La soumission à autorisation préalable d’un lasergame en forêt
Le fait de soumettre le lasergame en forêt à une autorisation ne viole pas le droit fédéral.
Faits
Une société ayant pour but en particulier les activités de lasergame demande à l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature de la République et canton de Genève (l’«Office») une autorisation permanente valable pour les espaces forestiers du canton de Genève pour pratiquer un lasergame à infrarouge. L’Office refuse, estimant que seules des autorisations ponctuelles sur des sites déterminés pouvaient être envisagées.
Par ailleurs, l’Office explique considérer l’activité comme apparentée à un jeu de combat au sens de la législation genevoise, avec pour conséquence qu’une demande formelle d’autorisation devait être déposée 30 jours au moins avant une manifestation.
Le Tribunal administratif de première instance rejette le recours de la société, tout comme la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise. La société saisit le Tribunal fédéral par le biais d’un recours en matière de droit public. Celui-ci doit déterminer si l’application du droit cantonal genevois, soumettant l’activité de la recourante à autorisation préalable, consacre une violation du droit fédéral.
Droit
Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une violation de l’art. 49 Cst., qui prévoit que le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Elle fait en particulier valoir que le droit cantonal genevois violerait le principe du libre accès à la forêt prévu par le droit fédéral.
Le Tribunal fédéral rappelle la teneur de l’art. 77 Cst. Cette disposition constitutionnelle prévoit que la Confédération veille à ce que les forêts puissent remplir leurs fonctions protectrice, économique et sociale, fixe les principes applicables à la protection des forêts et encourage les mesures de conservation. S’agissant plus particulièrement de la protection des forêts, la Confédération dispose d’une compétence concurrente limitée aux principes.
Ainsi, l’art. 699 al. 1 CC prévoit que chacun a libre accès aux forêts et pâturages d’autrui et peut s’approprier baies, champignons et autres menus fruits sauvages, conformément à l’usage local, à moins que l’autorité compétente n’ait édicté, dans l’intérêt des cultures, des défenses spéciales limitées à certains fonds. Cet article constitue une double norme de droit privé et de droit public. Elle octroie en sus aux cantons la marge de manœuvre pour restreindre plus largement le droit d’accès aux forêts.
Quant à l’art. 14 LFo, norme de droit fédéral directement applicable, il dispose que les cantons veillent à ce que les forêts soient accessibles au public. Si la conservation des forêts ou un autre intérêt public l’exigent, par exemple la protection des plantes ou d’animaux sauvages, les cantons doivent limiter l’accès à certaines zones forestières (art. 14 al. 2 lit. a LFo) et soumettre à autorisation l’organisation de grandes manifestations en forêt (art. 14 al. 2 lit. b LFo). De manière générale, la LFo doit s’appréhender comme une loi-cadre pour les cantons.
Il découle de ce qui procède que la protection des forêts ne constitue pas un domaine que la législation fédérale règle de manière exhaustive. Contrairement à ce qu’invoque la recourante, le fait que l’art. 19 de la Loi genevoise sur les forêts (LForêts/GE) prévoit que les grandes manifestations sont soumises à autorisation préalable ponctuelle n’est pas contraire au principe de la primauté du droit fédéral.
Dans un deuxième grief, la recourante fait valoir que l’art. 23 du règlement d’application de la LForêts/GE (RForêts/GE), qui donne des précisions sur ce qu’il faut entendre par « grande manifestation », serait contraire à l’art. 14 al. 2 lit. b LFo. En particulier, l’art. 23 al. 3 lit. f RForêts/GE prévoit que sont couverts par la notion de « grande manifestation » l’organisation de jeux de combat et/ou l’utilisation de projectiles.
Le Tribunal fédéral rappelle que l’ampleur d’une manifestation ne se mesure pas seulement au nombre de participants, mais aussi en fonction de la nature et de l’intensité des répercussions probables sur la forêt. L’usage local doit aussi également être pris en compte dans cette analyse, ce qui justifie une grande marge d’appréciation en la matière laissée aux cantons.
S’agissant plus particulièrement des jeux de combat, le Tribunal fédéral relève que, même sans projectiles, ils peuvent être considérés comme une activité présentant un potentiel important d’atteinte à la forêt. C’est d’autant plus vrai à Genève, où le territoire cantonal est particulièrement restreint et où les forêts subissent de fortes pressions anthropogènes. La soumission à autorisation des jeux de combats avec ou sans projectiles est donc conforme à l’art. 14 al. 2 LFo.
Écartant ensuite successivement les griefs de violation de l’égalité de traitement et de la liberté économique, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Camille de Salis, La soumission à autorisation préalable d’un lasergame en forêt, in: https://lawinside.ch/1456/