La révision d’une sentence arbitrale

ATF 142 III 521 | TF, 07.09.2016, 4A_386/2015*

Faits

Une société italienne conclut un contrat avec une filiale allemande d’un grand groupe allemand. Le contrat contient une clause arbitrale. À la suite d’un litige entre les parties, un avocat zurichois est désigné comme arbitre unique par la CCI et condamne, dans sa sentence, la société italienne à payer des dommages-intérêts à la filiale allemande.

Presque quatre mois après le rendu de la sentence, la société italienne découvre que l‘arbitre exerce au sein d’une étude zurichoise qui fait partie d’un réseau international d’étude. Or, une étude allemande faisant partie de ce même réseau a conseillé une autre filiale du grand groupe allemand.

La société italienne forme alors une demande de révision auprès du Tribunal fédéral dans laquelle elle invite ce dernier à prononcer la récusation de l’arbitre. Le Tribunal fédéral doit se prononcer sur la possibilité de demander une révision d’une sentence lorsqu’un motif de récusation a été découvert après le délai légal de recours.

Droit

La LDIP ne contient aucune disposition relative à la révision des sentences arbitrales. Le Tribunal fédéral a comblé cette lacune par voie jurisprudentielle. Sous l’empire de l’ancienne OJ, le Tribunal fédéral avait considéré que la découverte, a posteriori, d’une violation des prescriptions concernant la composition du tribunal arbitral, telle la participation à la procédure d’un arbitre qui aurait dû se récuser, ne constituait pas un motif de révision d’une sentence rendue en matière d’arbitrage international, sous réserve de la mise au jour d’un cas de corruption touchant l’arbitre incriminé.… Lire la suite

Le droit à la réplique en arbitrage international (art. 182 al. 3 LDIP)

ATF 142 III 360 | TF, 26.04.2016, 4A_342/2015*

Faits

Un groupe de sociétés de droit turc (demandeur) vend une de ses filiales à une société allemande (défendeur). Ce contrat de vente, intitulé Share Sale and Purchase Agremment (SPA), prévoit que la société allemande a l’obligation de conclure un Distributorship Agreement (DA) de durée illimitée entre sa filiale fraîchement achetée et une filiale du groupe de sociétés turques.

Trois ans après la conclusion du DA, la filiale du défendeur résilie le contrat. Le groupe de sociétés turques considère que la résiliation de ce contrat a pour conséquence l’extinction du SPA et dépose donc une requête d’arbitrage en vue de faire constater cette extinction.

Un tribunal arbitral CCI, avec trois arbitres et siège à Zurich, est constitué. Les parties se mettent d’accord sur la procédure : le groupe de sociétés turques déposera en premier son Statement of Claim, puis le défendeur devra rendre son Statement of Defence, et, enfin, le Tribunal arbitral tranchera la question de l’effet de la résiliation du DA sur l’existence du SPA.

Après avoir reçu le Statement of Defence, le groupe de sociétés turques indique au Tribunal qu’il aimerait encore produire des témoignages ainsi qu’un avis de droit.… Lire la suite

Le non-respect d’une méthode ADR avant la procédure d’arbitrage

ATF 142 III 296 | TF, 16.03.2016, 4A_628/2015*

Faits

Deux parties concluent un contrat avec la clause arbitrale suivante : « Tout différend survenant entre les Parties dans l’exécution ou dans l’interprétation du présent Contrat qui ne peut être résolu par les Parties, fera dans un premier temps, l’objet d’une tentative de conciliation en application du Règlement ADR (Alternative Disputes Resolution) de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Tout différend entre les Parties découlant de l’exécution ou de l’interprétation du présent Contrat non résolu par voie de conciliation sera tranché en dernier ressort par voie d’arbitrage conformément au Règlement d’Arbitrage de la CNUDCI (UNCITRAL) par trois (3) arbitres nommés conformément à ce règlement » (mise en évidence ajoutée). Le siège de l’arbitrage est fixé à Genève.

Suite à un différend, une partie (la requérante) dépose une demande de conciliation auprès du Centre international d’ADR de la CCI. Le Centre nomme alors une conciliatrice. Trois mois après cette nomination, alors que les parties n’ont pas réussi à s’entretenir physiquement ou par conférence téléphonique, la requérante adresse une notification d’arbitrage à sa cocontractante. Cette dernière s’oppose alors à la résolution du litige par l’arbitrage au motif que la procédure de conciliation n’a pas pris fin.… Lire la suite

La sentence rayant la cause du rôle en arbitrage interne

ATF 142 III 284 | TF, 16.03.2016, 4A_422/2015*

Faits

Un défendeur refuse de verser sa part d’avance de frais dans un arbitrage interne (art. 378 al. 1 CPC). Le tribunal arbitral impartit alors un délai au demandeur en lui donnant la possibilité de verser la part d’avance de frais due par le défendeur ou de lui communiquer sa décision de renoncer à l’arbitrage (cf. art. 378 al. 2 CPC).

Le demandeur ayant déclaré renoncer à la procédure d’arbitrage, le tribunal classe la procédure et la raie du rôle en mettant les frais à la charge des parties par moitié.

Saisi d’un recours du défendeur, le Tribunal fédéral doit se prononcer sur la nature de la décision querellée ainsi que sur le devoir du tribunal d’entendre les parties avant de rendre une décision sur les frais à la suite d’une procédure devenue sans objet.

Droit

Le recours contre une sentence rendue dans une procédure d’arbitrage interne est recevable pour les sentences partielles ou finales (let. a) et les sentences incidentes (let. b) pour les motifs énoncés à l’art. 393 let. a et b CPC (art. 392 CPC). La nature de la décision par laquelle il est mis fin à la procédure arbitrale après que la partie renonce à l’arbitrage conformément à l’art.Lire la suite

La renonciation à recourir contre une sentence arbitrale et la CEDH

CourEDH, 24.03.16, Noureddine Tabbane c. Suisse (no 41069/12)

Faits

Un litige survient entre Noureddine Tabbane et la société Colgate à l’occasion de l’exécution de leur partenariat commercial. Conformément à une clause d’arbitrage, Colgate introduit une requête devant un tribunal arbitral, dont le siège se trouve à Genève. Celui-ci condamne Tabbane à rendre ses actions à Colgate. Tabbane dépose un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral qui se déclare incompétent en raison du fait que les parties avaient valablement renoncé à recourir contre toute décision du tribunal arbitral (art. 192 LDIP).

Tabbane saisit alors la CourEDH en soutenant que l’art. 192 LDIP viole la CEDH.

Droit

La CourEDH rappelle que les parties peuvent renoncer aux garanties de l’art. 6 par. 1 CEDH (accès à un tribunal indépendant et impartial établi par la loi) par une clause d’arbitrage pour autant qu’elles le fassent de manière libre, licite et sans équivoque. En l’espèce, le requérant ne prétend pas avoir signé la clause arbitrale et la renonciation à recourir contre la sentence arbitrale sous la contrainte. De même, la Cour relève que le Tribunal fédéral a conclu que la renonciation aux tribunaux ordinaires était licite et sans équivoque.… Lire la suite