Le recours contre une décision positive du juge d’appui
ATF 142 III 230 | TF, 25.02.2016, 4A_490/2015*
Faits
Deux sociétés avec siège en Suisse concluent un contrat dans lequel elles incluent une clause arbitrale. Celle-ci soumet tout litige en lien avec le contrat à un arbitre unique. Le siège de l’arbitrage est en Suisse.
Un litige survient au sujet du contrat. N’ayant pas réussi à s’accorder sur la désignation d’un arbitre, les parties saisissent le Bezirksgericht de Höfe pour qu’il nomme un arbitre, conformément à l’art. 362 CPC. Celui-ci nomme un arbitre unique. Contre cette décision, le défendeur à la procédure arbitrale forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral doit trancher la question de savoir si une voie de recours auprès du Tribunal fédéral est ouverte contre une décision positive du juge d’appui de nommer un arbitre.
Droit
Dans le cas d’espèce, on se trouve en présence d’un arbitrage interne, dès lors que les deux parties ont leur siège en Suisse et que le siège du tribunal arbitral est en Suisse (cf. art. 176 al. 1 LDIP a contrario). C’est donc le CPC et non pas la LDIP qui s’applique (art. 353 al. 1 CPC).
En vertu de l’art. 356 al. 2 let. a CPC, le canton du siège du tribunal arbitral désigne un tribunal, qui n’est pas un tribunal supérieur (contrairement au tribunal de l’art. 356 al. 1 CPC), et qui, en instance unique, nomme, récuse, destitue ou remplace des arbitres.
Le texte de l’art. 356 al. 2 CPC, précise que le juge d’appui statue en instance unique. Dans l’ATF 141 III 444 (cf. www.lawinside.ch/98/), le Tribunal fédéral a retenu qu’un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral est possible contre les décisions du juge d’appui qui refuse de nommer un arbitre, et ce, malgré le fait que le juge d’appui ne constitue pas un tribunal supérieur, contrairement à ce qu’exige l’art. 75 al. 2 LTF. Le recours en matière civile est donc ouvert contre une décision négative du juge d’appui.
En matière d’arbitrage interne, le Tribunal fédéral n’a pas encore eu à trancher la question de savoir si une décision positive du juge d’appui de nommer un arbitre peut faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral. À l’inverse, cette question a déjà été tranchée en matière d’arbitrage international. En effet, selon la jurisprudence, une décision positive du juge d’arbitre prise sur la base de l’art. 179 LDIP ne peut pas faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral (cf. ATF 115 II 294, c. 3, confirmé in ATF 121 I 81, c. 1b). Le but étant de garantir l’autonomie et la célérité du tribunal arbitral. Ainsi, la contestation de la composition du tribunal arbitral se fait au moment du recours contre la sentence arbitrale auprès du Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral transpose la jurisprudence en matière d’arbitrage international à l’arbitrage interne. Il retient donc que la décision positive du juge d’appui, fondée sur l’art. 362 CPC, de nommer un arbitre ne peut pas faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral. La partie qui souhaite contester la composition du tribunal arbitral doit attendre que celui-ci rendre une sentence, pour ensuite l’attaquer devant le Tribunal fédéral en invoquant l’irrégularité de la composition du tribunal arbitral (art. 393 let. a CPC).
Le Tribunal fédéral déclare donc le recours irrecevable.
Proposition de citation : Alborz Tolou, Le recours contre une décision positive du juge d’appui, in: https://lawinside.ch/210/