Entrées par Tobias Sievert

La double incrimination en matière d’escroquerie fiscale

TPF, 30.10.2018, RR.2018.210

En matière d’entraide pénale internationale au sujet d’une escroquerie fiscale, il revient à l’État suisse requis d’analyser selon le principe de la double incrimination si les faits de la demande d’entraide sont réprimés en Suisse comme une escroquerie fiscale au sens de l’art. 14 al. 2 DPAIl revient toutefois à l’État requérant d’exposer des soupçons suffisamment précis pour constater qu’une escroquerie fiscale a été commise. 

Faits

Les autorités françaises dirigent en France une enquête pour soustraction frauduleuse à l’impôt et blanchiment aggravé à l’encontre du gérant d’une société. Elles soupçonnent que le gérant utilise un circuit atypique de ventes de vins entre des sociétés françaises ainsi qu’une autre société située dans la Principauté d’Andorre. La société andorrane serait une pure adresse de domiciliation dont le but serait de dissimuler des revenus perçus en France.

Les autorités françaises sollicitent des autorités suisses l’entraide judiciaire internationale en matière pénale afin d’obtenir les relevés des comptes bancaires suisses dont le gérant est le titulaire.

L’Office fédéral de la justice délègue l’exécution de la demande au Ministère public du canton du Valais (MP), canton dans lequel est situé l’institut bancaire concerné. Au vu du caractère fiscal de la demande, le MP demande un avis sur la question à l’Administration fédérale des contributions (AFC).… Lire la suite

Le droit d’être entendu des héritiers dans la procédure d’inventaire (CC 580 ss)

ATF 144 III 313 | TF, 17.07.2018, 5A_791/2017*

Une fois l’inventaire clôturé, un délai d’un mois est imparti aux héritiers pour consulter l’inventaire et pour déclarer notamment s’ils acceptent ou répudient la succession (cf. art. 584 al. 1 CC et art. 587 al. 1 CC cum art. 588 al. 1 CC). En particulier, les héritiers ne sont pas en droit de présenter à ce stade une requête en modification de l’inventaire et de demander le report du délai pour déclarer s’ils acceptent ou répudient la succession. Ainsi, aucune violation de leur droit d’être entendu ne peut être retenue du fait que l’autorité n’entre pas en matière sur de telles requêtes.

Faits

Dans une succession, les héritiers sollicitent au Préfet de Bienne l’établissement d’un inventaire des biens de leur père défunt (cf. art. 580 ss CC). Le notaire chargé d’établir l’inventaire modifie celui-ci après différentes requêtes des héritiers. Une fois l’inventaire clôturé, le notaire communique celui-ci au Préfet.

Les héritiers sollicitent alors du Préfet la rectification de l’inventaire. Ils demandent également qu’aucun délai pour déclarer s’ils acceptent ou répudient la succession ne leur soit imparti avant que l’inventaire soit rectifié.

Le Préfet n’entre pas en matière sur la demande en rectification des héritiers et leur imparti un délai d’un mois pour déclarer s’ils acceptent ou répudient la succession (cf.… Lire la suite

L’interdiction de grève au personnel de soins du canton de Fribourg

ATF 144 I 306 | TF, 09.10.2018, 8C_80/2018*

Une interdiction de grève au personnel de soins n’est licite que pour le personnel dont la présence est absolument indispensable à la préservation de la vie et de la santé des patients.

Faits

Le Grand Conseil fribourgeois modifie les dispositions de loi cantonale sur le personnel de l’État (LPers-FR) relatives au droit de grève. La nouvelle teneur de l’art. 68 al. 7 LPers-FR prévoit notamment que la grève est interdite pour le « personnel de soins ».

Contre cette modification législative, des infirmiers forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Dans un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral se prononce sur la conformité de l’art. 68 al. 7 LPers-FR par rapport à l’art. 28 Cst. qui consacre la liberté syndicale et le droit de grève.

Droit

L’art. 28 al. 3 Cst. prévoit notamment que la grève est licite quand elle se rapporte aux relations de travail et est conforme aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation. La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes (art. 28 al. 4 Cst.).

Le Tribunal fédéral relève que la question de savoir si l’art.Lire la suite

Le bouclier fiscal en droit genevois

TF, 07.08.2018, 2C_869/2017

Le bouclier fiscal prévu à l’art. 60 al. 1 LIPP-GE dispose que la charge fiscale ne peut « (…) excéder au total 60 % du revenu net imposable. Toutefois, pour ce calcul, le rendement net de la fortune est fixé au moins à 1 % de la fortune nette ». Le texte légal ne permet pas de considérer que le « revenu net imposable » de l’art. 60 al. 1 LIPP-GE première phrase correspond toujours à 1 % de la fortune nette selon l’art. 60 al. 1 LIPP-GE seconde phrase.

Faits

Un contribuable imposé dans le canton de Genève dispose d’un revenu net imposable nul, compte tenu de plusieurs déductions, et d’une fortune imposable de l’ordre de CHF 5’000’000.

En tenant compte d’une réduction liée au bouclier fiscal, l’Administration fiscale cantonale genevoise (AFC) fixe les impôts cantonaux et communaux (ICC) sur la fortune à environ CHF 30’000.

Le contribuable conteste le calcul relatif au bouclier fiscal, d’abord devant l’AFC, puis auprès du Tribunal administratif de première instance, où il obtient gain de cause. Sur recours de l’AFC, la Cour de justice rétablit la décision de taxation.

Le contribuable forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.… Lire la suite

L’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud

TF, 29.08.2018, 1C_443/2017 

L’atteinte résultant de l’interdiction de la mendicité à divers droits fondamentaux, tels que la liberté personnelle (art. 10 Cst.), est admissible au regard de l’art. 36 Cst. Le Tribunal fédéral confirme ainsi pour le canton de Vaud sa jurisprudence rendue à ce sujet concernant le canton de Genève.

Faits

À la suite d’une initiative populaire visant l’interdiction de la mendicité, le Grand Conseil vaudois modifie l’art. 23 LPén-VD qui réprime désormais celui qui mendie par une amende de 50 à 100 francs (al. 1). Une amende de 500 à 2’000 francs est prononcée à l’égard des personnes organisant la mendicité ou impliquant dans la mendicité des mineurs ou des personnes dépendantes (al. 2).

La Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du canton de Vaud rejette la requête formée contre cette révision législative par plusieurs personnes, dont certaines s’adonnent à la mendicité.

Ces personnes forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Dans un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral doit se prononcer sur la conformité de l’art. 23 LPén-VD au droit supérieur, en particulier à la liberté personnelle (art. 10 Cst.).

Droit

Sur le plan de la recevabilité, le Tribunal fédéral rappelle que lorsque l’objet de la contestation est un acte normatif, l’intérêt personnel fondant la qualité pour recourir suffit d’être virtuel (art.Lire la suite