La compétence du juge unique pour le prononcé d’une expulsion et d’une peine pécuniaire (art. 19 al. 2 let. b CPP)
L’examen du respect de la limite maximale de deux ans de peine privative de liberté s’agissant de la compétence du juge unique (art. 19 al. 2 let. b CPP) ne doit pas se fonder sur l’ensemble des sanctions. La compétence du juge unique dépend uniquement de la durée de la peine privative de liberté requise ou prononcée. Elle s’étend donc également au prononcé d’une expulsion.
Faits
Le juge unique du Tribunal régional de l’Emmental-Haute Argovie condamne une personne à une peine privative de liberté de 23 mois et à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 30 francs, dans les deux cas avec un sursis de deux ans, ainsi qu’à une amende de 700 francs. Il prononce également une expulsion pour une durée de six ans avec inscription dans le Système d’information Schengen. Sur appel du condamné, la Cour suprême du canton de Berne confirme la décision attaquée.
Le condamné forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit se déterminer pour la première fois sur la question de savoir si une peine pécuniaire requise ou prononcée en même temps qu’une peine privative de liberté ainsi qu’une expulsion doivent être prises en compte dans le cadre de la limite supérieure de deux ans prévue à l’art. 19 al. 2 let. b CPP.
Droit
En substance, le recourant fait valoir que la première instance a outrepassé sa compétence en qualité de juge unique en prononçant une peine privative de liberté de 23 mois et une peine pécuniaire de 100 jours-amende. Il estime que c’est le tribunal collégial et non le juge unique qui était compétent en première instance dans la présente procédure en raison des deux peines prononcées.
Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’en ce qui concerne la question de savoir si la limite supérieure de deux ans de peine privative de liberté a été respectée, il ne faut pas restreindre l’examen à la peine effectivement prononcée par le juge unique. La compétence du juge unique se détermine d’abord en fonction de la requête que le ministère public lui adresse. Toutefois, dans la suite de la procédure, la compétence du juge unique dépend des sanctions qui entrent concrètement en ligne de compte.
En ce qui concerne le libellé de l’art. 19 al. 2 let. b CPP, le Tribunal fédéral retient que, pour la limite supérieure de deux ans de peine privative de liberté, il faut se baser uniquement sur sa durée, sans y inclure une éventuelle peine pécuniaire également requise par le ministère public ou prononcée cumulativement par le juge unique. En effet, contrairement à l’art. 352 al. 3 CPP relatif aux conditions de l’ordonnance pénale, l’art. 19 al. 2 let. b CPP ne prévoit pas de règle explicite sur la manière de procéder en cas de peine privative de liberté et de peine pécuniaire cumulées. Au vu du libellé de l’art. 19 al. 2 let. b CPP, la renonciation du législateur à prévoir une réglementation correspondante doit être comprise en ce sens qu’il ne faut pas considérer les sanctions dans leur ensemble, mais se baser uniquement sur la durée de la peine privative de liberté prononcée.
En l’espèce, le juge unique du tribunal régional a condamné le recourant à une peine privative de liberté de 23 mois, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende et à une amende de 700 francs. Ainsi, le juge unique n’a pas outrepassé sa compétence dès lors que la peine privative de liberté prononcée ne dépasse pas la limite maximale de 24 mois. Partant, le recours s’avère infondé sur ce point.
En outre, le recourant fait valoir que le juge unique a également outrepassé sa compétence en raison du prononcé à son encontre d’une expulsion pour une durée de six ans. Il estime qu’il n’est pas conforme à la volonté du législateur de confier une telle responsabilité à un juge unique.
Le Tribunal fédéral retient qu’un juge unique peut juger des contraventions ainsi que des crimes et les délits, à l’exception notamment de ceux pour lesquels le ministère public requiert une peine privative de liberté de plus de deux ans, un internement ou un traitement. Il ressort donc du texte clair de la loi que la compétence du juge unique s’étend en principe également au prononcé d’une expulsion. En outre, le fait que le législateur ait renoncé à compléter en conséquence l’art. 19 al. 2 let. b CPP lors de la mise en œuvre de l’ « initiative sur le renvoi » signifie qu’il est conforme à la volonté du législateur qu’un juge unique puisse également prononcer une expulsion. Par conséquent, le recours s’avère également infondé sur ce point.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, La compétence du juge unique pour le prononcé d’une expulsion et d’une peine pécuniaire (art. 19 al. 2 let. b CPP), in: https://lawinside.ch/1487/