Le droit de poursuivre l’usage d’une marque selon la LPNE

ATF 145 III 85TF, 03.01.2019, 4A_489/2018*

L’intérêt public de la protection des marques des organisations intergouvernementales l’emporte en principe sur l’intérêt privé du titulaire de la marque. L’art. 5 LPNE ne crée un correctif que dans la mesure où les droits acquis doivent être protégés. Les signes qui diffèrent de la version utilisée auparavant ne peuvent donc pas être enregistrés comme marques au sens de l’art. 6 LPNE – tant dans la version valable avant le 1er janvier 2017 que dans la version révisée.

Faits

En 2015, une société dépose une demande d’enregistrement de la marque verbale et figurative « adb » (voir signe ci-dessous) auprès de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI).

En 2016, l’IPI rejette la demande au motif que le signe reprendrait le sigle « ADB » de la Banque Asiatique de Développement (Asian Development Bank) et ne pourrait donc pas être protégé en tant que marque en vertu de l’art. 2 let. d LPM en lien avec la Loi fédérale concernant la protection des noms et emblèmes de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations intergouvernementales (LPNE).

La société recourt contre la décision de l’IPI auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), lequel parvient à la même conclusion que l’IPI.… Lire la suite

Les conditions d’octroi d’un certificat complémentaire de protection pour les produits d’un médicament

ATF 144 III 285 | TF, 11.06.2018, 4A_576/2017*

Un certificat complémentaire de protection pour l’un des produits d’un médicament est délivré notamment si le produit en tant que tel est protégé par un brevet (art. 140b al. 1 let. a LBI). Le Tribunal fédéral opère un revirement de jurisprudence en considérant désormais qu’un produit est considéré comme protégé par un brevet s’il est mentionné dans le brevet de base ou que l’interprétation du libellé des revendications du brevet de base invoqué permet implicitement de conclure que le brevet porte concrètement sur le produit en question.

Faits

Une société est titulaire d’un brevet pharmaceutique. Swissmedic délivre à la société une autorisation de mise sur le marché pour un médicament. Pour l’un des produits du médicament, un certificat complémentaire de protection (certificat) est accordé par l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI).

Un concurrent forme une requête au Tribunal fédéral des brevets afin de faire constater la nullité du certificat.

Débouté, le concurrent forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit notamment se déterminer sur les conditions d’octroi d’un certificat (cf. art. 140b LBI).

Droit

L’IPI délivre au titulaire du brevet des certificats pour des produits, à savoir pour des principes actifs d’un médicament (art.Lire la suite

Le tabouret de bar de Max Bill est-il une œuvre protégée au sens de la LDA ?

ATF 143 III 373 – TF, 12.07.2017, 4A_115/2017*

Les exigences d’individualité afin qu’une œuvre bénéficie de la protection de la LDA sont plus élevées pour les œuvres des arts appliqués (art. 2 al. 2 let. f LDA) que pour les œuvres qui ne relèvent pas de cette catégorie. Le caractère individuel exigé dépend de la liberté de création dont l’auteur jouit en fonction de l’usage prévu de l’œuvre. Il faut se baser sur l’impression artistique générale et non sur les composants distincts d’une création pour déterminer si celle-ci constitue une œuvre ou non. Le tabouret de bar de Max Bill (« HfG-Barhocker ») suscite une impression générale qui l’individualise lui-même ; il constitue donc une œuvre bénéficiant de la protection d’auteur.

Faits

Une fondation dont le but consiste en la préservation des œuvres de l’artiste Max Bill conclut un contrat de licence avec une fabrique de meubles. En vertu de ce dernier, la fabrique bénéficie du droit exclusif de produire et de distribuer certains meubles dessinés par le designer.

Suite à un conflit avec son cocontractant, la fondation met fin au contrat. La manufacture poursuit néanmoins la production des meubles et notamment la vente du célèbre tabouret de bar conçu pour l’École supérieure de la forme, Hochschule für Gestaltung (HfG), à Ulm en Allemagne. … Lire la suite

La titularité d’une marque dans un groupe de sociétés

ATF 143 III 216 – TF, 27.02.2017, 4A_489/2016*

Faits

Reico & Partner Vertiebs GmbH, société allemande (la « société-mère« ), détient pendant plusieurs années l’entier du capital de Reico Vital Systeme GmbH, Sàrl suisse (la « société-fille« ). Toutes deux déploient leur activité dans le même domaine. Par la suite, la société-mère cède 70% de sa participation dans la société-fille à un tiers.
La société-mère détient la marque allemande « REICO VITAL SYSTEME » depuis 2007. La société-fille est titulaire de deux marques suisses comprenant le mot « REICO »  depuis le mois de décembre 2011. Le gérant de la société-mère est titulaire depuis 2013 de deux autres marques suisses incluant le mot « Reico », dont la présentation graphique est très similaire à celle des marques détenues par la société-fille. Après la vente des parts sociales de la société-fille, un litige quant à la titularité et l’utilisation de ces diverses marques et noms de domaines survient entre la société-fille d’une part et la société-mère (désormais actionnaire minoritaire) et son gérant d’autre part.

Le tribunal de commerce du canton de Saint-Gall tranche en faveur de la société-mère et de son gérant. Il interdit à la société-fille d’utiliser les marques et le nom de domaine litigieux et en ordonne le transfert à la société-mère.… Lire la suite

Les semelles rouges Louboutin sont-elles une marque?

ATF 143 III 127 – TF, 07.02.2017, 4A_363/2016*

Faits

Le styliste français Christian Louboutin est titulaire d’un enregistrement international pour les semelles rouges des chaussures qu’il produit (ce qu’on définit comme étant une « marque de position »). L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) notifie l’enregistrement à l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) pour qu’il étende la protection de la marque à la Suisse. Ce dernier refuse d’étendre la protection de la marque au motif que la couleur rouge des semelles serait un élément purement décoratif sans caractère distinctif.

Le prononcé de l’IPI étant confirmé par le Tribunal administratif fédéral, Christian Louboutin agit devant le Tribunal fédéral en demandant la protection de l’enregistrement international en Suisse. Se pose ainsi la question de savoir si les semelles rouges du styliste français constituent un caractère distinctif de ses chaussures à talon.

Droit

Les motifs de refus d’enregistrer ou d’étendre la protection d’une marque sont régis par la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. L’art. 6quinquies let. b ch. 2 de cette convention prévoit que l’enregistrement d’une marque peut être refusé lorsque cette dernière est dépourvue de tout caractère distinctif ou qu’elle fait partie du domaine public.… Lire la suite