Publications par Camille de Salis

La primauté du droit fédéral et la mise en oeuvre de l’art. 19 al. 6 LTr en droit cantonal

TF, 04.09.2025, 2C_616/2024*

La LTr règle la protection des travailleurs de manière exhaustive. En application de l’art. 49 Cst, le droit cantonal ne peut pas imposer la conclusion d’une CCT étendue pour autoriser une ouverture dominicale des magasins au sens de l’art. 19 al. 6 LTr.

Faits

Sur requête d’associations d’employeurs, la Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (la Direction cantonale) autorise les commerces assujettis à la Loi genevoise sur les heures d’ouverture des magasins (LHOM/GE) à rester ouverts le dimanche 22 décembre 2024 jusqu’à 17h. La Direction cantonale réserve en particulier les dispositions de la LTr régissant l’emploi des travailleurs le dimanche, qui relève de la compétence de l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (l’OCIRT). Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

Deux syndicats invitent l’OCIRT à rendre une décision constatant que l’emploi de personnel le dimanche 22 décembre 2024 dans les commerces assujettis à la LHOM/GE nécessite l’octroi préalable d’une autorisation. Par décision du 4 octobre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCIRT constate que des travailleurs peuvent être employés le dimanche 22 décembre 2024 sans autorisation, en application de l’art.Lire la suite

La destitution d’un·e juge à la suite d’une dénonciation manifestement infondée visant un·e collègue

TF, 29.08.2025, 1C_237/2025

La destitution d’un·e juge, prévue en tant que sanction disciplinaire par le droit cantonal, n’est pas arbitraire lorsque le·la juge a, par son comportement, porté atteinte à la dignité de la magistrature (art. 80 al. 1 lit. g LOG/TI). En l’espèce, le juge avait dénoncé son collègue, président du Tribunal, pour pornographie (art. 197 CP), en ne pouvant ignorer que la plainte était infondée. 

Faits

En octobre 2020, le Grand Conseil tessinois élit un nouveau juge au Tribunal pénal cantonal (le Tribunal), composé de cinq juges.

En avril 2024, le président et deux juges signalent au Conseil de la magistrature une situation difficile avec leurs deux autres collègues, ce qui compromettrait le bon fonctionnement du Tribunal. Le Conseil de la magistrature ouvre une procédure disciplinaire à l’encontre des deux juges dénoncés et tente une conciliation entre les cinq juges.

En juin 2024, dans le cadre d’une procédure disciplinaire pendante à l’encontre du président, une secrétaire du Tribunal transmet au Conseil de la magistrature une photo qu’il lui avait envoyée antérieurement. Celle-ci montre une femme assise sur un banc entre deux grandes statues de forme phallique, portant l’inscription « Ufficio penale ».… Lire la suite

In dubio contra stipulatorem et la formulation d’une clause de résiliation d’un contrat de bail

TF, 24.06.2025, 4A_245/2024

Le Tribunal fédéral rappelle que lorsqu’une clause contractuelle peut, de bonne foi, être comprise de deux manières différentes et que les méthodes d’interprétation ne permettent pas de lever le doute, le principe in dubio contra stipulatorem s’applique.

Faits

Une société anonyme loue un local commercial à une autre société anonyme, selon un contrat daté de novembre 2017. L’article 3 du contrat de bail prévoit que celui-ci est conclu pour une durée de cinq ans, du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2022. Il prévoit également ce qui suit : « Toutefois le locataire aura la possibilité de résilier son bail un an après la date de début du présent bail avec un préavis de six mois avant l’échéance de celui-ci ».

En 2018, l’immeuble change de propriétaire. La locataire en est informée, avec la précision que les conditions contractuelles en vigueur demeurent inchangées.

Par courrier du 6 janvier 2020, la locataire résilie le bail. La société à laquelle la propriétaire a confié la gérance de l’immeuble l’informe qu’elle continue à la tenir responsable de ses obligations contractuelles jusqu’au 30 novembre 2022 ou à la relocation des locaux.

Suite à un état des lieux de sortie et à la remise des clés du local commercial vide, la propriétaire établit une convention de sortie réservant les loyers couvrant la période du 1er août 2020 au 30 novembre 2022.… Lire la suite

L’ancien travailleur salarié devenu apprenti et l’ALCP

TF, 19.05.2025, 2C_699/2023*

Lorsqu’une personne perd son statut de travailleur salarié au sens de l’art. 6 Annexe I ALCP, des revenus trop modestes dans le cadre d’une activité réelle et effective ne lui permettent pas de le retrouver. L’approche n’est pas plus souple dans le cadre d’un apprentissage malgré les objectifs particuliers de ce contrat (art. 344 ss CO).

Faits

Un citoyen italien réside en Suisse entre 1994 et 2009, entre 2014 et 2015, entre 2015 et 2016, puis revient en juin 2017 pour exercer une activité lucrative salariée. Il obtient un permis de séjour UE/AELE.

Après avoir connu deux périodes sans emploi, il épuise son droit aux indemnités de chômage en juillet 2019 et perçoit des prestations d’aide sociale. En mai 2020, il signe un contrat d’apprentissage d’installateur-électricien. Le contrat prévoit une formation de quatre ans à compter du 1er septembre 2020 et une rémunération mensuelle brute de CHF 550 durant la première année à CHF 1’200 durant la quatrième.

Les autorités tessinoises révoquent le permis de séjour de l’intéressé en août 2020. Le Consiglio di Stato et le Tribunale amministrativo confirment cette décision. Le citoyen italien saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le contrat d’apprentissage permet de considérer l’intéressé comme un travailleur salarié au sens de l’art.Lire la suite

La renonciation unilatérale par l’employeur à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence

TF, 26.06.2025, 4A_5/2025*

L’employeur ne peut pas renoncer unilatéralement à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence si le contrat ne le prévoit pas. De même, l’imputation des revenus perçus par l’ancien·ne employé·e durant la période d’interdiction de concurrence n’est possible que si elle a été prévue expressément.

Faits

Une société engage un employé en 2006. Suite à sa promotion au poste de « Country Manager » en 2008, les parties signent un nouveau contrat de travail, prévoyant une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence.

Selon la clause de non-concurrence, l’employé s’engage (traduction libre) à « ne pas accepter, pendant une période de deux ans, une activité directe ou indirecte pour une entreprise concurrente de l’employeur » et à « ne pas créer sa propre entreprise du même type ni à prendre une participation dans une telle entreprise pendant la période susmentionnée et à ne pas exercer d’activité pour le compte d’entreprises tierces dans le domaine d’activité de l’employeur ». En contrepartie, il percevrait, « pendant la durée de la clause de non-concurrence […] une indemnité de carence correspondant à 50% du dernier salaire versé, sans bonus ».

En juin 2021, l’employé résilie son contrat de travail avec effet pour fin décembre 2021.… Lire la suite