection de droit.
Le recours est ainsi rejeté.
Proposition de citation : Célian Hirsch, La validité d’une clause arbitrale pathologique, in: https://lawinside.ch/68/