La sortie d’un associé d’une Sàrl dont les parts excèdent 35% du capital social
ATF 147 III 505 | TF, 19.07.2021, 4A_209/2021*
Un associé ne peut pas sortir d’une Sàrl pour justes motifs (art. 822 CO) si sa sortie aurait pour conséquence que la société détienne ses parts sociales propres d’une valeur nominale supérieure à 35% du capital social (art. 783 al. 2 CO).
Ainsi, si la société ne peut ni aliéner les parts sociales de l’associé ni réduire son capital social en vertu de l’art. 825a CO, l’associé qui souhaite sortir doit requérir la dissolution de la société pour justes motifs (art. 821 al. 3 1ère phr. CO).
Faits
Un associé détient 45% des parts sociales d’une Sàrl constituée d’un capital social de CHF 20’000.-. Il dépose une demande tendant à la sortie de la société pour de justes motifs (art. 822 al. 1 CO) auprès du Bezirksgericht d’Arbon. Celui-ci rejette la demande. L’Obergericht du canton d’Argovie confirme ce jugement.
L’associé recourt auprès du Tribunal fédéral qui est amené à déterminer la relation entre le droit de sortie d’un associé dont les parts excèdent 35% du capital social et les règles relatives à l’acquisition par la société de parts sociales propres, notamment la limite supérieure d’acquisition de 35% (art. 783 al. 2 CO).
Droit
Un associé d’une Sàrl peut requérir du tribunal l’autorisation de sortir de la société pour de justes motifs (art. 822 al. 1 CO). Dans ce cas, il a droit à une indemnité correspondant à la valeur réelle de ses parts sociales (art. 825 al. 1 CO).
Le droit de la Sàrl ne règle toutefois pas explicitement la manière de procéder avec les parts sociales d’un associé qui se retire. L’art. 825a al. 1 CO contient néanmoins des règles sur l’exigibilité de l’indemnité liée au départ d’un associé, dont on peut dégager trois possibilités. Les parts sociales de l’associé qui se retire peuvent être :
- reprises par la société (ch. 1) ;
- aliénées par la société (ch. 2) ;
- annulées par une réduction du capital social (ch. 3).
En l’espèce et d’après l’état de fait établi par l’Obergericht, les parts sociales ne peuvent pas être aliénées pour le moment. Il n’existe par ailleurs aucun fondement obligeant les autres associés à reprendre les parts de l’associé sortant. Une réduction du capital social est également exclue car celui-ci ne s’élève qu’au seuil légal minimal de CHF 20’000.- (art. 773 et 782 al. 2 CO).
La seule option à disposition serait l’acquisition des parts de l’associé sortant par la société elle-même. Or l’art. 783 al. 2 CO interdit une telle acquisition lorsque la valeur nominale des parts dépasse 35% du capital social. L’associé détenant une participation de 45%, le Tribunal fédéral doit déterminer si cette possibilité est admissible, malgré ce plafond légal.
Après s’être référé à la doctrine, à une communication de l’Office fédéral du registre du commerce ainsi qu’à son ancienne jurisprudence (ATF 89 II 133), le Tribunal fédéral se penche sur le processus législatif de 2005 qui a fixé la limite d’acquisition de 35%. Cette limite est le résultat d’un équilibre entre la volonté de permettre la sortie d’associés détenant une participation élevée et le souci de protéger les créanciers ainsi que le capital social.
Le législateur a donc volontairement plafonné le rachat de parts sociales propres par la société dans le cadre de la sortie d’un associé. Ainsi, lorsque – comme dans le cas d’espèce – la sortie aurait pour conséquence la détention par la société de parts sociales propres à concurrence d’une valeur nominale supérieure à 35% du capital social, elle ne peut pas être autorisée par le tribunal.
Toutefois, cela ne signifie pas que l’associé qui souhaite se retirer est privé de tout moyen d’action. Il peut requérir du tribunal la dissolution de la société pour de justes motifs (art. 821 al. 3 1ère phr. CO), le cas échéant avec la participation des autres associés. Lors de l’examen de l’existence d’un « juste motif », le tribunal doit alors tenir compte du fait qu’une sortie (qui a généralement la priorité sur la dissolution de la société), est exclue en raison de la limite d’acquisition de l’art. 783 al. 2 CO.
En l’espèce, l’associé a requis la sortie de la société, mais non la dissolution de celle-ci. Contrairement à ce que la loi prévoit en cas d’action en dissolution (art. 821 al. 3 CO), le juge ne peut pas adopter une solution alternative à la sortie (art. 822 CO), en vertu du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).
Ainsi, l’associé aurait dû requérir la dissolution de la société ou une autre solution appropriée en cas de rejet de sa demande de dissolution.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Note
Le Tribunal fédéral a déclaré le recours en matière de droit civil recevable, malgré la valeur litigieuse inférieure à 30’000 CHF.- (art. 74 al. 1 let. b LTF). En effet, la cause soulevait une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF), soit celle de déterminer la relation entre le droit de retrait (art. 822 CO) d’un associé détenant une participation supérieure à 35% du capital social et le plafond d’acquisition de 35% de l’art. 783 al. 2 CO.
Proposition de citation : Ariane Legler, La sortie d’un associé d’une Sàrl dont les parts excèdent 35% du capital social, in: https://lawinside.ch/1085/