L’évaluation des atteintes à l’environnement d’un projet routier cantonal et fédéral

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TF, 04.06.2024, 1C_99/2023*

La construction d’une route cantonale et d’une jonction autoroutière doit faire l’objet d’une évaluation globale des atteintes à l’environnement (art. 8 LPE), et ce même si chacun de ces projets fait l’objet d’une procédure d’approbation des plans qui relève de compétences différentes.

Faits

Le canton d’Uri prévoit le concept global de trafic régional « Unteres Reusstal ». Ce projet comprend l’établissement d’une nouvelle route cantonale de liaison ainsi que la construction d’une nouvelle jonction à l’autoroute A2 « Altdorf Sud ».

Le canton d’Uri approuve la route cantonale. Par la suite, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) accorde l’approbation des plans pour la jonction autoroutière. Chacun de ces projets fait l’objet d’une étude de l’impact sur l’environnement.

La commune d’Attinghausen recourt sans succès contre la décision du DETEC au Tribunal administratif fédéral.

Elle forme alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur l’évaluation des atteintes à l’environnement et sur la qualification du projet au regard de la limitation des émissions.

Droit

L’autorité compétente doit examiner la compatibilité d’un projet avec les dispositions en matière d’environnement (art. 10a al. 1 LPE). Lorsque l’installation est soumise à l’étude d’impact – ce qui est le cas en l’espèce tant pour la route cantonale que la jonction autoroutière –, un rapport relatif à l’impact sur l’environnement doit être établi afin de pouvoir apprécier le projet (art. 10b al. 1 LPE). Selon l’art. 8 LPE, les atteintes doivent être évaluées isolément, collectivement et dans leur action conjointe. Cette disposition consacre le principe de l’évaluation globale des atteintes. Les émissions émanant de plusieurs installations qui présentent un lien fonctionnel doivent ainsi être évaluées conjointement.

Le Tribunal fédéral se penche alors sur les procédures d’études d’impact menées tant pour le projet routier cantonal que le projet fédéral. Dans la procédure fédérale, le Tribunal fédéral constate que l’étude d’impact se limite aux tronçons de la route nationale et que seuls les effets sur l’environnement de la jonction autoroutière sont examinés. Les impacts du projet cantonal ne font pas l’objet de l’étude.

Le fait que le projet de construction de la route cantonale et de la jonction autoroutière aient fait l’objet de procédures d’approbation séparées ne saurait être remis en cause, compte tenu des compétences différentes du canton et de la Confédération en la matière. Dans chacune de ces procédures, l’autorité compétente doit ainsi, en principe, examiner la compatibilité environnementale de son projet.

Or, le Tribunal fédéral constate que les deux projets comportent une proximité géographique et fonctionnelle. Ils font l’objet d’une planification commune. Aussi, les deux projets forment une unité d’exploitation. Dans ces circonstances, les aspects environnementaux, à savoir la limitation des émissions en matière de bruit et de pollution atmosphérique, doivent être évalués globalement conformément à l’art. 8 LPE.

Le DETEC ne pouvait ainsi pas, lors de l’examen de la compatibilité avec l’environnement, se limiter à l’étude des effets de la jonction autoroutière et exclure de son analyse les effets de la nouvelle route cantonale.

Enfin, le Tribunal fédéral se penche sur la qualification du projet au regard de la limitation des émissions en matière de bruit. À ce propos, le Tribunal fédéral considère, à l’inverse des autorités précédentes, que le projet global – composé de la route cantonale et de la jonction autoroutière – doit être qualifié comme une nouvelle installation. Les immissions en matière de bruit doivent ainsi respecter les valeurs de planification (art. 25 al. 1 LPE ; art. 7 al. 1 OPB). A défaut, il convient d’examiner si des allégements peuvent être accordés (art. 25 al. 2 LPE ; art. 7 al. 2 OPB). Enfin, l’exploitation de l’installation ne doit pas conduire à un dépassement des valeurs limites d’immissions en raison de l’utilisation accrue du réseau routier existant (art. 9 let. a OPB).

Par conséquent, le Tribunal fédéral renvoie la cause au DETEC afin qu’il complète l’étude d’impact dans le sens des considérants.

Partant, le recours est admis.

Proposition de citation : Tobias Sievert, L’évaluation des atteintes à l’environnement d’un projet routier cantonal et fédéral, in : www.lawinside.ch/1475/