Le droit d’être entendu et le procès-verbal d’une inspection des lieux

ATF 142 I 86 | TF, 03.05.2016, 1C_457/2015*

Faits

Dans un litige concernant un droit de passage régi par le droit public, une partie recourt à l’Obergericht appenzellois contre la décision du département compétent. Le tribunal procède à une inspection des lieux ; de nombreuses photos destinées au dossier sont prises à cette occasion. Par arrêt du même jour, l’Obergericht annule la décision prise par l’autorité administrative précédente. La partie succombante interjette recours en matière de droit public au Tribunal fédéral en faisant valoir que le tribunal cantonal aurait dû lui permettre de prendre connaissance du procès-verbal de l’inspection des lieux et de se déterminer à ce sujet. La question qui se pose est dès lors celle du respect du droit d’être entendu concernant le procès-verbal d’une inspection des lieux.

Droit

Le recourant a pu prendre connaissance des constatations retenues lors de l’inspection des lieux par l’Obergericht seulement à la lecture du jugement. S’agissant du procès-verbal, il lui a été soumis pour la première fois à l’occasion de l’échange d’écritures devant le Tribunal fédéral.

L’Obergericht justifie sa décision en se référant à sa pratique constante, parfaitement connue par l’avocat du recourant ; d’après celle-ci, le tribunal in corpore (composition complète) effectue les inspections et rend le jugement le même jour.… Lire la suite

L’effet suspensif du recours de Uber

TF, 07.01.2016, 2C_547/2015

Faits

En août 2014, Uber informe le Service du commerce du canton de Genève de sa volonté d’offrir ses services dans le canton. Les autorités genevoises mettent d’emblée en garde Uber sur le caractère illégal de ses activités eu égard à la législation cantonale en matière de transport. Malgré cette mise en garde, Uber débute ses activités en septembre 2014.

Par décision du 30 mars 2015, le Service cantonal interdit avec effet immédiat à Uber d’exercer l’activité de transport professionnel de personnes dans le canton de Genève et lui inflige une amende de 35’000 francs. Il déclare la décision comme étant immédiatement exécutoire et retire ainsi l’effet suspensif d’un éventuel recours. Sur recours de Uber, la Cour de justice refuse de restituer l’effet suspensif s’agissant de l’interdiction d’exercer l’activité, mais la restitue quant à l’amende.

Uber saisit alors le Tribunal fédéral en concluant à la restitution de l’effet suspensif de la décision qui lui interdit d’exercer l’activité de transport.

Droit

Ne portant que sur la demande de restitution de l’effet suspensif, la décision querellée est une décision incidente qui ne peut faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral que si elle cause un préjudice irréparable (art.Lire la suite

La notification fictive d’une décision dans le cas d’une garde de courrier par la Poste

ATF 141 II 429 | TF, 26.11.2015, 1C_115/2015*

Faits

Les CFF soumettent des plans à l’approbation de l’Office fédéral des transports (OFT). Lors de la procédure d’approbation et de la mise à l’enquête publique, un administré forme une opposition, qui est rejetée par l’OFT le 20 décembre 2013.

Par acte du 5 février 2014, l’administré recourt au Tribunal administratif fédéral (TAF). Il ressort de l’instruction que la décision de l’OFT est arrivée à la Poste du domicile de l’administré le 24 décembre 2013. La Poste n’a toutefois pas livré le courrier au recourant ni même tenté de le faire, car celui-ci avait demandé à la Poste de garder son courrier en raison de vacances.

En raison de cette demande de garde, le document a été conservé par la Poste jusqu’au 6 janvier 2014, date à laquelle il a effectivement été retiré par le recourant. Le TAF considère que la tentative infructueuse de distribution est intervenue au plus tard le 24 décembre 2013, et non le 6 janvier 2014. Par conséquent, le délai pour recourir est arrivé à échéance le 3 février 2014 et le recours, déposé le 6 février 2014, est tardif.

L’administré forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir quand une tentative infructueuse de distribution au sens de l’art.Lire la suite

La renonciation à recourir au Tribunal fédéral

ATF 141 III 596

Faits

Un entrepreneur conclut un contrat d’entreprise avec un maître d’ouvrage. Le contrat contient la clause suivante : « Tous différends découlant du présent accord que les parties n’auraient pas résolus aimablement seront tranchés définitivement par les tribunaux compétents vaudois ». Les cocontractants ont ainsi renoncé à recourir au Tribunal fédéral.

À la suite d’un litige, l’entrepreneur actionne le maître d’ouvrage en paiement devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Celle-ci donne raison à l’entrepreneur et condamne le maître d’ouvrage au paiement d’une certaine somme. Sur appel formé par le maître d’ouvrage, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois confirme la décision.

Le maître d’ouvrage forme un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. La question centrale qui se pose est celle de savoir si des parties peuvent valablement renoncer à recourir au Tribunal fédéral.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’il ne s’est déterminé qu’à de rares occasions sur cette question. Les quelques arrêts qu’il a rendus l’ont été sous l’OJ, soit avant l’entrée en vigueur de la LTF. Ainsi, sous l’OJ, le Tribunal fédéral avait retenu qu’il était possible de renoncer au recours en réforme et au recours de droit public, sous réserve des droits subjectifs qui échappent à la libre disposition des parties (tels que les droits de la famille et certains droits de la personnalité) et les droits fondamentaux imprescriptibles et inaliénables (TF, 17.07.2006, 4P.110/2006, c.Lire la suite

La qualité pour recourir d’une collectivité publique devant le Tribunal fédéral

ATF 141 I 253TF, 24.09.15, 8C_772/2014*

Faits

Un policier employé par le canton de Genève souhaite obtenir la même classe salariale que les autres chefs de section de la police judiciaire. Le Département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le Département) rejette sa demande et contraint le policier à saisir le Tribunal cantonal. Celui-ci annule la décision du Département et augmente le salaire du policier. Contre cet arrêt, le Département dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si le Département possède la qualité pour recourir.

Droit

Les collectivités publiques ont principalement qualité pour recourir si elles figurent dans la liste de l’art. 89 al. 2 LTF. Or, le Département en cause n’y est pas inscrit. Il faut alors se demander s’il remplit les conditions de lart. 89 al. 1 LTF qui s’applique également aux collectivités publiques. L’art. 89 al. 1 LTF dispose que peut recourir quiconque (i) a pris part à la procédure devant l’autorité précédente, (ii) est particulièrement atteint par la décision et (iii) a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

En l’espèce, la première et la deuxième condition sont remplies.… Lire la suite