La loi applicable au versement d’une contribution d’entretien à la suite d’un jugement de divorce étranger
ATF 144 III 368 | TF, 24.05.2018, 5A_481/2017*
En matière internationale, la loi applicable au versement d’une contribution d’entretien s’analyse au regard de la Convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (CLaH73). Lorsqu’un jugement de divorce a été rendu et que l’un des époux sollicite le versement d’une contribution d’entretien provisoire dans le cadre d’une procédure destinée à régler les effets accessoires du divorce, le droit applicable est celui du pays dans lequel le jugement de divorce a été rendu (art. 8 CLaH73).
Faits
Un tribunal tchèque prononce le divorce sans régler les effets accessoires de deux époux de nationalité tchèque. L’épouse est domiciliée en Suisse tandis que l’époux est domicilié en République tchèque.
L’épouse intente une action en Suisse afin que les effets accessoires du divorce soient réglés. Pour la durée de la procédure, elle sollicite comme mesure provisionnelle le versement d’une contribution d’entretien.
En application du droit suisse, les tribunaux cantonaux de première et deuxième instance reconnaissent le jugement tchèque et accordent à l’épouse à titre provisoire une contribution d’entretien.
L’époux forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur le droit applicable au versement d’une contribution d’entretien.
Droit
En raison du rapport d’extranéité, le droit applicable se détermine d’après la Convention de la Haye de 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires.
L’art. 4 CLaH73 prévoit que la « loi interne de la résidence habituelle du créancier d’aliments régit les obligations alimentaires ». À l’inverse, l’art. 8 CLaH73 dispose que, « par dérogation à l’art. 4, la loi appliquée au divorce régit, dans l’État contractant où celui-ci est prononcé ou reconnu, les obligations alimentaires entre époux divorcés ».
Les tribunaux cantonaux ont en l’espèce considéré que le droit suisse s’appliquait selon l’art. 4 CLaH73. Ils ont en effet retenu que l’art. 4 CLaH73 régissait la contribution d’entretien sur mesures provisionnelles tandis que l’art. 8 CLaH73 ne s’appliquait qu’à la fixation de la contribution d’entretien après divorce.
Le Tribunal fédéral rappelle que la procédure porte sur le règlement des effets accessoires du divorce, à la suite d’un jugement de divorce. Le droit applicable aux mesures provisoires est celui qui s’applique à la procédure réglant les effets accessoires du divorce.
En interprétant la lettre de l’art. 8 CLaH73, le Tribunal fédéral considère que cette disposition s’applique lorsqu’il convient de déterminer la loi applicable au règlement d’une contribution d’entretien dans une procédure destinée à régler les effets accessoires à la suite du divorce.
À l’inverse, l’art. 4 CLaH73 détermine le droit applicable à la contribution d’entretien dans le cas où les époux se sont séparés en vue du divorce mais que celui-ci n’est pas encore intervenu (art. 175 et 176 al. 1 ch. 1 CC).
En l’espèce, un jugement de divorce tchèque a été rendu, lequel a été reconnu par les instances cantonales. Par conséquent, c’est l’art. 8 CLaH73 qui détermine la loi applicable à la contribution d’entretien, quand bien même celle-ci intervient sur mesures provisionnelles dans une procédure destinée à régler les effets accessoires du divorce.
L’art. 8 CLaH73 prévoyant que c’est la loi appliquée au divorce qui régit les obligations alimentaires, le droit de l’épouse d’obtenir une contribution d’entretien s’analyse au regard du droit tchèque. C’est ainsi à tort que les instances cantonales ont appliqué le droit suisse.
Partant, le recours est admis et la cause est renvoyée à l’instance précédente.
Proposition de citation : Tobias Sievert, La loi applicable au versement d’une contribution d’entretien à la suite d’un jugement de divorce étranger, in: https://lawinside.ch/625/