L’examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 80a LEI)

TF, 15.09.2023, 2C_457/2023*

Une personne détenue dans le cadre de la procédure Dublin ne renonce pas définitivement au contrôle judiciaire de sa détention par le simple fait de cocher une case en ce sens sur un formulaire. L’autorité judiciaire qui n’entre pas en matière sur la demande subséquente de contrôle viole le droit d’accès à un·e juge de la personne détenue.

Faits

Soupçonné de voyager sans titre de transport valable, un ressortissant marocain est contrôlé le 9 août 2023. Il ne présente pas de documents d’identité valables. Il ressort du système d’information Schengen qu’il est interdit d’entrée en Italie et aux Pays-Bas. Il est arrêté provisoirement sur ordre de l’Office des migrations de Bâle-Ville.

Le lendemain, le concerné dépose une demande d’asile pour la Suisse. Parallèlement, l’Office des migrations ordonne sa mise en détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 76a LEI) pour une durée de sept semaines. Le 21 août 2023, sa représentante juridique requiert le contrôle judiciaire de sa détention. L’Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville n’entre pas en matière sur cette demande, au motif que le détenu aurait préalablement renoncé au contrôle judiciaire de sa détention.

Par la voie d’un recours en matière de droit public, le détenu saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’autorité précédente a violé le droit applicable en refusant d’entrer en matière sur la demande de contrôle judiciaire de sa détention.

Droit

L’autorité inférieure a motivé sa décision de non-entrée en matière sur la demande du recourant par le fait que ce dernier aurait expressément renoncé, avec l’aide d’un interprète, au contrôle judiciaire de sa détention lors de la notification de la décision prononçant sa mise en détention provisoire. En effet, il avait à ce moment coché une case en ce sens sur un formulaire.

Le Tribunal fédéral rappelle en particulier les termes de l’art. 5 ch. 4 CEDH, selon lequel toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Si la personne détenue n’a pas la possibilité de contester en justice la légalité de cette détention, cela constitue une violation de l’art. 5 ch. 4 CEDH (CEDH, arrêt Moustahi c. France du 25 juin 2020, §103-104).

L’art. 31 al. 4 Cst. reprend cette garantie du droit à un examen judiciaire de la détention. L’art. 80a al. 3 LEI y fait écho. Selon cette disposition, la légalité et l’adéquation de la détention dans le cadre de la procédure Dublin sont examinées, sur demande de la personne détenue, par une autorité judiciaire au terme d’une procédure écrite. Cet examen peut être demandé à tout moment. Le contrôle judiciaire n’a donc pas lieu d’office pour une détention Dublin, à l’inverse d’autres formes de détention administrative relevant du droit des étrangers.

La détention administrative en vertu du droit des étrangers constituant une atteinte grave à la liberté personnelle garantie par l’art. 10 al. 2 Cst., droit fondamental inaliénable, ces garanties procédurales servent de garde-fous contre une privation arbitraire de liberté.

En l’espèce, le recourant s’est vu notifier sa décision de mise en détention Dublin, sur la dernière page de laquelle il pouvait cocher l’une des deux cases suivantes : « Je demande le contrôle judiciaire de la détention » ou « Je renonce au contrôle judiciaire de la détention ».

Selon le Tribunal fédéral, s’il est admissible de permettre à la personne détenue de demander le contrôle judiciaire de sa détention en cochant simplement une case, il ne l’est pas de conclure que le même procédé vaut renonciation durable à ce contrôle. Cela reviendrait à renoncer durablement au droit de ne pas être détenu·e arbitrairement, tel qu’il est garanti par l’art. 5 par. 1 CEDH et par l’art. 31 al. 4 Cst. Quand bien même la volonté de la personne concernée est exempte de vices, il n’est pas envisageable, dans un Etat démocratique, de pouvoir renoncer durablement à la garantie procédurale du contrôle judiciaire de la détention. La lettre de l’art. 80a al. 3 LEI, prévoyant que ce contrôle peut être demandé « à tout moment », le confirme.

L’autorité inférieure ne pouvait donc pas renoncer au contrôle judiciaire de la détention Dublin et aurait dû entrer en matière sur la demande du recourant. En s’en abstenant, elle a violé le droit fédéral. Ce refus constituant un vice procédural grave, le Tribunal fédéral annule la décision attaquée et ordonne la libération immédiate du recourant.

Proposition de citation : Camille de Salis, L’examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 80a LEI), in: https://lawinside.ch/1381/