Le devoir de priorité aux intersections
ATF 143 IV 500 | TF, 5.12.17, 6B_1300/2016*
Lorsqu’à un « Cédez le passage » précédant une intersection, la visibilité directe est nulle et qu’un véhicule apparaît dans le miroir routier, le débiteur de la priorité doit en principe s’arrêter et céder le passage au prioritaire conformément au signal, sans quoi il enfreint son devoir de priorité aux intersections et ne respecte pas la signalisation idoine (art. 36 al. 2, 27 al. 1 LCR et 36 al. 2 OSR).
Faits
A une intersection précédée par un signal « Cédez le passage », à la droite duquel la visibilité est nulle hormis un miroir routier, deux véhicules entrent en collision malgré un freinage d’urgence du véhicule bénéficiaire de la priorité. Le débiteur de la priorité est notamment condamné pour violations simple et grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 et 2 LCR) par le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers.
Sur appel, le Tribunal cantonal neuchâtelois confirme le jugement de première instance en ce qui concerne le débiteur de la priorité. Celui-ci interjette alors recours au Tribunal fédéral, lequel doit notamment déterminer si le recourant a enfreint son devoir de priorité ou s’il peut se prévaloir du principe de la confiance.
Droit
A teneur de l’art. 36 al. 2 LCR, le véhicule qui vient de droite a la priorité aux intersections. Les véhicules circulant sur une route signalée comme principale ont la priorité, même s’ils viennent de gauche. L’art. 27 al. 1 LCR dispose que chacun se conformera aux signaux et aux marques. Enfin, l’art. 36 al. 2 OSR prévoit que le signal « Cédez le passage » oblige le conducteur à accorder la priorité aux véhicules circulant sur la route dont il s’approche. Selon l’art. 14 OCR, celui qui est tenu d’accorder la priorité ne doit pas gêner dans sa marche le conducteur bénéficiaire de la priorité. Cela signifie qu’il ne doit pas être soudain contraint de freiner, d’accélérer ou de faire une manœuvre d’évitement sur l’intersection.
D’après la doctrine, le débiteur de la priorité ne peut remplir ses obligations qu’à condition d’avoir une vue suffisante sur la route prioritaire et cela des deux côtés. En cas d’absence de visibilité, il doit s’avancer très lentement et prudemment, afin de permettre à d’éventuels véhicules prioritaires de l’apercevoir à temps.
Selon la jurisprudence, un miroir destiné à remédier à une mauvaise visibilité à une intersection rend largement hasardeuse toute appréciation réaliste des distances et des vitesses des véhicules qui y apparaissent (TF, 01.09.11, 6B_299/2011). Il ne permet dès lors pas de pallier une absence de visibilité.
Quant au principe de la confiance (art. 26 al. 1 LCR), il permet à un usager de la route se comportant régulièrement d’attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l’en dissuader, qu’ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c’est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 125 IV 83).
Le conducteur débiteur de la priorité peut se prévaloir du principe de la confiance. Si le trafic lui permet de s’engager sans gêner un véhicule prioritaire, on ne peut ainsi lui reprocher aucune violation du droit de priorité s’il entrave malgré tout la progression du prioritaire en raison du comportement imprévisible de ce dernier.
Or, lorsqu’à un « Cédez le passage » précédant une intersection, la visibilité directe est nulle et qu’un véhicule apparaît dans le miroir routier sur une route cantonale, le débiteur de la priorité ne peut se prévaloir d’une situation claire. Afin de respecter ses obligations, il doit ainsi en principe s’arrêter et céder le passage au prioritaire conformément au signal, ou alors s’avancer très lentement.
En l’espèce, en omettant d’accorder la priorité au véhicule qui s’approchait sur la route principale, le recourant, positionné devant un signal « Cédez le passage », a entravé la trajectoire du véhicule bénéficiant de la priorité, lequel n’a pas pu éviter la collision malgré un freinage d’urgence. Le recourant a donc enfreint son devoir de priorité aux intersections et n’a pas respecté la signalisation idoine (art. 36 al. 2, 27 al. 1 LCR et 36 al. 2 OSR).
Le recourant ne peut se prévaloir du principe de la confiance, ne s’étant pas comporté réglementairement en s’engageant sans visualisation directe ni précaution sur la route prioritaire et dans la mesure où le comportement du bénéficiaire de la priorité n’était pas imprévisible au point de considérer que le recourant n’aurait pas enfreint son devoir de priorité.
Partant, le recours est rejeté sur ce point.
Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, Le devoir de priorité aux intersections, in: https://lawinside.ch/548/