La prise en compte de la valeur réelle d’un terrain lors de l’aliénation à une SA contrôlée par l’aliénateur (art. 12 LHID)
ATF 143 II 33 | TF, 12.12.2016, 2C_1081/2015*
Faits
Par contrat en forme authentique de mai 2011, le recourant vend à une SA qu’il contrôle une parcelle pour la somme de 59’860 francs. Le même jour, la SA, représentée par le recourant, vend la même parcelle à un tiers au prix de 164’000 francs. Dans la taxation définitive pour l’impôt sur les gains immobiliers 2011, l’administration fiscale thurgovienne retient un produit de 59’860 francs pour la vente de la parcelle. En tenant compte du prix d’achat et des autres dépenses d’investissements, elle qualifie la vente de déficitaire.
En 2013, l’administration fiscale cantonale ouvre à l’encontre du recourant une procédure de rappel d’impôt pour l’impôt sur les gains immobiliers 2011. Dans sa décision de rappel d’impôt du 8 août 2013, elle inscrit un produit de vente de 164’000 francs, duquel résulte un gain immobilier imposable de 103’900 francs. Après avoir saisi en vain toutes les instances cantonales compétences, le recourant forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’administration cantonale pouvait retenir un produit de vente de 164’000 francs même si le prix de vente du terrain était de 59’860 francs.
Droit
Le Tribunal fédéral rappelle tout d’abord que l’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable […], à condition que le produit de l’aliénation soit supérieur aux dépenses d’investissement (art. 12 LHID). La loi fiscale thurgovienne prévoit le prélèvement d’un impôt sur les gains immobiliers lors de sur l’aliénation de terrains dans la propriété privée de personnes physiques. Le gain immobilier est constitué du montant du produit qui dépasse les frais d’investissement (§ 131 al. 1 StG-TG). Le prix de vente ainsi que les autres prestations de l’acquéreur valent le produit de l’aliénation (§ 132 StG-TG).
Les juges notent ensuite la particularité du cas d’espèce, à savoir qu’il s’agit de l’aliénation d’un bien-fonds propriété privée du recourant à une SA qu’il contrôle et qui a vendu le terrain le même jour à une autre société pour un prix nettement plus élevé.
En principe, le prix de vente convenu est déterminant pour le calcul du produit de la vente. Toutefois, tel n’est pas le cas lorsque le prix convenu entre les parties n’a aucune signification. Un indice d’une telle situation est donné si, au moment de la conclusion du contrat, un déséquilibre manifeste entre la prestation convenue et la valeur objective du terrain existe. Le Tribunal fédéral souligne qu’il ne s’agit pas de toujours aller au-delà de la volonté contractuelle des parties et de qualifier l’acte de simulé et ainsi de lui dénuer tout effet sur le plan civil, mais seulement de dénier une signification à la réduction du prix.
Si, comme en l’espèce, un privé apporte un terrain à une société, cet apport en nature représente une aliénation, en principe soumise à l’impôt cantonal sur les gains immobiliers. Si l’actionnaire exige un prix pour le terrain qui est nettement inférieur au prix qu’auraient convenu des indépendants dans les mêmes circonstances, il s’agit d’un apport dissimulé de capital dans la mesure de la différence entre le prix de vente et la valeur réelle. En ce qui concerne l’impôt sur les gains immobiliers, le Tribunal fédéral estime que, lors d’apports inférieurs à la valeur réelle à une entreprise contrôlée par la personne aliénant, la valeur de la contre-prestation se compose de deux éléments : le prix de vente convenu et l’augmentation de valeur dissimulée de la participation privée provoquée par l’apport (dissimulé).
En l’espèce, le Tribunal fédéral estime que l’instance précédente a jugé à raison que le prix de vente n’avait pas de réelle signification. Elle n’a donc pas violé le droit fédéral en ajoutant la valeur de l’apport dissimulé au premier prix de vente et en tenant compte du deuxième prix de vente pour fixer le produit de l’aliénation déterminant. Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Camilla Jacquemoud, La prise en compte de la valeur réelle d’un terrain lors de l’aliénation à une SA contrôlée par l’aliénateur (art. 12 LHID), in: https://lawinside.ch/376/