La prise de conclusions principales au fond et l’acceptation tacite de compétence
Le défendeur qui conclut principalement au rejet au fond de l’action dans sa réponse, après voir contesté la compétence locale du tribunal par courrier requérant la limitation de la procédure à cette question, n’est pas réputé avoir accepté tacitement la compétence du tribunal.
Faits
En 2020, un investisseur domicilié en Arabie saoudite ouvre action, à Genève, à l’encontre d’une société sise à Zurich. Il conclut au paiement de plus de CHF 2,5 millions.
Par courrier d’août 2021, la société zurichoise conteste la compétence locale du tribunal de même que sa légitimation passive. Elle requiert de surcroît la limitation de la procédure à ces deux questions.
Dans sa réponse de novembre 2021, la société zurichoise conclut à la constatation de son défaut de légitimation passive à titre principal et de l’incompétence du tribunal à titre subsidiaire. Quelques mois plus tard, elle inverse l’ordre de ses conclusions, de manière que l’incompétence du tribunal soit constatée à titre principal et que son défaut de légitimation passive soit constaté à titre subsidiaire.
Par jugement de septembre 2022, le Tribunal de première instance déclare la demande irrecevable, faute de compétence locale. Sur appel de l’investisseur, la Cour de justice confirme cette décision. L’investisseur recourt contre cet arrêt au Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si la société zurichoise a accepté tacitement la compétence du tribunal genevois.
Droit
La Cour de justice a considéré que les juridictions zurichoises étaient localement compétentes pour connaître de l’affaire, dès lors que la société a son siège à Zurich (art. 2 LDIP). Cela étant, l’art. 6 LDIP prévoit que le tribunal devant lequel le défendeur procède au fond sans faire de réserve est compétent. Il peut toutefois décliner sa compétence aux conditions de l’art. 5 al. 3 LDIP.
L’acceptation tacite de la compétence du tribunal saisi suppose que le défendeur manifeste sans équivoque sa volonté de se défendre sur le fond, sans égard à la question de la compétence. Le fait de se prévaloir, par la suite, de l’exception d’incompétence doit apparaître comme contraire à la bonne foi (art. 2 al. 1 CC). Pour ne pas être déchu du droit d’exciper cette exception, le défendeur doit l’invoquer antérieurement, voire simultanément, à sa prise de position au fond. De plus, l’exception doit être soulevée à titre principal et sans condition.
En l’espèce, la société zurichoise a contesté la compétence des tribunaux genevois dans son courrier d’août 2021, dans lequel elle a requis l’annulation du délai imparti pour déposer sa réponse, de même que la limitation de la procédure aux questions de la compétence locale et de sa propre légitimation passive. Le fait qu’elle ait conclu, dans sa réponse de novembre 2021, principalement au rejet au fond de la demande, et subsidiairement à son irrecevabilité pour cause d’incompétence, n’y change rien, dès lors que cette écriture est intervenue ultérieurement. En effet, le premier courrier suffit à considérer que la société a soulevé l’incompétence avant de procéder au fond, de manière conforme aux règles de la bonne foi.
Partant, le recours est rejeté.
Proposition de citation : Ismaël Boubrahimi, La prise de conclusions principales au fond et l’acceptation tacite de compétence, in: https://lawinside.ch/1469/