Entrées par Florence Perroud

L’approbation d’une découverte fortuite issue de la surveillance étrangère d’une plateforme de communication

TF, 11.01.2024, 7B_159/2022*

Les résultats d’une surveillance mise en œuvre à l’étranger dans une procédure pénale suisse pour des infractions faisant l’objet de cette procédure pénale ne constituent pas une « découverte fortuite » et ne nécessitent pas une autorisation du tribunal des mesures de contrainte.

Faits

Le Ministère public du Canton d’Argovie (Ministère public) mène une enquête pénale contre un prévenu soupçonné d’infraction qualifiée à la LStup et de blanchiment d’argent. Le Ministère public demande aux Etats-Unis, au titre de l’entraide judiciaire, la transmission de moyens de preuve, à savoir le contenu des messages vers et depuis un appareil cryptographique ANOM. Cette dernière est une application de messagerie pour smartphones développée par plusieurs gouvernements prétendument sécurisée, dont le but était en réalité d’intercepter les messages envoyés via cette application et de pouvoir infiltrer les milieux criminels. Il s’agissait ainsi d’une opération d’infiltration, similaire à un « Cheval de Troie ».

Le U.S. Department of Justice transmet les fichiers souhaités.

Peu après, le Ministère public requiert, en application de l’art. 278 al. 3 CPP, du Tribunal des mesures de contrainte du Canton d’Argovie (TMC) qu’il « approuve une découverte fortuite » résultant de la surveillance de la plateforme de communication ANOM réalisée dans le cadre de l’entraide judiciaire. Lire la suite

Le versement d’aides financières aux cantons pour les requérants d’asile

TF, 21.23.2023, 2C_694/2022*

Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ne peut pas refuser de verser des indemnités forfaitaires à un canton ayant manqué à ses obligations en matière de renvoi au sens de l’art. 89b LAsi, ni en réclamer le remboursement lorsque le canton concerné démontre avoir été empêché de remplir son devoir pour des raisons techniques ou lorsqu’il peut invoquer des motifs excusables à son manquement qui font qu’il est objectivement impossible de lui reprocher un manque de diligence et d’avoir voulu se soustraire fautivement à ses obligations.  

Faits

Par décision du 25 octobre 2016, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile d’un ressortissant érythréen. Il ordonne simultanément son transfert vers l’Italie en application de l’Accord « Dublin ». Le SEM précise notamment dans cette décision que la relation que l’intéressé entretient avec une requérante d’asile de la même origine vivant en Suisse n’est pas assez étroite et effective pour qu’il puisse bénéficier du droit à la garantie de la vie familiale et voir sa demande d’asile traitée par la Suisse. Cette décision entre en force le 5 novembre 2016.  

Quelques jours plus tard, le Service cantonal des migrations neuchâtelois mène un entretien avec l’intéressé en vue de son renvoi.Lire la suite

La production de documents issus de procédures dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire

TF, 30.11.2023, 7B_215/2023*

La nouvelle loi fédérale du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire informatique VOSTRA (LCJ) entrée en vigueur le 23 janvier 2023 laisse la possibilité aux experts, respectivement aux autorités pénales, de se référer à des pièces issues de procédures dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire. La proportionnalité de la mesure est garantie par le contrôle judiciaire de la décision qui doit être motivée. Vu en particulier le droit à l’oubli et à la réhabilitation, le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent au demeurant être démontrés minutieusement.

Faits

En novembre 2022, un père est appréhendé à l’étranger en compagnie de ses deux enfants alors que son droit aux relations personnelles avec eux est suspendu. Il est remis le 5 janvier 2023 aux autorités suisses et est notamment mis en prévention d’enlèvement de mineur (art. 220 CP) et de séquestration (art. 183 CP).

Le Ministère public en charge de l’instruction décide de soumettre le prévenu à une expertise psychiatrique. Dans ce contexte, par ordonnance du 16 février 2023, le Ministère public ordonne l’apport de plusieurs pièces, dont notamment des pièces provenant de deux procédures pénales terminées et dont les jugements, en raison de l’écoulement du temps, ne figurent plus au casier judiciaire.… Lire la suite

L’indemnisation de la perte de gain en cas de chômage partiel

TF, 13.09.2023, 8C_610/2022*

Lorsqu’une personne assurée à l’assurance chômage perd l’un de ses emplois à temps partiel et continue d’exercer une ou plusieurs autre(s) activité(s) à temps partiel, il convient, pour déterminer si elle a droit à l’indemnisation de sa perte de gain, de comparer le revenu mensuel brut qu’elle réalise malgré son chômage partiel (revenu provenant d’une ou de plusieurs autres activités à temps partiel) avec l’indemnité de chômage à laquelle elle aurait droit si elle n’était pas au chômage partiel mais si elle était totalement sans emploi.

Faits

Un jeune homme est engagé en qualité de joueur de hockey professionnel pour un revenu de CHF 100’000.- par année avec un taux d’activité estimé à 48 %. En sus, il travaille à 50 % pour une entreprise tierce pour un salaire de CHF 26’325.- par an. Il démissionne de cette entreprise tierce en raison de son souhait d’exercer désormais, en complément de son activité de joueur de hockey professionnel, une activité correspondant à 40 % d’une activité à plein temps. Il sollicite alors la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) afin d’obtenir l’indemnisation de sa perte de gain.

Par décision confirmée sur opposition, la caisse refuse d’allouer des prestations, estimant que l’assuré ne subit aucune perte de gain.… Lire la suite

Dies ad quem de la période de suspension du délai péremptoire de l’art. 166 al. 2 LP

ATF 149 III 410TF, 03.08.2023, 5A_190/2023*

La suspension du délai péremptoire de l’art. 166 al. 2 LP prend fin dès la notification du prononcé de mainlevée. La question de savoir si par « notification du prononcé de mainlevée » il faut entendre la notification du seul dispositif ou celle de la décision dûment motivée n’est pas formellement tranchée.

Faits

Le 4 septembre 2020, un individu notifie à une société anonyme un commandement de payer pour un montant de CHF 600’000.-, intérêts en sus. La poursuivie y fait opposition totale

Le 23 février 2021, l’autorité compétente prononce la mainlevée provisoire de l’opposition. Cette décision est d’abord communiquée aux parties sous la forme d’un dispositif non motivé. Le prononcé motivé est adressé aux parties le 16 avril 2021. Aucun recours ni action en libération de dette ne sont introduits.

Le poursuivant requiert la continuation de la poursuite et la poursuivie se voit notifier une commination de faillite le 14 juillet 2022. Par acte du 2 août 2022, le poursuivant requiert la faillite de la poursuivie. La faillite de la poursuivie est prononcée au mois de septembre 2022.

La poursuivie recourt contre cette décision auprès de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois qui la déboute.Lire la suite