Publications par Tobias Sievert

Données Falciani : demande d’entraide internationale en matière pénale formulée par la Grèce

TPF, 17.07.2018, RR.2017.338

En matière d’entraide internationale pénale, un État adopte un comportement contraire au principe de la bonne foi s’il formule une demande d’entraide sur le fondement de données volées en Suisse ou à l’étranger. En la présence de motifs fondés qui laissent soupçonner que la demande d’entraide se base sur des données volées, l’autorité requise est tenue de les dissiper. À défaut, l’entraide doit être rejetée.

Faits

Les autorités pénales grecques mènent une enquête pour corruption d’agents publics. Dans ce cadre, elles sollicitent de la Suisse l’entraide internationale en matière pénale et demandent la communication de renseignements relatifs à un compte ouvert auprès d’une banque genevoise. En effet, un pot-de-vin aurait été versé sur ce compte.

Le détenteur du compte soulève que la demande d’entraide grecque serait fondée sur les données bancaires volées par Hervé Falciani et que la demande devrait, dès lors, être rejetée. Il s’avère en effet que l’identité du détenteur du compte se trouve parmi les données Falciani sur la « Liste Lagarde ».

Nonobstant ce fait, le Ministère public de la Confédération (MPC), qui estime que la demande grecque ne serait pas fondée sur les données Falciani, accorde l’entraide aux autorités grecques.… Lire la suite

Le classement des surfaces d’assolement en zone à bâtir

ATF 145 II 32 | TF, 21.11.2018, 1C_46/2017*

Les cantons sont en droit de classer des surfaces d’assolement en zone à bâtir moyennant une pesée de tous les intérêts en présence ; les critères posés à l’art. 30 al. 1bis OAT doivent être pris en considération dans le cadre de cette pesée. Une obligation de compensation des surfaces d’assolement ne saurait être imposée que lorsque le canton ne dispose pas d’une réserve suffisante de ces surfaces.

Faits

Une société envisage de réaliser un projet-pilote de géothermie profonde dans le canton du Jura. Ce projet implique le passage de surfaces d’assolement (SDA) en zone à bâtir. Cette perte de SDA est partiellement compensée.

Des opposants contestent notamment le déclassement des SDA. Ils soulèvent que le canton du Jura ne dispose que d’une réserve de SDA limitée et que le principe du maintien ou de la compensation intégrale de ces surfaces devrait prévaloir. Le Conseil d’État du canton du Jura, puis la Cour administrative du canton du Jura, approuvent le projet et rejettent les oppositions.

Les opposants forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur le classement des SDA en zone à bâtir (art.Lire la suite

La compensation des surfaces d’assolement en lien avec la revitalisation des eaux

ATF 145 II 11 | TF, 19.11.2018, 1C_130/2017*

Lorsqu’un projet de revitalisation d’un cours d’eau engendre la perte de surfaces d’assolement, la compensation de ces surfaces doit intervenir dans la planification sectorielle, et non pas dans la procédure du projet de revitalisation à l’origine des pertes.

Faits

La commune de Port-Valais met à l’enquête publique un projet de revitalisation d’un cours d’eau. Des surfaces d’assolement (SDA) sont touchées par le projet. Un rapport, établi à l’appui du projet, précise que la commune a défini les SDA de remplacement afin de compenser les SDA perdues.

Des opposants contestent la compensation des SDA, notamment au motif que les SDA de remplacement ne sont pas d’une qualité équivalente. Le Conseil d’État valaisan, puis le Tribunal cantonal valaisan, rejettent les oppositions.

Les opposants forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la procédure de compensation des SDA en lien avec un projet de revitalisation d’un cours d’eau.

Droit

Les SDA font partie du territoire qui se prête à l’agriculture. Elles sont garanties par des mesures d’aménagement du territoire (cf. art. 26 al. 1 OAT, art. 6 al. 2 let. a LAT et art. 3 al.Lire la suite

La preuve de la qualité de victime LAVI en l’absence d’une procédure pénale

ATF 144 II 406 | TF, 26.11.2018, 1C_705/2017*

Lorsqu’il s’agit d’établir, en cas d’absence ou d’échec de la procédure pénale, l’infraction impliquant une victime et le statut qui en découle dans une procédure LAVI, le degré de preuve requis se limite à la vraisemblance prépondérante.

Faits

Une victime, qui prétend avoir été victime d’abus sexuels, forme une demande d’indemnisation auprès de l’autorité compétente LAVI. A l’appui de sa demande, elle produit plusieurs certificats médicaux et témoignages écrits de ses proches. Les infractions alléguées n’ont toutefois fait l’objet d’aucune procédure pénale.

L’autorité d’indemnisation LAVI rejette sa demande. Ce refus est confirmé par la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, qui considère qu’en l’absence de toute enquête pénale, les déclarations de la victime ainsi que les rapports médicaux ne permettent pas de démontrer au degré de la vraisemblance prépondérante le statut juridique de victime.

La victime forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur les exigences en matière de preuve de l’infraction et du statut de victime dans l’examen de la demande d’indemnisation LAVI en l’absence de toute procédure pénale.

Droit

À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que l’échec ou l’absence d’une procédure pénale n’exclut pas le droit à l’aide aux victimes (cf.… Lire la suite

Le classement partiel et le principe ne bis in idem

ATF 144 IV 362TF, 20.09.2018, 6B_1346/2017*

Une ordonnance de classement viciée est soumise au régime de la nullité ou de l’annulabilité, en fonction de la gravité du vice. En la présence d’erreurs procédurales qui ne sont pas aisément décelables, l’ordonnance est annulable et entre en force si elle n’est pas attaquée. Elle équivaut alors un acquittement conformément à l’art. 320 al. 4 CPP. Le principe ne bis in idem s’oppose à la condamnation du prévenu pour l’infraction classée.

Faits

Une personne se rend dans les locaux d’une société et s’adresse à la réceptionniste en lui indiquant que le gérant de la société doit le rappeler dans la journée, à défaut de quoi il l’abattrait.

Le gérant porte plainte pénale contre le prévenu pour contrainte et menaces. Le Ministère public du canton de Lucerne condamne le prévenu par ordonnance pénale pour contrainte à l’encontre de la réceptionniste. Dans la même ordonnance, le Ministère public classe la procédure en ce qui concerne l’infraction de menaces en application de l’art. 319 al. 1 let. b CPP, au motif que le gérant n’aurait pas été alarmé ou effrayé.

Le prévenu forme opposition contre l’ordonnance pénale. Le classement partiel n’est pas attaqué.… Lire la suite