Publications par Quentin Cuendet

Le secret de l’avocat étranger entendu dans le cadre d’une procédure civile en Suisse

TF, 17.12.2018, 4A_313/2018

Le secret professionnel de l’avocat vaut également à l’égard des tribunaux. Un témoignage recueilli en violation de ce secret est donc vraisemblablement un moyen de preuve illicite ne pouvant être pris en compte qu’aux conditions de l’art. 152 al. 2 CPC. Le Tribunal fédéral semble également considérer que le secret professionnel de l’avocat étranger amené à témoigner dans un procès civil en Suisse au sujet d’une activité typique déployée à l’étranger pourrait être régi par le droit suisse. 

Faits

Dans le cadre d’une succession ouverte en Italie, un avocat genevois et deux co-conseils italiens sont mandatés par une héritière. Celle-ci souhaite notamment agir contre l’un de ses anciens avocats, par qui elle estime avoir été lésée.

Ce dernier exerce en Italie, de sorte que le dépôt d’une plainte pénale dans ce pays est envisagé. Le projet est notamment abordé lors d’une réunion de juin 2009 entre l’héritière et ses avocats. Lors de cette réunion, un désaccord survient sur un autre point, de sorte que l’avocat genevois remet son mandat à disposition, sans réaction de l’héritière.

Peu de temps après, un journal italien rapporte que l’ancien conseil de l’héritière aurait été victime d’une tentative d’extorsion de la part de celle-ci et de son avocat genevois.… Lire la suite

La qualité pour recourir contre une expulsion pénale

ATF 145 IV 161TF, 6.5.2019, 6B_344/2019*

Les membres de la famille d’un prévenu faisant l’objet d’une mesure d’expulsion n’ont ni la qualité de partie à la procédure au sens de l’art. 105 al. 2 CPP, ni la qualité pour recourir contre le prononcé de l’expulsion au sens de l’art. 382 al. 1 CPP. Leur intérêt indirect et de fait à l’annulation ou à la modification de la décision n’est pas suffisant dans le cadre d’une procédure pénale.

Faits

Le Tribunal correctionnel de Genève prononce l’expulsion d’un prévenu du territoire suisse pour une durée de trois ans. L’appel formé contre ce jugement par la compagne et le fils du prévenu est déclaré irrecevable, la Cour de justice leur ayant dénié la qualité de partie dans la procédure (AARP/26/2019). Tous deux recourent devant le Tribunal fédéral.

Droit

L’art. 382 al. 1 CPP octroie à toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision la qualité pour recourir contre celle-ci.

L’existence d’un intérêt juridiquement protégé suppose que le recourant soit touché directement et immédiatement dans ses droits propres, un simple effet réflexe ou un intérêt de fait n’étant pas suffisants.… Lire la suite

L’établissement d’un profil ADN dans la perspective d’infractions futures

ATF 145 IV 263TF, 24.04.2019, 1B_17/2019*

L’établissement d’un profil ADN à des fins de prévention et d’élucidation de futures infractions est autorisé par l’art. 255 al. 1 let. a CPP pour autant que les conditions de l’art. 197 al. 1 CPP soient remplies. En particulier, l’établissement d’un profil ADN est proportionné lorsque des indices sérieux et concrets montrent que le prévenu est ou sera impliqué dans de futures infractions, pour autant que celles-ci soient d’une certaine gravité.

Faits

Le Ministère public de Zurich-Limmat mène une instruction contre un prévenu pour menaces, dommage à la propriété, lésions corporelles simple et éventuellement violation de domicile. Dans ce cadre, il ordonne l’établissement du profil ADN du prévenu au moyen d’un frottis de la muqueuse jugale déjà à disposition.

Le prévenu attaque cette ordonnance devant le Tribunal cantonal du canton de Zurich. Débouté, il recourt au Tribunal fédéral.

Droit

L’instance précédente ne prétend pas que l’établissement d’un profil ADN soit nécessaire dans le cadre de l’instruction, ni qu’il n’existe des indices concrets que le prévenu ait commis d’autres infractions. Le Tribunal fédéral doit donc se prononcer sur la possibilité d’établir un profil ADN dans le seul but de prévenir ou élucider de futures infractions.… Lire la suite

L’assujettissement au droit des marchés publics d’un hôpital détenu par des communes

ATF 145 II 49 | TF, 21.2.2019, 2C_196/2017*

Un hôpital constitué sous la forme d’une société anonyme, remplissant un mandat de prestations attribué par un canton dans le domaine des soins hospitaliers aigus et dont les actionnaires sont des communes peut être obligé par le gouvernement cantonal à lancer des appels d’offres au sens de l’AIMP pour certains marchés. En effet, une telle société entre dans le champ d’application de l’art. 8 al. 1 let. a AIMP dans la mesure où son activité n’a pas un caractère commercial.

Faits

Une société anonyme, dont le capital-actions est intégralement détenu par des communes, a pour but statutaire d’assurer le mandat de prestations hospitalières aiguës du canton de Zurich dans l’Oberland zurichois. A ce titre, elle gère les unités de soins aigus nécessaires ainsi que les services de sauvetage et de transport de patients. Dans le cadre son activité, la société exploite l’hôpital de Wetzikon. Elle figure également sur la liste cantonale des hôpitaux au sens de l’art. 39 al. 1 let. e LAMal pour diverses prestations.

Par arrêté du 15 juillet 2015, le Conseil d’État zurichois a notamment imposé à la société de lancer un appel d’offres pour tous les marchés dépassant les seuils fixés par l’AIMP, sauf exception aménagée par le droit zurichois.… Lire la suite

La fixation de la peine en cas de concours rétrospectif partiel

ATF 145 IV 1TF, 27.12.2018, 6B_1037/2018*

L’ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux concours rétrospectifs partiels est abandonnée. Le juge doit désormais procéder en deux étapes. Il fixera d’abord une peine complémentaire ou cumulative sur la base des infractions commises avant le premier jugement. Cela fait, il prononcera une peine indépendante pour sanctionner les infractions commises après le premier jugement.

Faits

Le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois condamne un prévenu à une peine privative de liberté de 14 mois pour escroquerie, tentative d’escroquerie, faux dans les titres et induction de la justice en erreur. Il révoque en outre le sursis octroyé par le Ministère public en lien avec une précédente condamnation de 2013 et ordonne l’exécution de la peine pécuniaire correspondante.

En appel, le Tribunal cantonal du canton de Vaud réduit la peine privative de liberté à 12 mois mais confirme le jugement de première instance pour le surplus. Il ressort des faits retenus par le Tribunal cantonal  que les agissements du recourant sanctionnés dans le cadre de la procédure sont en partie antérieurs à la condamnation de 2013 dont le sursis a été révoqué.

Le prévenu recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à revoir sa jurisprudence relative au concours rétrospectif partiel.… Lire la suite